EN BREF : dans un arrêt en date du 15 mai 2023, le Conseil d’Etat précise que sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.


Mme B... A..., adjointe technique de 2ème classe employée par la commune de Chécy au sein du service de restauration scolaire, a demandé au maire de Chécy la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu le 26 septembre 2016.

Par un arrêté du 23 octobre 2017, le maire, après deux avis de la commission de réforme en date des 6 avril et 20 septembre 2017, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident.

 Par un jugement du 6 août 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les demandes de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017, à ce qu'il soit enjoint au maire de prendre une nouvelle décision, à la condamnation de la commune de Chécy à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral en raison de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime et, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée.

Sur appel de Mme A..., la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 15 juin 2021, a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 en ce que cet arrêté n'a pas reconnu l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., annulé l'arrêté litigieux, enjoint au maire de Checy de prendre une nouvelle décision concernant l'imputabilité au service de la pathologie dans un délai d'un mois et rejeté le surplus des conclusions de Mme A... et les conclusions de la commune de Chécy. La commune de Checy se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Eu égard aux moyens qu'il soulève, le pourvoi doit être regardé comme dirigé contre l'arrêt en tant seulement qu'il a fait droit aux conclusions de Mme A... à fin d'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 et aux conclusions à fin d'injonction liées à celles-ci.

Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour annuler le jugement attaqué, la cour a estimé que la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans tendait en réalité à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie ayant justifié l'octroi d'un arrêt de travail à compter du 26 septembre 2016 et en a conclu que c'était à tort que le tribunal avait estimé que l'autorité administrative n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître imputable au service la pathologie de Mme A... à l'origine de cet arrêt de travail.

Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier du formulaire de déclaration établi par Mme A... le 10 octobre 2016, que la demande transmise à la commune de Chécy, sur laquelle la commission de réforme a émis à deux reprises un avis défavorable en date des 6 avril et 20 septembre 2017, et qui a conduit le maire de Chécy à prendre l'arrêté litigieux, portait exclusivement sur la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu le 26 septembre 2016 à la suite d'un entretien entre Mme A... et son supérieur hiérarchique, dont il n'est pas établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

La circonstance que la commission de réforme ait également émis, dans son avis du 20 septembre 2017, un avis défavorable à la reconnaissance d'une maladie professionnelle et que l'arrêté litigieux ait reproduit cette mention est à cet égard indifférente.

Il s'ensuit qu'en statuant sur la question de la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une pathologie, et non sur la question de la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 26 septembre 2016 dont elle était saisie, la cour administrative d'appel a méconnu les termes du litige.

Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la commune de Checy est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a fait droit aux conclusions de Mme A... à fin d'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 et aux conclusions à fin d'injonction liées à celles-ci.

Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Chécy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

SOURCE : Conseil d'État, 3ème chambre, 15/05/2023, 455610, Inédit au recueil Lebon