Pour le CCNE (Comité Consultatif Ethique) « la crise sanitaire actuelle est révélatrice du manque de moyens préexistants, notamment humains, dans ces établissements d’hébergement des personnes âgées ».

L’autorisation progressive et sous conditions des visites aux personnes âgées résidant dans les EHPAD intervient après que le CCNE  ait répondu au ministère des solidarités à la question posée le 25 mars 2020 : « Au regard de ses avantages sur le plan de la santé publique mais aussi des conditions à mettre en œuvre pour garantir le respect du confinement par les résidents, y compris les résidents atteints de troubles cognitifs, une décision nationale de confinement préventif de l’ensemble des résidents paraît-elle justifiée ? Si oui, quels garde-fous devraient être prévus par le Gouvernement ? »

Le CCNE a souligné que sa réponse, attendue dans des délais très courts compte tenu de l’urgence d’une prise de décision en la matière, est difficilement compatible avec une réflexion éthique approfondie qui suppose un regard pluridisciplinaire sur la question posée et la possibilité d’un dialogue confrontant des opinions pouvant être différentes.

Néanmoins, le CCNE a rapidement mis en place un groupe de travail et répondu dans le délai imparti.

Constat : manque de moyens préexistants dans les EHPAD

Pour le CCNE « la crise sanitaire actuelle est révélatrice du manque de moyens préexistants, notamment humains, dans ces établissements d’hébergement des personnes âgées ».

Le CCNE insiste sur les problématiques éthiques relatives à la rupture de la relation en raison du confinement et de l’interdiction de visites des familles en EHPADle risque affectif de l’isolement, d’une séparation absolue d’avec les autres, en particulier d’avec la famille et les personnes significatives pour chacun, s’ajoutant alors au risque épidémique.

Respect de la dignité humaine

Dans le contexte actuel, le CCNE rappelle que les principes éthiques fondamentaux doivent être respectés.

L’urgence sanitaire peut justifier que des mesures contraignantes soient, à titre exceptionnel et temporaire, exercées pour répondre à la nécessité d’assurer la meilleure protection possible de la population contre la pandémie, mais cette situation d’urgence ne saurait autoriser qu’il soit porté atteinte aux exigences fondamentales de l’accompagnement et du soin, au sein de l’établissement ou en structure hospitalière.

Le respect de la dignité humaine, qui inclut aussi le droit au maintien d’un lien social pour les personnes dépendantes, est un repère qui doit guider toute décision prise dans ce contexte où les équipes soignantes et administratives, ainsi que les auxiliaires de vie, dont le dévouement exemplaire est à juste titre souligné par tous, sont de plus en plus confrontés à des situations dramatiques.

Ces situations engendrent aussi des risques croissants pour eux-mêmes et leurs proches, qui enferment les soignants dans ce dilemme : se dévouer pour soigner, avec le risque pour soi-même et les autres d’être infecté par le soin que l’on prodigue.

Le CCNE considère que « la pénurie de personnels et des ressources indispensables aujourd’hui (masques de protection, tests de détection), dans un contexte d’isolement déjà installé, exacerbe les difficultés auxquelles les professionnels de santé doivent faire face dans l’urgence ».

Quelles sont les préconisations ?

S’agissant du confinement des personnes âgées, « toute mesure contraignante restreignant les libertés reconnues par notre État de droit, notamment la liberté d’aller et de venir, doit être nécessairement limitée dans le temps, proportionnée et adéquate aux situations individuelles. Elle doit être explicitée aux résidents, aux familles et aux proches-aidants, et soumise à contrôle ».

Le CCNE rappelle vivement que l’environnement familial ou amical dont les résidents ne peuvent plus momentanément profiter est, pour nombre d’entre eux, le lien qui les rattache au monde extérieur et leur raison essentielle de vivre, comme en témoignent de façon unanime les professionnels de terrain. Les en priver de manière trop brutale pourrait provoquer une sérieuse altération de leur état de santé de façon irrémédiable et même enlever à certains le désir de vivre. La prise de conscience de cette situation est aussi de nature à causer à leurs proches une souffrance majeure à laquelle il faut être particulièrement attentif.

S’agissant des familles et des proches aidants, un accueil parfaitement régulé et sécurisé avec les protections qui s’imposent, pourrait également être envisagé, en particulier pour les résidents en fin de vie.

S’agissant ses personnes présentant des troubles cognitifs, l’avis souligne que « vouloir leur imposer un confinement est extrêmement complexe, pouvant engendrer d’autres risques, notamment la décompensation psychique ».

Enfin, pour le CCNE tout renforcement des mesures de confinement doit être « adapté aux capacités de chaque établissement, avec une information, constamment tracée et en toute transparence, des mesures prises à l’adresse des professionnels de santé, des personnels et bénévoles des établissements, des usagers et de leurs familles et des proches aidants, ainsi que des citoyens ».


Claudia CANINI, Avocat - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com 


Sources : CCNE – Comité Consultatif Ethique - Réponse du 25 mars 2020 à la saisine du ministère des solidarités et de la santé sur le renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et les USLD