On attend de l’évolution actuelle de la politique économique du gouvernement de l’Argentine, la survenance d’un contexte de nouveau favorable pour procéder à des investissements dans ce pays ; à tout le moins, pour y revivifier et accroitre les flux d’échanges commerciaux avec les entreprises étrangères.

Comme tous les marchés, le marché argentin est régi par des normes dont la connaissance préalable est recommandée aux entreprises désireuses de s’y implanter. Parmi ces normes figurent celles assurant la protection du signe qui permettra de distinguer le produit ou le service de l’entreprise auprès du consommateur : la marque.

Bref tour d’horizon de l’état de la protection des marques en Argentine, au travers de l’examen des trois champs principaux d’actions :

  • L’enregistrement de la marque ;
  • La surveillance de la marque ;
  • La défense de la marque.

 

I.   L'ENREGISTREMENT DE LA MARQUE EN ARGENTINE

En Argentine, comme en France, le droit sur une marque s’obtient moyennant l’enregistrement de celle-ci.

Par ailleurs, le droit des marques est un droit territorial : l’enregistrement d’une marque en France auprès de l’INPI, à titre de marque française (ou de marque communautaire), ne lui confèrera pas une protection au-delà des frontières françaises (ou de l’Union européenne). Il faudra donc procéder à l’enregistrement de la marque auprès de « Instituto nacional de propiedad industrial » (l’INPI argentin).

 

A)   LA DEMANDE D’ENREGISTREMENT : LE DEPOT DE MARQUE

À l’égal du droit français, le droit argentin définit la marque comme le signe qui distingue un produit ou un service d’un même produit ou service provenant d’une entreprise concurrente.

Une expression verbale (qu’il s’agit d’un mot ou d’un groupe de mots, tel que slogan, phrase…), mais également une représentation graphique (dessin, logo…), peuvent être déposés à titre de marque. De même est-il possible de déposer une sonorité (par exemple, la mélodie instrumentale de la société Intel), ou encore la forme d’un produit (la « marque 3D »), pour autant que celle-ci soit arbitraire.

Il conviendra de remplir avec précision les différents champs du formulaire, notamment : identité et adresse du titulaire ; description de la marque ; désignation des classes de produits et/ou services pour lesquels la marque est déposée, suivant la « Classification de Nice » ; description desdits services et/ou produits…

Contrairement aux droits français et communautaire, le droit argentin exige qu’il soit procédé à autant de dépôts que de classes de produits et/ou services visés (ce qui comportera une incidence sur les coûts de dépôts, chaque demande de dépôt de marque emportant payement d’une taxe fixée par l’INPI argentin).

 

B)  LA PUBLICATION DU DEPOT ET L’EXAMEN DE LA MARQUE

Le dépôt fait l’objet d’une publication au « Boletín de Marcas » (Bulletin officiel des marques argentin), afin de le porter à la connaissance de tout intéressé. Ce dernier pourra, dans un délai de 30 jours à compter de la publication, s’opposer à l’enregistrement au motif de la préexistence d’un droit de marque dont il serait titulaire.

De son côté, l’autorité administrative procèdera également, à l’intérieur de ce même délai, à un contrôle d’antériorités.

Il est donc recommandé d’anticiper toute éventuelle contestation, en procédant soi-même, par le biais d’un organisme spécialisé et avant tout dépôt de demande d’enregistrement, à une recherche d’antériorités.

Si cette recherche devait mettre à jour un risque de conflit avec une marque préexistante, avant même de modifier le projet une enquête commerciale pourrait être diligentée, afin de vérifier si la marque pré existante est bien exploitée sur le marché : dans l’hypothèse où celle-ci ne ferait pas l’objet d’un usage sérieux et ce depuis cinq années sans interruption, il serait possible d’en demander la déchéance. Si cependant l’enquête devait mettre à jour un usage sérieux valablement opposable, il pourrait alors être envisagé de procéder à la négociation d’un accord de coexistence, voire à un rachat.

L’examen de l’administration portera également sur d’autres aspects, notamment le caractère non descriptif de la marque : un signe qui décrirait les produits et/ou services visés ne saurait constituer une marque (par exemple « fruits et légumes » pour désigner le commerce de fruits et légumes de la classe 31).

