En 2016, des organisations syndicales et patronales du secteur du transport sanitaire (en bref, le secteur des ambulanciers) signèrent un accord de branche relatif à la durée et à l'organisation du travail s'inscrivant dans le cadre de leur nouveau modèle social et portant avenant à l'accord-cadre du 4 mai 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire.

Dans cet accord de branche, deux paragraphes de l’article 6 relatif aux temps d’habillage et de déshabillage, stipulaient : « En application des dispositions de l'article 22bis de la CCNA1 de la CCNTR il appartient à l'employeur d'assurer l'entretien de la tenue professionnelle des personnels ambulanciers. Lorsqu'il n'assure pas directement cet entretien, l'employeur doit allouer une indemnité dite « d'entretien » qui vient compenser les frais professionnels d'entretien exposés par le personnel ambulancier. Le montant de cette indemnité est fixé dans l'entreprise »,

et cet article 22bis de l'annexe n°1 de la Convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport prévoyant en son paragraphe « 1. Présentation » : « La présentation et la tenue du personnel ambulancier doivent être particulièrement soignées. Cette tenue comporte obligatoirement une blouse blanche. Les blouses (trois minimum par salarié) sont fournies et entretenues par l'entreprise, qui renouvellera une blouse chaque année. ».

 

La Fédération nationale des transports et de la logistique Force Ouvrière – UNCP soutenait que cette solution prévue par l'article 6 comportait le risque d'un transport d'agents bactériologiques au domicile des salariés, que l'employeur s'exonérait ainsi de son obligation de sécurité et transférait les risques sur les salariés et qu'en conséquence, l'article 6 était contraire à l'ordre public.

 

La Cour d’appel suivit le raisonnement de la Fédération FO, jugeant ce texte contraire à l'obligation de sécurité de l'employeur en tant qu'il autorisait l'employeur à se décharger de son obligation d'entretien.

 

Dans un arrêt du 23/09/2020 (n°18-23474), la Cour de cassation saisie de ce point de droit, donna raison à la Fédération FO, en tenant ce raisonnement :

  • L'article L.2251-1 du code du travail dispose qu'une convention ou un accord collectif de travail ne peut déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public ;
  • Aux termes de l'article R.4422-1 du code du travail, l'employeur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l'exposition aux agents biologiques, conformément aux principes de prévention énoncés à l'article L.4121-2 du code du travail ;
  • Selon l'article R.4424-5 du code du travail, pour les activités qui impliquent des agents biologiques pathogènes, l'employeur doit notamment fournir aux travailleurs des moyens de protection individuelle, notamment des vêtements de protection appropriés, veiller à ce que les moyens de protection individuelle soient enlevés lorsque le travailleur quitte le lieu de travail et faire en sorte, lorsqu'ils sont réutilisables, que les moyens de protection individuelle soient rangés dans un endroit spécifique, nettoyés, désinfectés et vérifiés avant et après chaque utilisation et, s'il y a lieu, réparés ou remplacés ;
  • Comme il ne pouvait être exclu que des agents biologiques pathogènes puissent venir contaminer les tenues de travail des ambulanciers, les dispositions du dernier alinéa de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 qui autorisaient l'employeur, dans le domaine du transport sanitaire, à ne pas assurer directement l'entretien de la tenue de travail des ambulanciers en leur allouant une indemnité, étaient contraires aux dispositions des articles L.4121-1, L.4121-2 et R.4422-1 du code du travail qui font obligation à l'employeur de prendre les mesures de prévention nécessaires pour supprimer ou réduire les risques professionnels résultant de l'exposition aux agents biologiques, et à ce titre, d'assurer lui-même l'entretien et le nettoyage des tenues professionnelles.

 

En conclusion : Lorsqu’il existe un risque que des agents dits pathogènes puissent être transportés du lieu professionnel aux domiciles des salariés, c’est à l’employeur, tenu d'une obligation de sécurité, de prendre les mesures de prévention nécessaires pour supprimer ou réduire les risques professionnels résultant de l'exposition aux agents biologiques, et d'assurer lui-même l'entretien et le nettoyage des tenues professionnelles.

Car en transférant la responsabilité sur le salarié de l'entretien de sa tenue professionnelle, l’employeur expose ce salarié et ses proches à un risque de contamination plus important que si l'entretien est assuré par l'employeur lui-même.

L'obligation de sécurité oblige l’employeur à prendre les mesures de prévention nécessaires, et il ne peut se décharger sur le salarié par une contrepartie financière.

 

 

Stéphane VACCA

Avocat au barreau de Paris

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