Cette note de jurisprudence a été initialement publiée dans le n°46 des Cahiers de Jurisprudence de la Cour Administrative d'Appel de Nantes en page 5 (CAA de Nantes, 25 novembre 2024, 23NT01257).

Par principe, les communes ne peuvent prendre de participation au capital d'une société commerciale. Le législateur a prévu une dérogation spécifique, autorisant les prises de participation « au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables » (Code général des collectivités territoriales, article L2253-1).

Pour autant, la disposition ne tranche pas la question des compétences, et c’est précisément la question soumise à la Cour dans cette affaire : la commune peut-elle intervenir alors que la compétence énergies renouvelables est exercée à l'échelon intercommunal ? 

Jusqu'à récemment, plusieurs indices conduisaient à écarter cette possibilité, ou à tout le moins à la considérer comme très incertaine :

  • La jurisprudence est stabilisée de longue date et prévoit qu'en cas de délégation de compétence à un syndicat mixte, la commune ne peut plus exercer la compétence déléguée (Conseil d'Etat, ASSEMBLEE, du 16 octobre 1970, n°71536 ; Conseil d'Etat, 14 janvier 1998, n°161661) ;
  • La jurisprudence laissait également présager d’une priorité de l’échelon intercommunal avec une éventuellement une participation communale en soutien, par analogie avec la jurisprudence applicable en matière de sociétés d’économie mixte (Tribunal administratif de Versailles, du 12 octobre 1993, aux tables) ;
  • La doctrine de l'administration cite un principe d'exclusivité, excluant toute prise de participation de la commune en cas de compétence transférée à l'échelon intercommunal : "la participation de la commune au capital de la société n'est possible que dans la mesure où elle n'a pas transféré la compétence en matière de production d'énergie renouvelable à un EPCI, auquel cas seul ce dernier est habilité à prendre des participations en application du principe d'exclusivité" (Sénat, Question écrite n°10165 - 15e législature, réponse publiée dans le JO Sénat du 17/09/2020 - page 4279). 
  • Comme le Tribunal Administratif de Nantes dans l’affaire dont appel, le Tribunal Administratif de Rennes a estimé que la communauté de commune était substituée de plein droit aux communes membres en matière d'énergie renouvelable, avec un transfert volontaire et intégral, et que les textes ne permettent aucunement l'exercice d'une compétence partagée autorisant la prise de participation d’une commune membre dans une société de production d’énergie renouvelable (Tribunal Administratif de Rennes, 25 janvier 2024, n°2300530), étant précisé que ces deux jugements sont intervenus sur déféré préfectoral.

La Cour administrative d’appel de Nantes, qui est à notre connaissance la première juridiction d’appel à statuer sur la question, prend une position inverse, justifiée par des motifs de droit et de fait.

En droit, la Cour estime que l’article 2253-1 susvisé vaut habilitation à la fois des communes et des groupements intercommunaux qui peuvent en conséquence intervenir concurremment : « il ressort des termes de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales que ce dernier, qui pose des conditions de manière limitative et exclusive, n'a pas entendu imposer que seules les collectivités ayant la compétence en matière d'énergies renouvelables en vertu de l'article L. 2224-32 du même code puissent participer au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables ». A cet égard, il est intéressant de souligner que le principe d’exclusivité évoqué par la doctrine de l’administration n’est appuyé sur aucun fondement législatif précis et l’ayant expressément prévu. Une analogie avec l’application de la loi NOTRe par les services de l’Etat peut en éclairer les raisons. Les travaux parlementaires d’évaluation évoquent au sujet des circulaires d’application de la loi NOTRe une lecture restrictive si bien que « il en résulte une interprétation et une mise en œuvre moins souples que ce que le législateur avait décidé » (Assemblée Nationale, rapport d’information par la commission des lois sur l’évaluation de l’impact de la loi n°2015, 991, p. 10)

En fait, la Cour ajoute que les statuts du syndicat mixte n’étaient pas rédigés de telle façon à ce qu’il soit possible d’y lire un transfert de la compétence que la commune tire de l’article 2253-1 susvisé : « les dispositions de l'article 4 des statuts du syndicat mixte " Territoire d'énergie Mayenne ", qui ne font que rappeler les règles posées à l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales, ne peuvent être regardées comme un transfert de compétence de la commune au syndicat mixte. » L’appréciation est donc susceptible de varier selon chaque cas d’espèce eu égard au contenu des statuts.

De ce fait, les communes doivent en toute hypothèse veiller à cette divergence d’appréciation entre les services de l’Etat et les juridictions administratives pour sécuriser leurs prises de participation dans les sociétés portant des projets d'énergie renouvelable. Outre l’interprétation qui est faite des textes par la Cour et qui conduit à ne pas exclure par principe une participation des communes alors que la compétence est exercée à l’échelon intercommunal, ce qui n’était pas la position des services de l’Etat avant cet arrêt, une analyse au cas par cas est nécessaire pour déterminer si la compétence a été transférée ou non effectivement, ce qui implique une lecture attentive des statuts du syndicat mixte ou de l'EPCI considéré et des délibérations intervenues.  

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans le montage de vos projets d'énergie renouvelable à participation publiques ;
  • Dans la sécurisation des prises de participation des acteurs publics dans des sociétés privées, en tenant compte des spécificités du droit public ;
  • Dans la revue des statuts, pactes et délibérations les approuvants, notamment au regard des problématiques de compétence des collectivités parties prenantes ;
  • Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de prises de participation déjà actées ;
  • Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, devant les juridictions adminsitratives ou judiciaires, le cas échéant.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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