 

C)  EN CAS D’OPPOSITION A ENREGISTREMENT DE LA PART D’UN TIERS OU DE REFUS D’ENREGISTREMENT DE LA PART DE L’INPI

Si, en dépit des précautions préalables précitées, est opposé par un tiers un précédent dépôt ou enregistrement de marque, la difficulté devra, préalablement et obligatoirement, faire l’objet d’une tentative de règlement amiable, par voie de médiation. Cela pourrait être l’occasion de négocier un accord : accord de coexistence, retrait de l’opposition moyennant retrait de certains des produits ou services visés par le dépôt contesté…

C’est seulement en cas d’échec de la médiation qu’il pourra être procédé à une « acción judicial » aux fin d’obtenir le rejet de l’opposition : enregistrée auprès de l’INPI, elle sera transmise par ce dernier au Tribunal fédéral civil et commercial de Buenos Aires et soumise à la procédure judiciaire de droit commun.

Quant à un éventuel refus d’enregistrement de la part de l’INPI, l’entreprise pourra procéder directement à une « acción judicial », suivant  les mêmes voie et procédure.

 

 

II.  LA SURVEILLANCE DE LA MARQUE EN ARGENTINE

 

Une fois la marque enregistrée, l’entreprise devra régulièrement et sérieusement veiller à « la faire vivre ». Car en Argentine comme en France, le droit sur une marque peut s’éteindre si l’entreprise néglige d’en faire usage durant un certain délai, ou bien si elle omet de procéder au renouvellement périodique de son enregistrement.

 

A)  SE PREMUNIR CONTRE LE RISQUE DE DECHEANCE POUR NON USAGE

L’entreprise dispose d’un délai de cinq ans à partir de la date d’enregistrement de la marque pour faire usage de celle-ci. Faute de quoi, elle s’expose à ce que tout tiers intéressé agisse en justice pour solliciter la déchéance de son droit de marque.

Mais si aucune action en déchéance n’est diligentée alors que la marque n’a pas fait l’objet d’un usage avant l’expiration de ce délai, il est possible de « sauver » la marque en en entreprenant l’usage : ce qui importe c’est que, sur une période de cinq ans avant une action en déchéance la marque ait fait l’objet d’un usage.

L’usage requis doit être sérieux, c’est-à-dire qu’il doit correspondre à une exploitation sincère. En outre il doit avoir lieu sur le territoire argentin.

Lorsqu’il s’agit de vérifier l’usage d’une marque, la loi et les tribunaux argentins s’avèrent relativement bienveillants vis à vis du titulaire de la marque ; de sorte que si l’usage peut ressortir d’actes de commercialisation, il en va de même d’actes préparatoires avant toute mise sur le marché, de publicités, ou encore de la fabrication de produits exportés hors de l’Argentine… Il faudra, cependant, veiller à en préserver les preuves.

Au contraire du droit français (mais également du droit de l’Union européenne), le seul usage d’une marque pour l’un des produits ou services visés dans l’enregistrement suffit à justifier le maintien des droits de marque pour tous les autres produits et/ou services visés, quand bien même aucun usage les concernant n’aurait eu lieu : il n’existe pas, en Argentine, de déchéance partielle de droits de marque.

 

B)  SE PREMUNIR CONTRE LE RISQUE DE CADUCITE POUR NON RENOUVELLEMENT

La protection de la marque est accordée pour une période de dix ans, cependant renouvelable indéfiniment pour une même durée.

Il faut donc également assurer un suivi vigilant du calendrier des renouvellements, car un enregistrement non renouvelé équivaudrait à un abandon de marque, rendant celle-ci disponible à la concurrence.

Par ailleurs, en cette matière, la condition de l’usage intervient également car, pour que l’enregistrement d’une marque soit renouvelé, il faut que l’entreprise soit en mesure de justifier d’un usage à l’intérieur de la période de cinq ans précédant la date de son expiration.

 

III.  LA DEFENSE DE LA MARQUE EN ARGENTINE

 

Comme le droit français, le droit argentin donne des armes à l’entreprise désireuse de défendre sa marque contre les agressions ou les risques d’agressions.

 

A)  DEFENSE CONTRE LES DEMANDES D’ENREGISTREMENTS DE MARQUES IDENTIQUES OU SIMILAIRES

De la même façon que, au stade de la demande d’enregistrement de sa marque, elle aura dû se prémunir contre le risque d’oppositions de la part de tiers, l’entreprise, une fois sa marque enregistrée, devra désormais se prémunir contre toute demande d’enregistrement d’une marque qui reproduirait ou imiterait la sienne.

Certes, comme mentionné plus avant, l’INPI est tenu de procéder à une recherche d’antériorités. Toutefois, s’agissant simplement du risque d’imitation, ce contrôle n’est pas d’une fiabilité absolue. C’est bien pourquoi il est prévu que tout tiers titulaire d’une marque antérieure puisse agir en opposition.

