Par un avis récent très important, le Conseil d’Etat nous éclaire sur les solutions juridiques possibles face aux difficultés actuelles d’exécution des contrats de la commande publique engendrées par l’envolée des prix de l’énergie et de certaines matières premières (CE, avis, AG, 15 sept. 2022, n° 405540).
Deux enseignements nous paraissent dominer concernant, pour le premier, les modifications «sèches » des clauses financières du marché public ou de la concession concernés et, pour le second, la théorie de l’imprévision.
S’agissant des modifications « sèches » des clauses financières du marché public ou des concessions, le Conseil d’Etat était interrogé sur le point de savoir si les dispositions du Code de la commande publique permettent de procéder à des modifications des prix des marchés publics et des tarifs des concessions simplement pour compenser les hausses de coûts subies par les cocontractants.
Le Conseil d’Etat répond par la positive en soulignant que « rien n’empêche que les modifications des marchés et contrats de concession portent uniquement, en vue de compenser les surcoûts que le titulaire ou le concessionnaire subit du fait de circonstances imprévisibles, sur les prix ou les tarifs prévus au contrat ainsi que sur les modalités de leur détermination ou de leur évolution ».
A cet égard, il précise que la modification peut consister à « introduire une clause de variation des prix ou de réexamen si le contrat n’en contient pas, ou de faire évoluer une clause existante qui se serait révélée insuffisante ».
Cette conception n’est compatible avec le principe des prix « définitifs » des marchés publics que parce que le Conseil d’Etat distingue les clauses « relatives au contenu du marché ainsi qu’à la forme et à l’évolution des prix » de celles qui régissent la modification des contrats en cours d’exécution. Il considère à cet égard que « le caractère en principe définitif des prix des marchés ne fait pas obstacle à leur modification » mais précise que « les prix modifiés (…) restent définitifs pendant toute la période d’exécution » tout en relevant que des modifications successives pour circonstances imprévisibles sont possibles à condition cependant que toutes les parties soient d’accord. C’est un avenant qui devra, en effet, entériner ces modifications. En d’autres termes, celles-ci ne peuvent pas être imposées par l’une ou l’autre partie au marché.
Attention, le conseil d’Etat émet les réserves suivantes :
- ces modifications ne doivent pas compenser, même partiellement, « la part de l’aggravation des charges qui n’excède pas celle que les parties avaient prévu ou auraient dû raisonnablement prévoir »,
- elles ne peuvent s’appliquer à des risques dont le cocontractant « a tenu compte ou aurait dû tenir compte »,
- la compensation ne doit pas dépasser le plafond de 50 % du montant initial.
S’il s’agit là, somme toute, plus d’éclaircissements que de véritables apports, il en va autrement des développements que l’avis consacre à la théorie de l’imprévision.
Concernant l’hypothèse de l’indemnité d’imprévision, le Conseil d’Etat affirme l’autonomie de la théorie jurisprudentielle de l’imprévision destinée à régir une situation extracontractuelle.
Cela implique qu’en cas de circonstances imprévisibles, la modification des clauses vue précédemment et l’imprévision pourront être mises en oeuvre de façon t autonome. Et pour cause : la modification évoquée supra implique l’accord des deux parties, tandis que l’indemnité d’imprévision est un droit du titulaire du marché (même si le Conseil d’Etat préconise une issue amiable en invitant l’administration à conclure une convention d’indemnisation avec le titulaire.
Dans la mesure où cette convention (dont on ignore s’il s’agit d’une transaction) a « pour seul objet l’indemnisation des charges extracontractuelles » elle ne modifie pas les clauses du contrat. et échappe aux limites et plafonds exigés en cas de modification en cours d’exécution pour circonstances imprévisibles.
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