La Cour d’Appel de Paris valide la possibilité d’invoquer pour la première fois la contrefaçon de droits d’auteur en cause d’appel alors que seule la contrefaçon de dessins et modèles avait été invoquée en première instance en considérant que les deux demandes tendent aux mêmes fins. Cet arrêt rappelle la technicité de cette matière et la nécessité de recourir à un avocat droit d'auteur pour la gestion de ce type de contentieux.
Une société X fabrique et commercialise des accessoires de mode, notamment des chaussures.
Le 5 juin 2014, ladite société a déposé un modèle de sandale compensée plate à l’INPI.
Elle découvre que la société Y, ayant pour activité principale la création, la fabrication, l’achat et la vente de chaussures, commercialise pour la saison Printemps/été 2015 un modèle de sandale compensée qui se caractérise par un jeu d'entrelacement des bandes constituant la tige de la chaussure.
Considérant que ce modèle commercialisé par la société Y constitue une contrefaçon de son modèle, elle a obtenu l’autorisation de faire procéder à une saisie-contrefaçon. Cette saisie a été effectuée le 26 novembre 2015 au siège de la société Y au cours de laquelle différentes paires de chaussures et documents ont été saisis.
Par acte du 22 décembre 2015, la société X a assigné la société Y en contrefaçon de dessins et modèles devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement en date du 10 mars 2017, le Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté la société X de sa demande en contrefaçon en estimant que le modèle invoqué déposé à l’INPI est dénué de caractère propre.
La société X a interjeté appel le 23 mars 2017.
Dans ses dernières conclusions, la société X demandait à la Cour d’infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a considéré que son modèle était dénué de caractère propre et de juger que la société Y a commis des actes de contrefaçon de son modèle.
Elle formulait également une demande nouvelle en contrefaçon de ses droits d’auteur sur le dit modèle.
Dans ses dernières conclusions notifiées à la Cour, la société Y invoquait l’irrecevabilité de la demande de la société X sur le fondement du droit d’auteur soutenant qu’il s’agissait d’une demande nouvelle en cause d’appel.
Dans sa décision, relativement à la demande en contrefaçon de modèles, la Cour infirme le jugement de première instance et considère que le modèle invoqué par la société X est nouveau et a un caractère propre.
Elle juge que l'ensemble des caractéristiques du modèle de sandale déposé par la société X ont été reprises dans une combinaison très similaire. Dès lors, la société Y qui a reproduit le modèle de la société X et l'a proposé à la vente s’est rendue coupable de contrefaçon de dessins et modèles.
L’argumentation de la Cour mérite une attention particulière en ce qui concerne la demande en contrefaçon de droits d’auteur puisque, contrairement aux prétentions de la société Y, elle considère qu’au regard de des dispositions de l’article 565 du Code de procédure civile la demande en contrefaçon fondée sur le droit d’auteur n’est pas nouvelle de celle fondée sur le droit des dessins et modèles dès lors qu’elle tend aux mêmes fins, à savoir la protection contre des actes de contrefaçon.
Pour rappel, l’article 565 du Code de procédure civile dispose que « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Ce faisant, la Cour considère que le modèle en question est original et que les différences entre le modèle protégé et le modèle argué de contrefaçon sont infimes et insuffisantes à démarquer les produits en cause, de sorte que la contrefaçon de droits d’auteur est également caractérisée.
Cet arrêt présente un réel intérêt pratique dès lors qu’il tranche (du moins peut être provisoirement) une incertitude jurisprudentielle sur la question de savoir si une demande en contrefaçon de droits d’auteur ou de dessins et modèles formée pour la première fois en cause d’appel (en cumul de l’une des deux actions) est une demande nouvelle.
En effet, dans un arrêt du 24 juin 2011, la Cour d’Appel de Paris avait jugé qu’une demande en contrefaçon de droits d’auteur invoquée pour la première fois en cause d’appel constituait une demande nouvelle et n’était pas recevable, avant de revenir sur sa position dans une décision du 1er mars 2013.
Son arrêt en date du 1er mars 2013 est donc confirmé par la présente décision.
François-Xavier Langlais - Quantic Avocats
Avocat en droit de la propriété intellectuelle
.
Pas de contribution, soyez le premier