Infection nosocomiale contractée à l’hôpital lors de soins prodigués par un praticien libéral : quelle juridiction compétente ?

 Monsieur ..., qui souffrait d’un cancer de la prostate, a subi le 1er octobre 2015, au centre hospitalier universitaire de Limoges, une prostatectomie totale avec curage ganglionnaire et pose d’une sonde vésicale. À la suite de cette intervention, réalisée par un professionnel de l’établissement exerçant en secteur libéral, le patient a contracté une infection urinaire à pseudonomas aeruginosaqui,.

Malgré la mise en place d’une antibiothérapie, cette dernière a évolué en infection osseuse au niveau du bassin.

Conservant des séquelles, monsieur … a initié une action responsabilité à l’encontre du CHU de Limoges et a saisi par requête le tribunal administratif de Limoges.

Aux termes du jugement rendu le 5 août 2021 (n° 1900905), la juridiction a considéré que le litige relevait de la seule compétence des juridictions judiciaires au motif que :

« Il résulte de l’instruction, notamment des conclusions du rapport d’expertise en date du 19 novembre 2018, que M… reprend à son compte sans jamais évoquer l’hypothèse d’une responsabilité pour faute du CHU de Limoges, que l’intégralité des dommages dont il demande l’indemnisation résulte de complications infectieuses (…) exclusivement imputables à l’infection nosocomiale à pseudomonas aeruginosa qu’il a contractée au cours de la prostatectomie du 1er octobre 2015. Or, comme le souligne l’expert judiciaire, cette intervention, bien qu’effectuée dans les locaux du CHU de Limoges, a été réalisée par le professeur .. dans le cadre exclusif de son activité libérale, laquelle relevait du droit privé. » (considérant n° 5).

Pour retenir la compétence de la juridiction judiciaire, le tribunal a estimé que le critère de compétence devait être fixé suivant la nature des rapports existants entre le patient et le praticien qui en l’espèce relevait du droit privé, le praticien exerçant dans le cadre d’une activité libérale

Il a également rappelé que, dans ces conditions, la responsabilité du CHU de Limoges ne pouvait être recherchée que pour faute résultant, soit d’un mauvais fonctionnement du service public, soit d’une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l’hôpital mis à la disposition de ses praticiens.

Un appel a été interjeté par la CPAM de Loir-et-Cher dans le cadre de l’exercice de son recours subrogatoire mais aussi par le patient et la solution a été infirmée par la Cour Administratif d’Appel de Bordeaux

La Cour a rappelé que :

« Il résulte des dispositions précitées [article L 1142-1 et L 6154-1 du CSP) que la survenue d’une infection nosocomiale au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient dans les locaux d’un hôpital public engage de plein droit la responsabilité de cet établissement alors même que les soins auraient été dispensés par un praticien dans le cadre de son activité libérale […] En l’espèce, M... a recherché devant le tribunal administratif de Limoges la responsabilité du CHU de Limoges à raison d’une infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge au sein de cet établissement public […] une telle demande relève de la compétence de la juridiction administrative alors même que les soins ont été prodigués par un praticien exerçant en secteur libéral. » (CAA Bordeaux 2ème chambre, 31 mai 2022 n° 21 BX03724 et 21 BX03817)

La juridiction administratif s’aligne sur la position des juridictions judiciaires et rappelle que le critère de mise en œuvre de la responsabilité de plein droit, prévue à l’article L. 1142-1 I, alinéa 2, du code de la santé publique est tirée de la seule localisation de l’acte de soins où l’infection nosocomiale a été contractée. Il était donc indifférent de déterminer la nature des rapports existant entre le professeur et son patient. ( Cass. civ. 1ère, 3 mai 2018, n° 17-13561 ; CA Douai arrêt du 1er décembre 2016, RG n° 15/04590)