La promulgation de la loi du 27 décembre 2023 n° 2023-1268 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels et plus précisément son article 29, met un terme à la possibilité pour certains établissements de recourir au travail temporaire des professionnels de santé en début de carrière, en créant les articles L. 6115-1 du code de la santé publique et L. 313-23-4 du code de l'action sociale et des familles.

En substance, ces articles interdisent à des établissements limitativement énumérés de recourir - dans le cadre des contrats de mise à disposition qu'ils concluent avec des entreprises de travail temporaire - à certains professionnels qui ne justifieraient pas d'une durée d'exercice minimale.

Cette interdiction entrera en vigueur le 1er avril 2024. Des décrets d'application sont attendus.

Adoptée une première fois avec la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (article 42), cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel par sa décision n° 2022-845 DC du 20 décembre 2022 au motif qu'elle constituait un cavalier législatif.

Focus sur les principaux contours de cette interdiction à laquelle devront se préparer les entreprises de travail temporaire.

1) Etablissements concernés

Deux catégories d'établissements sont concernées, auxquelles sont imposées des interdictions de recours distinctes.

D'une part, sont concernés les établissements de santé publics et privés et les laboratoires de biologie médicale.

D'autre part, le Législateur a fixé une liste limitative d'établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de l'article L. 312-1 du code de l'action social et des familles soumis à cette interdiction (1)

2) Professionnels de santé soumis à l'interdiction

La liste des professionnels auxquels il ne pourra plus être recouru s'ils ne justifient pas d'une durée minimale d'exercice différe selon la catégorie d'établissements concernée. Sont avant tout concernés les professionnels de santé auxquels s'ajoutent certaines professions du secteur médico-social.

Cette liste met en exergue que trois professions sont spécifiquement visées par cette interdiction : les médecins, les infirmiers et les aides-soignants, auxquels l'interdiction s'applique quelle que soit la catégorie d'établissement concerné.

Plus précisément, d'une part, les établissements de santé et les laboratoires de biologie ne pourront plus recourir : 

- aux médecins,

- aux chirurgiens-dentistes,

- aux pharmaciens,

- aux sages-femmes

- ainsi qu'aux auxiliaires médicaux (2).

D'autre part, les établissements et services sociaux et médico-sociaux concernés par l'interdiction ne pourront plus recourir : aux médecins, infirmiers, aides-soignants, éducateurs spécialisés, assistants de service social, moniteurs-éducateurs et accompagnants éducatifs et sociaux.

Il convient de noter que le recours aux étudiants en santé dans le cadre de contrats de mise à disposition reste autorisé.

3) Une durée d'exercice minimale à fixer

Ces professionnels ne pourront pas être mis à disposition s'ils ne justifient pas d'une durée minimale d'exercice. Le législateur a renvoyé au pouvoir règlementaire le soin d'encadrer les conditions d'appréciation de cette durée.

4) Responsabilité des entreprises de travail temporaire

L'article 29 de la loi du 27 décembre 2023 fait peser la responsabilité du respect de cette interdiction sur les entreprises de travail temporaire.

Dans un premier temps, il reviendra à ces entreprises de vérifier le respect de la durée minimale d'exercice avant de conclure un contrat de mise à disposition avec l'un des établissements visés ci-dessus. 

Dans un second temps, les entreprises devront attester de ce respect auprès de l'établissement cocontractant au plus tard lors de la conclusion de ce contrat. Il leur incombera donc d'anticiper le recueil d'informations et de documents auprès des professionnels qu'elles envisageront de mettre à disposition.

Des sanctions administratives sont prévues. Il appartiendra au pouvoir règlementaire de les fixer.

La loi ne donne toutefois aucune indication sur les personnes morales ou physiques qui pourront faire l'objet de sanctions, bien que les entreprises de travail temporaire semblent être les principales concernées en raison des obligations de vérification et d'attestation qui pèsent sur elles.

En définitive, les entreprises de travail temporaire devront rester attentives à la publication des décrets attendus d'ici le 1er avril 2024 afin de mettre en place des procédures de vérification et de se préserver de tout risque de sanction.

Article à retrouver également sur Village de la justice

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(1) Il s'agit en substance :

- des établissements ou services qui mettent en oeuvre (i) des mesures de prévention au titre de la protection de l'enfance ou (ii) d'aide sociale à l'enfance et (iii) les prestations d'aide sociale à l'enfance,

- des établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation,

- des établissements ou services qui mettent en oeuvre les mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire ou d'assistance éducative ou concernant des majeurs de moins de vingt et un ans ou les mesures d'investigation préalables aux mesures d'assistance éducative ;

- des établissements et services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale,

- enfin, des établissements et services qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert.

(2) Sont considérés comme auxiliaires médicaux les infirmières et infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues, ergothérapeutes et psychomotriciens, orthophonistes et orthoptistes, manipulateurs d’électrocardiologie médicale et techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes et orthésistes pour l’appareillage des personnes handicapées, diététiciens, aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers, assistants dentaires et assistants de régulation médicale.