Le contrat de construction de maison individuelle soumet le constructeur à une obligation de résultat de livraison à prix et délai convenus. Cette obligation de résultat peut apparaître rigoureuse eu égard au contexte de crise sanitaire, puisqu’elle bouleverse l’équilibre du contrat.
La livraison de la maison à la date est assurée par des pénalités de retard, dont le constructeur sera tenu s’il ne respecte pas le délai.
Compte tenu de la crise sanitaire, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, a neutralisé les pénalités de retard de livraison de la maison.
Mais cette ordonnance ne paralyse pas la possibilité pour le maître de l’ouvrage de solliciter la résolution du contrat à raison d’un retard ou de rechercher la responsabilité du constructeur en indemnisation du préjudice causé par le retard.
Le maître d’ouvrage, dont l’immeuble n’est pas livré à la date convenue, ne pourra demander au constructeur des pénalités de retard, pour toute la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, soit jusqu’au 10 août 2020.
Il pourra toutefois rechercher la responsabilité contractuelle du constructeur ou solliciter la résolution du contrat.
Le constructeur sera tenté d’opposer à ces demandes la force majeure.
En effet, l’article L.231-1 du Code de la construction et de l’habitation permet au constructeur d’être déchargé de son obligation de livraison dans le délai convenu, si le contrat de construction de maison individuelle prévoit cette possibilité pour « les cas de force majeure ».
Il apparaît donc utile de s’interroger sur le point de savoir si la pandémie de COVID 19 peut constituer un cas de force majeure ?
L’article 1218 du Code civil dispose « qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution du contrat ».
La force majeure comprend trois éléments constitutifs :
- L’extériorité, qui ne pose pas de difficultés en matière de pandémie,
- L’imprévisibilité,
- L’irrésistibilité.
Dans le cas d’une épidémie, l’imprévisibilité n’a pas toujours été reconnue.
Ainsi, le virus du chikungunya et la dengue ont été considérés comme prévisibles sur l’ile de Saint-Barthélemy et en Martinique.
Par contre, les mesures de distanciation sociales imposées par le Gouvernement à compter du 14 mars 2020 n’étaient pas raisonnablement prévisibles. L’imprévisibilité pourrait donc être retenue par les Tribunaux.
Le constructeur devra également démontrer en quoi ces mesures de distanciation sociales étaient irrésistibles, c’est-à-dire qu’elles empêchaient l’ouverture du chantier ou la réalisation des travaux.
Il semble possible de considérer que le constructeur ne pouvait mettre en œuvre des mesures de distanciation sociales avant le 2 avril 2020, date de communication par l’OPPBTP du guide de préconisations pour assurer la sécurité sanitaire sur les chantiers du BTP. Après cette date et après une période raisonnable de mise en œuvre des préconisations de l’OPPBTP, les mesures de distanciation sociale ne devraient pas être considérées comme étant toujours irrésistibles, sauf circonstances particulières, dont le constructeur devra justifier (contamination au sein du personnel, défaut d’approvisionnement en matériaux, défaut de main d’œuvre, etc…).
En définitive, jusqu’à la mi-avril 2020, il apparaît envisageable que l’obligation du constructeur de livrer la maison à la date convenue soit suspendue, mais après cette date, la force majeure ne devrait plus trouver à s’appliquer.
Le défaut de livraison à la date convenue pourra alors constituer un manquement contractuel, entrainant la responsabilité du constructeur et/ou la résolution du contrat de construction de maison individuelle, quand bien même les pénalités de retard ne pourront être exigées en vertu de l’ordonnance du n°2020-306 du 25 mars 2020.
Sylvain PRIGENT
Avocat spécialiste en droit immobilier - droit de la construction
Vous oubliez deux détails :
1 - Les pénalités de retard en CCMI ne sont pas des clauses pénales (une dizaine de jurisprudences en ce sens) par conséquent, ces pénalités ne sont pas concernées par l'article 4.
2 - Les ordonnances ne visent pas le CCH