Lorsqu’une préfecture garde le silence sur une demande de titre de séjour, une décision implicite de rejet naît au terme du délai légal. Déposer un recours gracieux assorti d’une demande de communication des motifs (CRPA, art. L.232-4) est une stratégie décisive : elle proroge le délai pour saisir le juge, force l’administration à expliciter sa position, et crée, le cas échéant, un moyen d’annulation pour défaut de motivation.

 

1) Le cadre légal : CESEDA (silence = rejet) et CRPA (motivation & prorogation)

  • CESEDA : le silence vaut rejet des demandes de titres de séjour ; la décision implicite naît en principe au bout de quatre mois (CESEDA, art. R.*432-1 à R.432-2). Le point de départ s’apprécie à la réception de la demande par l’administration (CRPA, art. L.114-3).

 

  • CRPA : les décisions défavorables doivent être motivées (CRPA, art. L.211-2). En cas d’implicite, l’intéressé peut demander les motifs dans le délai de recours ; l’administration doit répondre dans le mois ; le délai contentieux est prorogé jusqu’à deux mois après la communication des motifs (CRPA, art. L.232-4).

 

2) Les effets concrets de la demande de motifs (L.232-4 CRPA)

• Prorogation du délai contentieux

La demande de motifs, formée dans le délai de recours, arrête la mécanique du temps jusqu’à la communication des motifs, puis laisse courir un nouveau délai de deux mois.

• Moyen d’annulation autonome

L’absence de communication des motifs dans le mois entache la décision implicite d’illégalité (CE, 10 juin 2020, n° 435348).

• Invocabilité sécurisée devant le juge

Le Conseil d’État (CE, 21 avr. 2023, n° 468836) exige d’avoir sollicité les motifs (L.232-4) dans le délai pour pouvoir invoquer utilement le défaut de motivation d’une décision implicite.

 

3) Le « délai raisonnable » (Czabaj) et son atténuation

En l’absence de mentions des voies et délais de recours, l’action doit être exercée dans un « délai raisonnable » (CE, 13 juil. 2016, « Czabaj »). L’avis CE du 12 juil. 2023 (n° 474865) précise que le recours gracieux ou la demande d’aide juridictionnelle interrompt ce délai ; un nouveau délai repart ensuite. Voir également CE, 2 fév. 2024, n° 484051 (circonstances particulières).

 

4) Mode d’emploi – la checklist praticienne

  • Caler la date de naissance de l’implicite (4 mois après la réception du dossier – CRPA L.114-3).
  • Avant l’expiration du délai de recours, adresser un « Recours gracieux + Demande de motifs (L.232-4 CRPA) ».
  • Exiger la communication des motifs dans le mois ; archiver la preuve de réception (AR, horodatage télé-procédure).
  • Sans réponse dans le mois : préparer un REP en soulevant le défaut de motivation + rappeler la prorogation L.232-4.
  • Garder à l’esprit l’atténuation de Czabaj (avis CE 2023 : interruption par recours admin./AJ).

 

5) Modèle bref – à adapter

Objet : Recours gracieux + demande de communication des motifs (CRPA, L.232-4) – [Nom, n° étranger]

(envoi par lettre recommandée avec accusé de réception)

Madame/Monsieur le Préfet,

Le [date] j’ai déposé une demande de [titre] sur le fondement de [base légale].

À défaut de réponse dans le délai de l’art. R.*432-2 CESEDA, une décision implicite de rejet est née le [date].

Conformément à l’art. L.232-4 CRPA, je vous demande la communication des motifs dans le délai d’un mois à compter de la réception du présent courrier.

Cette demande, présentée dans le délai de recours contentieux, proroge ce délai. À défaut de communication dans le délai, je saisirai le tribunal administratif en soulevant le défaut de motivation. Veuillez agréer, ...

 

6) Références

oloumi-avocats.comPrendre rendez-vousÉcrire au cabinet

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