OUI : dans un arrêt en date du 28 décembre 2023, le Conseil d’Etat considère qu’en jugeant qu'eu égard à la gravité des manquements commis par l'intéressé, par nature incompatibles avec la qualité de fonctionnaire de police, et alors même que ce dernier pouvait se prévaloir de bons états de service, les faits qui lui étaient reprochés justifiaient la sanction de la révocation, la cour s'est livrée à une appréciation des faits de l'espèce qui ne conduit pas au maintien d'une sanction hors de proportion avec les fautes commises.


Par un arrêté du 11 septembre 2020 le ministre de l'intérieur a prononcé la sanction de révocation de M. B... A..., gardien de la paix, à raison de sa participation à des échanges intervenus au moyen de la messagerie WhatsApp associant plusieurs fonctionnaires de police, gardiens de la paix et adjoints de sécurité et comportant de nombreux messages à caractère raciste et discriminatoire, échangés à l'occasion du service, et pour ne pas avoir réagi aux messages racistes, antisémites et sexistes diffusés par ses collègues, ces faits étant constitutifs d'un manquement à ses obligations statutaires et déontologiques et d'un manquement au devoir de contrôle des pairs, l'intéressé s'étant affranchi de son rôle d'encadrement des adjoints de sécurité.

L'arrêté relevait en outre que ces faits avaient porté une atteinte au crédit de la police nationale, et étaient incompatibles avec l'exercice des fonctions de policier.

Par un jugement du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision.

M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé, sur appel du ministre de l'intérieur, ce jugement et rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 11 septembre 2020.

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., gardien de la paix exerçant ses fonctions dans l'unité d'aide et d'assistance judiciaire de la police de X …, a, à la fin de l'année 2019, accepté l'invitation à participer, au moyen de la messagerie WhatsApp, à un groupe de discussion, créé en octobre 2019 par l'un de ses collègues et composé notamment de ses collègues fonctionnaires de police de l'unité d'aide et d'assistance judiciaire à laquelle il appartenait.

Il y a tenu, à quatre reprises, des propos racistes et discriminatoires.

La sanction de la révocation prononcée à son encontre l'a été à raison de ces faits mais également pour le motif que, témoin des propos violemment racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires émis par les autres membres du groupe, il n'a eu aucun comportement modérateur ou dissuasif.

D'une part, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a pu, sans erreur de droit, estimer que les faits reprochés à M. A... étaient constitutifs d'une faute de nature à justifier légalement une sanction, même si les propos incriminés avaient été tenus au sein d'un groupe de discussion composé de collègues et si ces échanges étaient intervenus, en partie, en dehors du service. D'autre part, l'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises.

En jugeant qu'eu égard à la gravité des manquements commis par l'intéressé, par nature incompatibles avec la qualité de fonctionnaire de police, et alors même que ce dernier pouvait se prévaloir de bons états de service, les faits qui lui étaient reprochés justifiaient la sanction de la révocation, la cour s'est livrée à une appréciation des faits de l'espèce qui ne conduit pas au maintien d'une sanction hors de proportion avec les fautes commises.

Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, dans toutes ses conclusions.

SOURCE : Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 28/12/2023, 474289

JURISPRUDENCE :

Sur la nature du contrôle de cassation quant à la proportionnalité de la sanction, CE, 27 février 2015, La Poste, n°s 376598 381828, p. 64 :

 «  Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.... La constatation et la caractérisation des faits reprochés à l'agent relèvent, dès lors qu'elles sont exemptes de dénaturation, du pouvoir souverain des juges du fond.  Le caractère fautif de ces faits est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation.  L'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises. »