Vous connaissez déjà le Fort de Brégançon, mais avez-vous entendu parler de son Château et de son Domaine ? Pas encore ? Suivez le guide !

 

Ici, point de visite du vignoble ou de dégustation des dernières productions, mais un tour d’horizon d’une décision du 30 juillet 2024 rendue par la division d’opposition de l’EUIPO.

Cette dernière est intéressante à plusieurs titres car elle intègre un certain nombre de rappels bienvenus dans le cadre des procédures d’opposition.

 

Ses remarques préliminaires sont d’emblée intéressantes. En effet, elle précise de manière très claire :

  • Quel est l’objet d’un examen d’opposition: « déterminer s’il existe, par rapport à tout ou partie des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque demandée est contesté, un motif relatif de refus d’enregistrement justifiant le rejet de la demande de marque »,

 

  • Les limites de sa compétence s’agissant de l’interprétation d’un protocole transactionnel : « la division d’opposition n’est pas compétente pour apprécier l’existence d’un manquement de l’opposante aux obligations résultant du protocole transactionnel auquel la demanderesse se réfère, ni pour interpréter les clauses dudit protocole à l’aune de son droit à former opposition à l’enregistrement de la marque de la demanderesse».

 

La décision citée par la division d’opposition (affaire R 2075/2020-5 du 28 mars 2024) apporte sur ce point des précisions dénuées d’ambiguïté :

 

« Toute discussion concernant le contenu de l’accord de 2002 signé entre les parties ne relève pas de la compétence de la chambre de recours, étant donné que le RMUE, qui régit les actions de l’Office et des chambres de recours, ne prévoit aucune compétence quelconque dans ce domaine.

 

Il n’appartient pas à la chambre de recours d’interpréter un accord de coexistence ou de délimitation. Par conséquent, si la demanderesse fait valoir, au regard de l’accord de 2002, que l’opposante n’était pas habilitée à former une opposition contre le signe contesté, cette question devrait être portée devant l’autorité nationale compétente et être tranchée par celle-ci ».

 

Ainsi, l’existence d’un protocole transactionnel ou d’un accord de coexistence n’empêche pas le titulaire d’une marque antérieure de s’opposer à une demande de marque déposée par son cocontractant, quand bien même cette opposition serait faite en violation de ce protocole ou de cet accord.

 

Dans ce cas, l’opposition est recevable et la division d’opposition n’est pas compétente pour apprécier l’existence d’un manquement de l’opposante aux obligations résultant du protocole ou de l’accord, ni pour interpréter les clauses dudit protocole ou accord.

 

Sur la preuve d’usage

 

La division d’opposition rappelle d’abord classiquement que la marque antérieure peut faire l’objet d’une demande de preuve de l’usage si, à cette date, elle était enregistrée depuis cinq ans au moins. A défaut, la demande de preuve de l’usage n’est pas recevable.

 

Ce délai s’analyse au jour du dépôt de la marque contestée.

 

C’est ce qui fait défaut en l’espèce et entraîne l’irrecevabilité de la demande.

 

En outre, celle-ci est doublement irrecevable sur la base d’un autre fondement. La demanderesse n’a pas présenté la demande de preuve de l’usage dans un document distinct (article 10, paragraphe 1, du RMUE).

 

=> Attention donc à bien présenter sa demande de preuve de l’usage dans la forme prescrite par le RMUE <=

 

Sur la comparaison des signes

 

La division d’opposition réitère que l’existence d’un risque de confusion pour une partie seulement du public pertinent de l’Union européenne est suffisante pour conclure au rejet de la demande contestée.

 

C’est une position classique dont le rappel est toujours utile.

 

Elle précise ensuite que « les termes « château » et « domaine » désignent respectivement une vaste construction de prestige (…) entourée d'un parc avec jardins (…) servant de résidence royale ou seigneuriale et une propriété foncière de vaste étendue comprenant généralement une habitation de maître ».

 

Elle ajoute également qu’ils sont « des mentions traditionnelles règlementées (…) dont la finalité est de garantir qu’un vin bénéficie d’une appellation d’origine et/ou d’une indication géographique protégée », et qu’à ce titre ils peuvent « suggérer le lieu de provenance des produits, le lieu de prestation des services, ou d’évoquer leur qualité ».

 

Elle en conclut donc que les termes « Château » et « Domaine » disposent, en l’espèce, d’un caractère distinctif faible. C’est finalement le syntagme « de Brégançon » qui constitue la partie distinctive des deux marques.

 

En définitive, la demande de marque est presqu’entièrement rejetée. Ne subsistent que quelques produits en classe 30 (tapioca et sagou ; farines ; levure, poudre pour faire lever) et services en classe 35 (services de vente en gros et au détail de riz, pâtes alimentaires et nouilles, tapioca et sagou, farines et levure, poudre pour faire lever.

 

On est bien loin des produits et services dont la protection avait initialement été demandée.

 

Il faut croire qu’un château et un fort suffisaient à Brégançon…