En procédures collectives, comme dans d’autres matières intéressant le droit des affaires (pratiques restrictives de concurrence notamment), la loi désigne parfois spécialement certains Tribunaux sur le territoire de commerce pour connaître d’un contentieux particulier.
L’article L.721-8 du Code de commerce et l’annexe 7-1-1 du même Code attribuent ainsi à 18 Tribunaux de commerce le traitement des procédures de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire de certaines entreprises, au regard notamment de leur effectif salarié et de leur chiffre d’affaires.
Quel moyen de défense le plaideur doit-il invoquer lorsque c’est un autre Tribunal de commerce que celui spécialement désigné par la loi qui a, à tort, été saisi ?
C’est à cette question qu’a répondu la chambre Commerciale de la Cour de cassation par un arrêt du 17 novembre 2021 (pourvoi 19-50.067).
La réponse était loin d’être évidente, car deux moyens de défense prévus par le Code de procédure civile pouvaient ici être envisagés : l’exception d’incompétence d’une part, la fin de non-recevoir tirée d’un défaut de pouvoir juridictionnel d’autre part.
On considère classiquement :
- que la difficulté se résout par une exception d’incompétence lorsqu’il s’agit de déterminer, à l’aide des règles de compétence territoriale et d’attribution, quel juge doit être saisi parmi tous ceux ayant a priori une égale vocation à connaître du litige,
- que la difficulté se résout par une fin de non-recevoir lorsqu’est en question l’existence même du pouvoir juridictionnel du juge pour connaître du litige (ainsi le Juge de l’exécution est-il dénué de pouvoir juridictionnel pour statuer sur une demande de dommages et intérêts qui n’est pas fondée sur une mesure d’exécution forcée : Civ 2ème, 15 avril 2021, pourvoi 19-20.281).
En matière de pratiques restrictives de concurrence, la Cour de cassation considère ainsi que la Cour d’appel de Paris est seule investie du pouvoir de juger les appels des décisions émanant des tribunaux spécialisés, de sorte que l’appel formé devant une autre Cour d’appel se heurte à une fin de non-recevoir (Com, 31 mars 2021, pourvoi 19-14.094).
C’était également l’option retenue ici par la Cour d’appel de Lyon dans sa décision, qui est pourtant censurée par la Cour de cassation, pour laquelle « la contestation […] de la compétence du tribunal de commerce […] pour connaître de la procédure collective de la société […] devait s'analyser, non en une fin de non-recevoir, mais en une exception d’incompétence ».
Cette solution n’est pas sans conséquence pratique, puisqu’elle impose à celui qui entend contester la compétence du Tribunal de saisi, de le faire in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond et fin de non-recevoir, conformément à l’article 74 du Code de procédure civile.
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