- Le droit de visite du parent non gardien peut-il dépendre de l’accord de l’enfant ?
A cette question récurrente, la Cour de Cassation a répondu non et ce depuis plus de 30 ans.
- Pour autant dans un premier temps, la Haute Juridiction avait bien conscience de la difficulté de contraindre un adolescent de voir son autre parent et elle avait même rendu un arrêt qui se fondait alors sur l'intérêt de l'enfant dont il convenait de respecter le désir. (1)
- Puis, dans un second temps, elle a opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt du 7 octobre 1987, la deuxième chambre civile censure un arrêt de la Cour d'appel de Lyon qui avait accordé au père un droit de visite sur ses trois enfants "sous la condition expresse que ceux-ci acceptent de le voir". (2)
- Et, la position n’a plus changé comme le reflète l’arrêt du 6 mars 2013 qui rappelle « qu'en subordonnant ainsi l'exécution de sa décision à la volonté de l'enfant, la cour d'appel a violé les textes susvisés » (3) ou encore dans un arrêt du 23 Septembre 2015 (4)
En l’espèce, les magistrats de la Cour d’Appel de Montpellier avait fini par tenir compte des souhaits exprimés par l’adolescente alors âgée de 14 ans et auditionnée dans le cadre de l’article 388-1 du Code Civil.
L’adolescente déclarait alors avoir peur de son peur, des difficultés relationnelles avec lui ainsi que la durée des trajets entre Brest et Narbonne.
Face au refus permanent de la jeune fille et tout en ayant conscience d’une éventuelle instrumentalisation du conflit par la mère, la Cour d’Appel s’était résignée à rendre cette décision qui sera cassé pour autant 3 ans plus tard.
Pourquoi la Cour de Cassation maintient-elle cette position à l’heure de l’audition de l’enfant et a fortiori de l’adolescent ainsi que de la déjudiciarisation des conflits familiaux au profit de la médiation ?
D’une part, le juge ne peut déléguer le pouvoir que lui confère la loi, si ce n'est à un autre juge puisquil appartient à l'autorité judiciaire de trancher et d’imposer sa décision.
D’autre part, les règles relatives à l'autorité parentale et au droit de visite et d'hébergement étant d'ordre public, elles ne sont pas soumises au pouvoir de la volonté des parents et des enfants.
Le droit à la vie privée et familiale entre le parent et l'enfant séparés sont garanti par les conventions internationales (Conv. EDH, art. 8. – CIDE, art. 7) ; ces modalités se traduisent en droit interne par le principe que : « Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent »
En outre, et même si cette position peut paraître éloignée de la réalité vécue, elle permet d’éviter dans la mesure du possible le risque d'une manipulation des enfants par l’un des parents ;
- Enfin, cette solution permet également d’éviter « un chantage » au versement de la pension alimentaire tant que l’enfant refuse de voir l’autre parent.
Pour conclure, il est toujours possible et s'il existe un motif grave de refuser à un parent l'exercice de ce droit de visite pour des motifs graves (C. civ., art. 373-2-1, al. 2). Cela suppose un certain degré de gravité et dans un arrêt du 24 octobre 2000, la Cour de Cassation a jugé que n'était pas remplie la condition de motif grave la simple référence au risque de pertubation de l'équilibre psychologique de l'enfant par l'autre parent. (5)
Et si l'intérêt de l'enfant le commande, le droit de visite peut être organisé dans un lieu de rencontre. On parle alors de visites médiatisées (C. civ., art. 373-2-1, al. 3). La remise de l’enfant est alors organisée dans un espace de rencontre ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou encore du représentant d’une personne morale qualifiée (C. civ., art. 373-2-1, al. 4).
Notes :
(1) Cass. 2e civ. 23 mai 1984 : Gaz. Pal. 1985
(2) Cass. 2e civ. 7 oct. 1987, n° 86-15.026 ; Cass. 2e civ., 11 oct. 1995, n° 92-15.415. ; Cass. 1re civ., 3 déc. 2008, n° 07-19.767
(3) Cass. 6 mars 2013 n°11-22.770
(4) Cass.23 Septembre 2015 n°14-22.63
(5) Cass.24 octobre 2000 n°98-14.386
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