Les transmissions de titres de sociétés ayant fait l'objet d'un engagement de conservation (pacte Dutreil) sont, sous certaines conditions, exonérées de droits de donation et de succession pour les trois quarts de leur valeur (article 787 B du Code Général des Impôts).

Ce dispositif, appelé Dutreil-transmission, suppose le respect de certaines conditions parmi lesquelles figure l’exigence que l’activité de la société soit industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

1. L’inscription dans la loi de la notion de holding animatrice par la loi de finances pour 2024

L'article 23 de la loi de finances pour 2024 a apporté plusieurs précisions concernant l’exigence liée à cette activité.

Parmi ces précisions, la loi de finances a réaffirmé la position de l’administration fiscale et de la jurisprudence quant à l’éligibilité de l’activité de holding animatrice aux pactes Dutreil.

Cette inscription dans le Code Général des Impôts a été plutôt bien accueillie compte tenu notamment des nombreuses discussions quant à la notion même de holding animatrice de groupe dans le cadre de contrôles fiscaux.

En effet, le caractère animateur pose souvent des difficultés (notamment s’agissant de la démonstration de l’animation) et l’approche de l’administration fiscale était particulièrement stricte dans la mesure où celle-ci considérait, jusqu’à la loi de finances pour 2024, que l’éligibilité des holdings animatrices de groupe au dispositif Dutreil-transmission n'était qu'une simple tolérance de sa part.

Désormais, le Code Général des Impôts définit la notion de holding animatrice de groupe en matière de pacte Dutreil en ces termes :

« Est néanmoins considérée comme exerçant une activité commerciale la société qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».

Pour autant, cette définition n’a pas mis fin aux interrogations susceptibles de se poser, voire a créé de nouvelles incertitudes.

 

2. Mise à jour du BOFIP du 30 mai 2024

Dans le cadre de la mise à jour de la documentation administrative du 30 mai 2024 (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10), l’administration fiscale apporte des précisions s’agissant de la définition des holdings animatrices dans le cadre du dispositif Dutreil-transmission.

  • Notion de contrôle

En premier lieu, l’administration apporte une précision sur la notion de contrôle.

Comme indiqué, une holding animatrice doit participer à la politique du groupe, c’est-à-dire la déterminer, la mettre en œuvre, et la contrôler. Or, une holding ne peut participer à la politique du groupe sans contrôler ses filiales.

Reprenant implicitement et sans la citer une réponse ministérielle (RM Frassa, JO Sénat 1er décembre 2016 n° 17351), le BOFIP précise que la notion de contrôle s'apprécie au regard, d'une part, du pourcentage de capital détenu et des droits de vote et, d'autre part, de la structure de l'actionnariat, et non des dispositions de l'article L 233-3 du Code de commerce.

Pour rappel, l’article L. 233-3 du Code de commerce indique qu’une personne en contrôle une autre :

  • Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;
  • Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;
  • Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;
  • Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société.

Ce même article prévoit une présomption de contrôle lorsqu’une personne dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

La prise en compte de la géographie de l’actionnariat et donc l’obligation d’opérer une appréciation in concreto nous semblent désormais établies. Il n'en reste pas moins que cette précision ne nous semble pas résoudre l'ensemble des difficultés propres à la notion de contrôle.

  • Appréciation du caractère principal de l’activité d’animation

En second lieu, reprenant implicitement et sans la citer la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com. 11 octobre 2023 n° 21-24.760), la documentation administrative précise que « le caractère principal de l’activité d’animation de groupe d’une société holding doit être retenu notamment lorsque la valeur vénale des actifs affectés à son activité d’animation de groupe, […] représente plus de la moitié de son actif total ».

Pour ce qui est des actifs affectés à l’activité d’animation, la documentation administrative vise expressément les titres de ses filiales animées exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, les biens mis à leur disposition ou affectés aux prestations de service délivrées au sein du groupe et la trésorerie affectée à l'activité du groupe.

Cette préicision nous semble rassurante et conforme à la méthode du faisceau d'indices établie par la jurisprudence. S'agissant cependant de la trésorerie affectée à l'activité du groupe, elle fait néanmoins l'objet de discussions fréquentes avec l'administration fiscale dans le cadre de contrôles fiscaux.

L’apport majeur de la mise à jour du BOFIP a trait aux actifs immobiliers (immeubles, SCI) détenus par la holding animatrice et affectés aux filiales contrôlées et animées.

En effet, jusqu’à présent, l’administration fiscale refusait de prendre en considération ces actifs immobiliers dans l’appréciation du critère de prépondérance malgré leur affectation aux filiales contrôlées et animées. Ce refus avait été réaffirmé en septembre 2022 lors d’une conférence IACF à Montpellier, l’administration fiscale en faisant une question de principe.

Le BOFIP indique désormais que « il est admis de retenir comme étant affectée à l’activité d’animation de la holding, la valeur vénale des immeubles ou parties d’immeubles qu’elle détient (ou la fraction de la valeur vénale des titres qu’elle détient dans une filiale foncière qu’elle contrôle, représentative des immeubles ou parties d’immeuble) et qui sont donnés en location exclusivement pour l’exercice de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale d’une filiale animée du groupe. En revanche, sont exclus les immeubles ou parties d’immeuble loués à une société non contrôlée du groupe ou qui n’exerce pas une activité opérationnelle, ou encore à une société tierce .

Ainsi, dans le cas où une holding détiendrait à 100 % une société civile immobilière (SCI) qui donne en location un immeuble à une société du groupe contrôlée et animée pour l’exploitation de l’activité industrielle de cette société, dont la holding détient 80 %, la fraction de la valeur vénale des parts de la SCI représentative de l'immeuble loué est retenue à hauteur de 100 %, et non de 80 % ».

Une fois n’est pas coutume, les précisions apportées sur la mise à jour du BOFIP relatif aux pactes Dutreil s’avèrent plutôt favorables aux contribuables sans pour autant répondre à l'ensemble des interrogations.