De l’importance du respect des clauses contractuelles de règlement des différends
Qu’il s’agisse d’une clause attributive de juridiction, d’une clause de médiation ou de conciliation préalable, il convient de bien veiller à la mise en œuvre de ces clauses avant toute action judiciaire. Les conséquences de leur non-respect peuvent s’avérer très problématiques, comme le rappellent des décisions récentes.
Rappel: Les parties peuvent prévoir, dans les contrats les liant, des clauses conditionnant le recours au juge en cas de contentieux. Il peut notamment s’agir de clauses attributives de juridiction (désignant comme exclusivement compétente une juridiction spécifique en cas de litige) ou encore de clauses de médiation ou de conciliation préalable avant tout recours au juge. Ces clauses sont communément appelées des clauses de règlement de différend. Ce ne sont pas des clauses « de style » ou accessoires et elles peuvent même s’avérer déterminantes dans l’issue d’un procès.
Ce qu’il faut retenir : Deux décisions récentes viennent consacrer l’importance de ces clauses dont le non-respect est sévèrement sanctionné.
- Cass. civ.1 15 mai 2018 (n°17-17.546) : la partie qui obtient une décision favorable d’une juridiction étrangère, au mépris d’une clause attributive de juridiction désignant un tribunal français, ne peut pas la faire exécuter sur le territoire français.
- Cass.com. 30 mai 2018 (n°16-26.403) : Jusqu’à récemment, une partie en défense formulant une demande reconventionnelle ne semblait pas astreinte à mettre en œuvre une clause de médiation préalable avant de formuler sa demande en cours d’instance (Com. 24 mai 2017 n°15-25.457). Mais un arrêt du 30 mai 2018 revient sur cette décision (au vu de circonstances factuelles particulières, il est vrai). En l’espèce, les parties étaient liées par deux contrats : un contrat de cession (ne stipulant pas de clause de conciliation préalable) et un contrat de prestation de services (incluant une telle clause). Indépendamment du caractère accessoire du deuxième contrat par rapport au premier, la Cour de cassation considère que le demandeur reconventionnel ne peut formuler sa demande – au titre du second contrat et dans le cadre de la procédure initiée par le demandeur principal sur la base du premier contrat – qu’après avoir mis en œuvre la clause de conciliation préalable qui y est stipulée.
La sanction est sévère dans les deux cas : quand bien même seraient-elles fondées, les demandes introduites, au mépris de la clause de règlement des différends, sont irrecevables et non régularisables.
Quels enseignements, en pratique ?
- première espèce : rien ne sert d’assigner devant une juridiction qu’on sait incompétente aux termes du contrat (qu’il soit domestique ou international) : soit l’incompétence du tribunal saisi sera soulevée en cours d’instance et la partie n’ayant pas mis en œuvre la clause attributive de juridiction sera invitée à mieux se pourvoir ; soit, comme dans l’arrêt précité, la décision aura beau avoir été rendue, elle ne pourra pas être exécutée pour autant.
Attention donc à bien considérer la clause juridictionnelle au moment de la rédaction et de la négociation du contrat car elle lie ensuite les parties tout au long de la relation et même au-delà.
- deuxième espèce : Attention de rédiger et négocier des contrats liés, de manière cohérente et symétrique, au risque de créer un déséquilibre entre les parties réciproquement créancière et débitrice d’obligations différentes : une des parties verra son action judiciaire facilitée tandis que l’autre verra son accès au juge restreint, en application d’une clause spécifique.
par Sarah Temple-Boyer
Avocat
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