La distinction entre un auteur et un complice ne semblait pas être l’une des questions des plus impérieuses et complexes en droit pénal.

Cependant, des jugements sont venus mettre à mal ces notions que l’on pensait acquises, notamment en ce qui concerne la personne qui fait le guet lors d’un vol en réunion.

Pour rappel, est auteur d’une infraction la personne, physique ou morale, qui en a accompli personnellement les actes constitutifs.

Le complice quant à lui incite ou facilite l’infraction mais sans en commettre directement les éléments constitutifs.

En l’espèce, le vol est défini à l’article 311-1 du Code pénal comme la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui.

Ainsi, la personne observant les allers et venues afin d’aider des tiers qui s’emparent d’objets ne leur appartenant pas, ne réunit pas sur sa personne les éléments constitutifs de l’infraction.

A l’inverse, elle aide en connaissance et de cause, et de manière concomitante, à la réalisation de ladite soustraction frauduleuse.

Ainsi, cet exemple aisément compréhensible est régulièrement utilisé par les enseignants de la matière afin d’illustrer les notions de complices et de coauteurs après les avoir défini.

Le manuel Droit pénal général, ed Précis Dalloz, Bernard BOULOC, évoque cet exemple dans son chapitre consacré à la complicité «Celui qui fait le guet pendant qu’un autre est en train de commettre un vol».

La notion parait donc, en théorie, ne poser aucune difficulté.

Cependant, en pratique de très nombreuses juridictions qualifient le guet de co auteur.

Pour exemple, la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de CAEN par son arrêt du 31 octobre 2007 n°06/00712, juge que :

«le Tribunal a qualifié le comportement de N. G. de complicité de vol avec effraction sommis à titre principal par K.C., pour avoir assisté l’auteur principal dans son infraction en faisant le guet par application de l’article 121-7 du Code pénal. Cependant le prévenu qui fait le guet se comporte comme un coauteur. Il convient donc de requalifier l’infraction».

Sans autre motivation, le tribunal requalifie donc le rôle du prévenu et double la durée des travaux d’intérêts généraux prononcés par la juridiction de premier degré.

Cette décision n’est pas isolée et nombre de juridictions apprécient pareillement le rôle du guet.

Sans motivation légale apparente, la raison de cette qualification serait, vraissemblement, à rechercher au regard d’une volonté de sévérité accrue.

Pourtant, cette qualification contra legem (contraire à la loi) est bien inutile, le complice étant sanctionné comme auteur de l’infraction et encourt donc les mêmes quantums de peine.

Il est ainsi du devoir de chaque praticien, juge du siège, parquetier, et avocat de contester de telles qualifications quand bien même la Cour d’appel locale apprécierait pareillement à la Cour d’appel de CAEN la qualification du guet.

Cet arrêt rappelle également que la théorie souffre souvent de sa mise en pratique et des cas d’école se retrouvent bien mal menés hors des salles des universités.

En conséquence, quelle que soit la certitude des convictions du théoricien, il lui appartient de se soucier de l’application concrète des notions qu’il enseigne et il appartient au praticien d’appliquer les notions dans le respect des textes de la Loi.

La crédibilité de chacun en dépend.   

 

Thibaud CLAUS
Avocat au Barreau de Lyon
www.claus-avocat-lyon.com