En pratique, il est impossible pour l’entreprise de se tenir informée de toute demande d’enregistrement pour être en mesure d’agir dans le délai de 30 jours à compter de sa publication. Il lui est donc recommandé de recourir à un cabinet extérieur, spécialement dédié à la surveillance des dépôts, lequel l’alertera si nécessaire.

Si cependant, malgré cette surveillance, il devait être découvert qu’une marque tierce, passée inaperçue, a pu être valablement enregistrée, alors qu’elle reproduit ou imite la marque de l’entreprise, cette dernière disposerait alors de l’action en nullité. Mais l’entreprise devra agir avant l’expiration d’un délai de dix ans à compter de la publication de l’enregistrement contesté, sous peine de ne plus jamais pouvoir contester la marque postérieure qui reproduirait ou imiterait la sienne (sauf à ce que puisse être démontrée la mauvaise foi du déposant de la marque contestée).

 

B)  DEFENSE CONTRE LES AGISSEMENTS CONTREFAISANTS

Sont considérés contrefaisants l’apposition, l’utilisation, la commercialisation du signe protégé, sur des produits ou pour des services visés dans l’enregistrement, sans autorisation de l’entreprise.

Attention : si, comme en droit français, les poursuites en contrefaçon devant les tribunaux se prescrivent par trois ans à compter des faits, le droit argentin prévoit un délai de prescription réduit à un an à partir du jour où l’entreprise a connu ou aurait pu connaître les faits.

Les peines encourues par le contrefacteur sont de trois mois à deux ans d’emprisonnement et de 4.000,00 à 100.000,00 pesos. Eu égard à l’actuelle parité de la monnaie argentine avec les autres monnaies (ceci depuis la grave crise de 2001), le caractère dissuasif de l’amende peut paraitre douteux : de 256,67 à 6.331,89 € (quoique cette parité ne reflète pas la réalité économique locale). C’est bien pourquoi la loi prévoit expressément que « le pouvoir exécutif pourra actualiser ce montant à raison des circonstances ». Gageons cependant que la réintégration, actuellement en cours, de l’Argentine dans le concert économique mondial conduira à un rééquilibrage de sa monnaie avec celle des autres pays.

En outre, en cas de condamnation, des mesures complémentaires peuvent être ordonnées, telles que destruction des marchandises contrefaisantes ou publications judiciaires aux frais du contrefacteur.

Cependant, si l’entreprise entend obtenir la condamnation du contrefacteur à des dommages-intérêts, elle devra saisir le juge civil.

Attention : avant toute action judiciaire, l’entreprise devra vérifier qu’elle n’encoure pas la déchéance de son droit de marque, notamment pour non usage, suivant les conditions précisées ci-avant. Car, si le présumé contrefacteur pouvait valablement s’en prévaloir, l’action en contrefaçon tomberait d’elle-même : pas de marque, pas de contrefaçon.

Enfin, signalons que le droit argentin, à l’égal du droit français, prévoit la procédure de saisie-contrefaçon, mesure probatoire préalable à la saisine des tribunaux aux fins de poursuites, laquelle devra être autorisée par un juge. Mais le juge argentin pourra, s’il le juge opportun, conditionner cette mesure au dépôt par l’entreprise d’une « caución », afin de garantir l’indemnisation de toute saisie abusivement pratiquée.

Les opérations de saisie-contrefaçon sont cruciales, car, s’agissant de mesures probatoires, de leur bonne exécution dépendra l’issue du procès de fond. Il conviendra donc de les préparer avec précision, en étroite coopération avec l’« oficial de justicia » (équivalant à l’huissier de justice en France) chargé de les conduire. Particulièrement dans l’hypothèse où il devrait être procédé à des saisies-contrefaçons dans des lieux géographiquement dispersés, qui devront être faite simultanément, afin d’éviter que les contrefacteurs ne puissent s’alerter entre eux et ainsi avoir le temps de faire disparaitre les preuves.

 

Mai 2016

 

L’objet de cette note est purement informatif, sans prétention à l’exhaustivité, et sans prétention à répondre aux spécificités propres à chaque cas particulier. Pour une information complète et adaptée à votre situation personnelle, nous vous invitons à consulter un professionnel.

Si vous le souhaitez, les membres de notre cabinet sont à votre disposition pour toute assistance juridique et pour vous accompagner dans le cadre des  projets d’investissement et de développement de votre activité en Amérique Latine.