Participation des communes au capital des SCIC

Par principe, les communes ne peuvent prendre de participation au capital d'une société commerciale. Le législateur a prévu quelques dérogations spécifiques.

Tel est le cas pour les prises de participation « au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables » (voir sur le blog : Prise de participation d'une commune dans une société d'énergie renouvelable : contradictions de la jurisprudence).

Une autre a été prévue spécifiquement pour les sociétés coopératives d'intérêt collectif (ou SCIC) : "Peut être associé d'une société coopérative d'intérêt collectif toute personne physique ou morale qui contribue par tout moyen à l'activité de la coopérative, notamment toute personne productrice de biens ou de services, tout salarié de la coopérative, toute personne qui bénéficie habituellement, à titre gratuit ou onéreux, des activités de la coopérative, toute personne physique souhaitant participer bénévolement à son activité ou toute personne publique" (Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, article 19 septies).

Pour autant, la disposition ne tranche pas la question des compétences, et c’est précisément la question soumise à la Cour dans cette affaire : la commune peut-elle intervenir alors que la compétence à laquelle se rattache l'objet de la société est intercommunale ?

 

Une possibilité jusqu'ici incertaine en cas de compétence relevant de l'échelon intercommunal

Jusqu'à récemment, plusieurs indices conduisaient à écarter cette possibilité, ou a tout le moins à la considérer comme très incertaine :

  • La jurispruence est stabilisée de longue date et prévoit qu'en cas de délégation de compétence à un syndicat mixte, la commune ne peut plus exercer la compétence déléguée (Conseil d'Etat, ASSEMBLEE, du 16 octobre 1970, n°71536 ; Conseil d'Etat, 14 janvier 1998, n°161661) ;
  • La jurisprudence prévoit également, s'agissant des sociétés d'économie mixte, "si une commune membre d'un syndicat communautaire d'aménagement d'une agglomération nouvelle entend créer une société d'économie mixte locale, l'objet de cette société doit s'inscrire dans le cadre des compétences qui restent dévolues à ladite commune, et que, dans l'hypothèse où cet objet concernerait des compétences transférées au syndicat communautaire la commune se trouve alors dans l'obligation d'associer ce syndicat à l'institution et à la gestion de la société d'économie mixte ainsi créée" (Tribunal administratif de Versailles, du 12 octobre 1993, aux tables), laissant présager d'une priorité de l'échelon intercommunal lorsqu'il est compétent, avec éventuellement une participation communale en soutien.

 

Application favorable à la participation des communes

Cependant, la CAA de Bordeaux a récemment fait une application favorable à la commune. Le Préfet faisait valoir que la communauté urbaine exerçait en lieu et place des communes membres, en vertu de ses statuts, les compétences en matière de développement économique. Il en déduisait que la commune ayant perdu cette compétence, et alors que l'objet social de la SCIC relevait du développement économique, il y avait un obstacle à la participation de la commune au capital de la SCIC. Le Préfet ne sera pas suivi dans son argumentaire.

Le juge constate que l'objet social de la SCIC est relativement large. La société se donne pour but :

  • de développer un modèle de ferme de proximité qui accroisse le revenu disponible moyen des exploitants et pour objectif premier de permettre l'installation de nouveaux agriculteurs en maraîchage diversifié en leur assurant les conditions pour atteindre un revenu disponible accru, dans le cadre d'un modèle économique équilibré, tout en valorisant la qualité des produits et en encourageant les pratiques agro-écologiques,
  • de contribuer au développement d'une filière agricole locale, valorisant la qualité des produits et les pratiques concourant à la transition écologique du territoire, à travers diverses activités parmi lesquelles l'acquisition et la gestion de biens immeubles, la location de foncier et de bâti agricole, la recherche et le développement agronomique, l'assistance technique aux agriculteurs, la fourniture de semences et semis, la mise à disposition de matériel de production, l'ingénierie de subventions, la participation à la structuration de la filière alimentaire locale et au développement des circuits courts sur le territoire, rapprochant les producteurs et les consommateurs, notamment à destination de la restauration collective.

Il en déduit que la circonstance que le projet de SCIC Ceinture Verte Grand Poitiers, qui vise à développer un modèle économique permettant l'installation, dans des conditions qui leur soient favorables, de nouveaux agriculteurs en maraîchage diversifié, relève de la compétence de Grand Poitiers Communauté Urbaine ne fait pas obstacle à ce que la commune de Poitiers puisse également en être associée, compte tenu de l'objet de la société relatif à la qualité des produits, au développement de pratiques concourant à la transition écologique et à la structuration de la filière alimentaire locale, au titre de l'intérêt public communal visant à satisfaire les besoins de sa population en matière d'alimentation durable, notamment dans le domaine de la restauration collective, ce qui démontre une utilisé sociale se rattachant aux compétences de cette SCIC (CAA de Bordeaux, 24/04/2025, n°24BX01206).

S'il ne s'agit que d'une application sans réelle portée générale, elle donne un éclairage bienvenu sur la possibilité pour la commune de participer au capital de la SCIC dès lors que son objet social dépasse la compétence transférée et peut être rattaché à une compétence communale.

Il convient toutefois de faire une analyse rigoureuse tant des statuts de la société que de l'EPCI en question pour s'en assurer (voir également en ce sens, pour une société de production d'énergie renouvelable : CAA de Nantes, 19 avril 2024, n°23NT01257).

 

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans la sécurisation des participations des collectivités territoriales au capital de sociétéés ;
  • Dans la revue des statuts, pactes et délibérations les approuvants, notamment au regard des problématiques de compétences ;
  • Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de prises de participation déjà actées ;
  • Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, y compris sur déféré préfectoral, le cas échéant.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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