Lorsqu’un réseau de franchise se construit, il est essentiel de définir clairement les droits et limites de chacun de ses membres. Parmi ces règles, la clause d’exclusivité territoriale occupe une place centrale. Elle permet de réserver à un franchisé un secteur donné, lui garantissant l’absence de démarchage actif par d’autres partenaires de l’enseigne. Comprendre le fonctionnement et la portée de cette exclusivité est fondamental pour instaurer un climat de confiance au sein du réseau. Cet article expose les principales caractéristiques de la clause d’exclusivité territoriale, ses conditions de validité et les risques encourus en cas de violation.

 

1. Définition et fondements juridiques

La clause d’exclusivité territoriale est un engagement par lequel le franchiseur garantit à un franchisé qu’aucun autre membre du réseau ne mènera une prospection active dans la zone qui lui est allouée. Si cette disposition n’est pas strictement définie par le Code de commerce, elle s’inspire toutefois du droit commun des contrats et des principes de concurrence loyale, prévus à l’article 1240 du Code civil (ex‑1382) pour la réparation du dommage causé.

 

En réalité, ce mécanisme permet au franchisé de développer son activité en toute sérénité, sachant qu’il n’aura pas à affronter la publicité ciblée ou les opérations marketing de ses « confrères » sur sa zone. Cet équilibre profite aussi au réseau : un système bien organisé limite les rivalités internes, ce qui renforce l’image de marque et la crédibilité de l’enseigne sur le marché.

 

2. Le cadre légal européen et la notion de vente active

En droit de la concurrence, la Commission européenne distingue deux types de ventes :

 

  • Ventes passives : le franchisé répond aux commandes spontanées qui peuvent provenir de clients situés partout, y compris hors de son territoire.
  • Ventes actives : le franchisé cherche délibérément à capter un marché géographique qui lui est interdit par la clause d’exclusivité, via des messages publicitaires, du démarchage téléphonique, ou la diffusion massive de prospectus.

Les règlements européens admettent qu’un contrat puisse interdire ces ventes actives pour assurer la protection d’un territoire exclusif. En revanche, empêcher toute vente passive serait susceptible de constituer une entente illicite au regard de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et de l’article L.420‑1 du Code de commerce.

 

3. Les avantages pour le franchisé et le réseau

3.1. Sécurité commerciale

Disposer d’un territoire protégé offre une visibilité sur la clientèle potentielle. Le franchisé peut investir dans l’achat de matériel, de stocks ou de campagnes de communication en ayant l’assurance de ne pas faire face à une concurrence directe, à l’intérieur même de son secteur. Cette stabilité économique contribue souvent à la rentabilité de la franchise.

 

3.2. Meilleure cohésion du réseau

Les conflits internes liés à la clientèle s’en trouvent généralement diminués lorsque chaque franchisé sait qu’il bénéficie de droits exclusifs sur sa zone. Le franchiseur, pour sa part, veille à ce que tous respectent les règles communes, sous peine de sanctions. Cela renforce le sentiment d’appartenance et la confiance mutuelle.

 

4. Le contenu de la clause d’exclusivité territoriale

4.1. Délimitation précise du territoire

Pour être pleinement efficace, la clause doit définir avec clarté les limites géographiques : la liste des communes, des arrondissements, ou encore un rayon autour du point de vente. Plus cette délimitation est exacte, moins il y aura d’ambiguïté sur les zones de prospection possibles.

 

4.2. Durée de l’exclusivité

La convention peut prévoir une exclusivité temporaire ou prolongée, assortie de conditions de renouvellement. Il est fréquent que le franchiseur se réserve la possibilité de redessiner les frontières en cas d’évolution importante du marché, à condition d’en informer préalablement le franchisé et de respecter certains critères.

 

4.3. Clauses de non-concurrence internes

Parfois, la clause d’exclusivité territoriale s’accompagne de stipulations de non-concurrence renforcées. Le contrat précise alors les conséquences d’un démarchage intrusif d’un franchisé sur la zone d’autrui, par exemple sous forme de pénalités ou de dommages-intérêts.

 

5. La violation de l’exclusivité territoriale : formes et conséquences

5.1. Exemples de pratiques illicites

  • Distribution de tracts : Remettre des prospectus ou flyers dans la zone protégée d’un autre franchisé équivaut à une vente active interdite.
  • Affichages publicitaires localisés : Placer des panneaux dans des rues ou centres commerciaux situés hors de son périmètre.
  • Géociblage en ligne : Diffuser des annonces internet visant spécifiquement la clientèle d’une zone attribuée à un autre franchisé.

5.2. Conséquences juridiques

Un franchisé lésé peut intenter une action en justice pour concurrence déloyale (fondée sur l’article 1240 du Code civil). Les juges examinent si la clause est valable, si la prospection a bel et bien été ciblée et si un préjudice en résulte. Les sanctions peuvent inclure :

 

  1. L’injonction de cesser les pratiques litigieuses sous astreinte financière.
  2. Des dommages-intérêts pour indemniser la perte de clientèle ou le manque à gagner.
  3. La résiliation du contrat si la violation est particulièrement grave ou répétée.

Par ailleurs, le franchiseur peut également être tenu pour responsable s’il n’a pas agi pour faire respecter les obligations, en particulier s’il est démontré qu’il a fermé les yeux sur des pratiques qu’il savait contraires aux termes contractuels.

 

6. Les mesures préventives

6.1. Formation des franchisés

Un réseau sain repose sur l’information. Le franchiseur doit détailler, dans ses manuels et ses formations initiales, l’interprétation de la clause d’exclusivité territoriale, la différence entre ventes actives et passives ainsi que les risques encourus en cas d’entorse.

 

6.2. Veille et contrôle

Il est conseillé d’effectuer une veille régulière sur les campagnes publicitaires de chaque franchisé. Certains franchiseurs mettent en place un système interne de validation des supports marketing, pour s’assurer que chacun reste dans son périmètre.

 

6.3. Dialogue et résolution amiable

Lorsqu’un franchisé remarque une ingérence sur sa zone, l’idéal est d’entamer une discussion immédiate avec le contrevenant. Une solution transactionnelle peut être trouvée avant d’en arriver à un contentieux judiciaire, qui serait plus coûteux et préjudiciable à la réputation du réseau.

 

7. Conclusion

La clause d’exclusivité territoriale se présente comme un gage de sécurité et d’équité pour les franchisés, tout en préservant l’unité du réseau. Lorsqu’un membre outrepasse ses prérogatives et démarche la clientèle réservée à un autre, il commet un acte de concurrence déloyale susceptible d’engager sa responsabilité. Les juges sanctionnent avec fermeté ces manœuvres, considérées comme un trouble manifestement illicite. Au-delà des éventuelles indemnités, la cohésion interne du réseau se trouve alors fragilisée.

 

Pour éviter de tels litiges, franchiseur et franchisés doivent assurer une compréhension partagée des règles relatives aux territoires exclusifs et s’appuyer sur une communication fluide. Le succès d’une franchise repose non seulement sur la notoriété de la marque, mais aussi sur la loyauté réciproque de ses membres. L’exclusivité territoriale participe de cet équilibre, à condition que chacun en saisisse la portée et les limites.

 

En savoir plus : https://www.lebouardavocats.com/blog-posts/violation-exclusivite-territoriale-franchise

 

LE BOUARD AVOCATS

4 place Hoche,

78000, Versailles

 

https://www.lebouard-avocats.fr/

https://www.avocats-lebouard.fr/

https://www.lebouardavocats.com/