Dans notre article publié en septembre 2016, nous avions annoncé la probabilité que les sanctions applicables en cas de dépassement du plafond légal des délais de paiement entre professionnels soient sensiblement augmentées.
C’est désormais chose faite aux termes de l’article 123 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique qui a notamment modifié l’article L.441-6-I alinéa 9 du code de commerce[1].
Les modifications principales relatives aux délais de paiement maximum sont les suivantes, étant précisé qu’elles ont été validées par le Conseil Constitutionnel :
- les professionnels qui ne respecteraient pas les dispositions de l’article L.441-6 alinéa 9 (plafonnant les délais de paiement entre entreprises à 60 jours date de facture ou 45 jours fin de mois date de facture) s’exposent à une amende administrative pouvant atteindre deux millions d’euros pour une personne morale (au lieu de l’amende précédente de 375.000 euros) sans préjudice de la publication, désormais systématique, de la sanction prononcée sur différents supports (site Internet de la DGCCRF, site de l’entreprise concernée, organismes de presse etc…)
- le cumul des amendes (en cas de manquements multiples) est désormais possible : par exemple, les opérateurs dans le transport qui ne respecteraient pas à la fois les délais réglementés (de l’article L.441-6-I alinéa 11) et les délais convenus (de l’article L.441-6-I alinéa 9) s’exposeraient à un cumul d’amendes pouvant atteindre 4 millions d’euros.
- La récidive dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive est passible d’une amende maximale de 4 millions d’euros.
- Une dérogation aux délais de paiement maximum de 60 jours est introduite par la loi n°2016-1691 pour les achats, effectués en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée (en application de l’article 275 du Code Général des Impôts), de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne. A condition d’avoir été expressément stipulé par contrat et de ne « pas être un abus manifeste à l’égard du créancier », le délai prévu par les parties contractantes ne peut dépasser 90 jours à compter de la date d’émission de la facture.
Cette dérogation devrait améliorer la trésorerie, soumise à un effet de ciseau, des entreprises françaises tournées vers le « grand export » et qui sont tenues d’acquitter, en application de l’article L.441-6-I alinéa 9 du Code de commerce et/ou de la Directive 2011/7/UE[2], leurs fournisseurs français et/ou européens dans le délai maximum de 60 jours alors qu’elles sont payées par leurs clients hors européens dans des délais plus longs.
Est-ce à dire que, par cette dérogation, le législateur admettrait indirectement que l’article L.441-6-I alinéa 9 du code de commerce peut ne pas s’appliquer dans un contrat international impliquant un fournisseur français ?
Cette interprétation prendrait le contrepied de la position exprimée, à plusieurs reprises, par l’Administration qui n’a jamais exclu – au prétexte de protéger « une filière » dépendante d’un fournisseur français soumis à des délais de paiement excédant 60 jours – de poursuivre tout contrevenant (français ou même étranger) au plafonnement légal des délais de paiement (pour rappel de la doctrine administrative à cet égard, il conviendra de se reporter à notre précédent article « le plafonnement des délais de paiement dans les contrats internationaux : l’exemple français »).
En tout état de cause, la portée de cette dérogation doit être relativisée : elle reste limitée à 30 jours additionnels et est exclue pour « les grandes entreprises » entendues, selon le Décret 2008-1354 du 18 décembre 2008, comme les entreprises employant, d’une part, au moins 5.000 salariés et ayant, d’autre part, un chiffre d’affaires d’au moins 1,5 milliard d’euros ou un total au bilan d’au moins 2 milliards d’euros.
Dans le doute et compte tenu de l’importance des sanctions pouvant être désormais prononcées en cas de manquement à l’article L.441-6-I alinéa 9, les entreprises devront rester vigilantes et prendre certaines précautions de rédaction dans leurs contrats à dimension internationale.
Sarah Temple-Boyer
Avocat
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