La responsabilité pour insuffisance d’actif est une sanction qui peut frapper les dirigeants de sociétés mises en liquidation judiciaire, lorsque leur faute de gestion a contribué à l’aggravation du passif social. Cette responsabilité est prévue par les articles L. 651-1 et suivants du code de commerce. Mais quelles sont les règles spécifiques applicables aux dirigeants de sociétés par actions simplifiées (SAS) ? Quelle est la situation des personnes morales dirigeantes et de leurs représentants légaux ? Quels sont les critères retenus par la jurisprudence pour caractériser la faute de gestion ? Cet article vous propose un éclairage sur ces questions, à la lumière d’un arrêt récent de la Cour de cassation du 13 décembre 2023 (Com. 13 décembre 2023, n°21-14579).

La responsabilité pour insuffisance d’actif des dirigeants de SAS

La SAS est une forme de société qui offre une grande liberté aux associés pour organiser la gouvernance de l’entreprise. Le code de commerce prévoit que la SAS est dirigée par un président, qui peut être une personne physique ou une personne morale, et qui représente la société à l’égard des tiers. Les statuts peuvent également prévoir la désignation d’autres organes de direction, tels que des directeurs généraux, des directeurs généraux délégués, ou des membres d’un conseil d’administration ou de surveillance.

Comme tout dirigeant de société, le président de la SAS et les autres organes de direction sont soumis à un devoir de gestion diligente et loyale, dans l’intérêt social de la société. En cas de mise en liquidation judiciaire de la SAS, ils peuvent être tenus responsables des fautes de gestion qu’ils ont commises et qui ont contribué à l’insuffisance d’actif, c’est-à-dire à l’incapacité de la société à payer ses dettes avec son actif disponible. La responsabilité pour insuffisance d’actif est engagée par le liquidateur judiciaire ou par le ministère public, devant le tribunal de commerce. Le tribunal peut alors condamner les dirigeants fautifs à supporter tout ou partie du passif social, en fonction de la gravité de leur faute et de leur situation personnelle.

La situation des personnes morales dirigeantes et de leurs représentants légaux

L’une des particularités de la SAS est qu’elle peut être dirigée par une personne morale, qui doit alors être représentée par une personne physique. Par exemple, une société anonyme peut être présidente d’une SAS, et être elle-même représentée par son président du conseil d’administration ou son directeur général. Dans ce cas, qui peut être poursuivi en responsabilité pour insuffisance d’actif ? La personne morale dirigeante, la personne physique représentante, ou les deux ?

La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 13 décembre 2023, en rappelant le principe suivant : lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une SAS dirigée de fait ou de droit par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d’actif est encourue non seulement par cette personne morale, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l’absence d’obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d’une SAS. Ainsi, le représentant légal de la personne morale dirigeante peut être condamné à payer les dettes de la SAS, même s’il n’est pas lui-même dirigeant de la SAS. Il suffit que la faute de gestion soit caractérisée à son égard ou à l’égard de la personne morale qu’il représente.

Les critères de la faute de gestion

La responsabilité pour insuffisance d’actif suppose donc la preuve d’une faute de gestion imputable au dirigeant poursuivi. Mais qu’entend-on par faute de gestion ? Il n’existe pas de définition légale de cette notion, qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Toutefois, la jurisprudence a dégagé certains critères pour identifier les comportements fautifs des dirigeants. Il s’agit notamment :

  • de la violation des règles légales ou statutaires régissant le fonctionnement de la société ;
  • de la méconnaissance des obligations comptables, fiscales ou sociales ;
  • de la poursuite d’une exploitation déficitaire sans perspective de redressement ;
  • de la distribution de dividendes fictifs ou excessifs ;
  • de l’octroi d’avantages anormaux ou injustifiés à des tiers ;
  • de la confusion des intérêts personnels et sociaux ;
  • de l’absence de coopération avec les organes de la procédure collective ;
  • de la dissimulation ou du détournement d’actifs ou de passifs.

Cette liste n’est pas exhaustive, et chaque cas doit être apprécié en fonction des circonstances particulières. Il appartient au demandeur de rapporter la preuve de la faute de gestion, et au dirigeant de démontrer qu’il a agi dans l’intérêt de la société, avec prudence et diligence.

Que faut-il retenir ?

  • La responsabilité pour insuffisance d’actif est une sanction qui peut frapper les dirigeants de SAS en liquidation judiciaire, lorsque leur faute de gestion a contribué à l’aggravation du passif social.
  • Cette responsabilité peut être engagée à l’égard des personnes physiques ou morales dirigeantes de droit ou de fait de la SAS, ainsi qu’à l’égard des représentants légaux des personnes morales dirigeantes, en l’absence d’obligation de désigner un représentant permanent au sein de la SAS.
  • La faute de gestion est appréciée souverainement par les juges du fond, en fonction de critères variés et adaptés à chaque situation.

Guillaume Lasmoles

Avocat en droit des affaires 

www.lasmoles-avocat.com