NON : dans un arrêt en date du 17 février 2023, le Conseil d’Etat rappelle, dans le droit fil d 'une jurisprudence contante depuis 1971, que si compte tenu de ce que l’état de santé mentale du fonctionnaire au moment des faits en cause n’était pas de nature à altérer son discernement, l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer la révocation de l’intéressé.

Le juge saisi en annulation de la sanction de moyens en ce sens, recherchera si l'état de santé mentale du fonctionnaire au moment des faits en cause a été de nature à altérer son discernement et appéciera avec ses pouvoirs de juge du plein contentieux si la sanction appliquée est proportionnée aux fautes commises. S'il ne l'annule pas, il pourra tout  au moins la réduire.


En l’espèce, il s’agit d’un fonctionnaire territorial ayant adressé à de très nombreuses reprises, tant à l’oral qu’à l’écrit, des propos extrêmement déplacés, agressifs et dégradants, dont plusieurs ayant un caractère sexuel et comportant des menaces physiques, à l’une de ses collègues, à l’une de ses supérieures hiérarchiques et à une élue de la région, lesquelles ont porté plainte pour harcèlement moral.

Celui-ci ayant adressé à sa collègue, alors même qu’il était dépourvu de tout pouvoir hiérarchique à son égard, un grand nombre de courriers électroniques contenant des ordres comminatoires, par lesquels il a perturbé le bon fonctionnement du service.

Si l’intéressé soutient que son état de santé mentale le rendait irresponsable de ses actes, à l’instar de ce qui avait déjà été constaté à l’occasion d’une précédente procédure de révocation engagée par la collectivité, lors de laquelle un rapport d’expertise psychiatrique avait conclu à son irresponsabilité au moment des faits qui lui étaient alors reprochés, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des documents fournis par l’intéressé, que son état de santé mentale, pour la période durant laquelle les faits reprochés ont été commis, faisait obstacle à ce qu’une sanction soit prononcée en raison des manquements en cause.

Dans ces conditions, eu égard à la gravité des faits reprochés, lesquels sont au demeurant survenus alors que la collectivité lui avait donné la possibilité de reprendre une activité professionnelle au sein de la fonction publique territoriale en décidant de ne pas mettre en œuvre une première sanction de révocation, et compte tenu de ce que l’état de santé mentale de l’intéressé n’était pas de nature à altérer son discernement au moments des faits en cause, l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer la révocation de l’intéressé.

SOURCE : Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 17/02/2023, 450852

JURISPRUDENCE :

Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 15/10/2020, 438488, Inédit au recueil Lebon

« Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., administrateur civil de classe normale, a publié, sous pseudonyme le 3 décembre 2017, et sous son nom propre, le 8 janvier 2019, sur deux sites internet, un même article critiquant en des termes outranciers et irrespectueux l'action du Président de la République.

A cet égard, l'utilisation d'un pseudonyme sur le blog hébergé par Médiapart ainsi que la très faible audience du blog personnel de M. A... ne sont pas de nature à priver de son caractère public l'article qui y a été publié.

En outre, il a diffusé, les 6 décembre 2018 et 20 février 2019, des courriels et vidéos contenant de vives critiques à l'encontre de l'action de son ministère d'affectation et plus généralement de la fonction publique, ainsi que des injures à l'encontre de responsables de la direction des ressources humaines de son ministère.

Il a enfin transmis, le 9 mars 2018, des éléments confidentiels relatifs à la situation administrative d'un agent à un service extérieur à son ministère, sans qu'il puisse utilement justifier cet acte par la volonté de révéler d'éventuelles illégalités ou des actes délictueux.

L'ensemble de ces faits constituent des violations des obligations de réserve, de discrétion professionnelle et de dignité auxquels sont tenus les fonctionnaires, particulièrement ceux relevant d'un corps tel que le corps des administrateurs civils auquel appartient M. A....

Par suite, ces manquements, dont l'exactitude matérielle n'est pas contestée, sont constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire.

Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision d'admission en soins psychiatriques du 8 décembre 2018 et du rapport d'expertise établi le 18 septembre 2019 par un médecin psychiatre à l'attention de la commission de réforme ministérielle saisie afin de déterminer l'imputabilité au service de l'accident survenu le 6 décembre 2018, que l'état de détresse psychologique de M. A... avait justifié, après son passage à l'acte suicidaire, une hospitalisation sous contrainte en hôpital psychiatrique et la prescription continue d'arrêts de travail du 12 décembre 2018 au 3 septembre 2019. Selon le rapport d'expertise, M. A... serait atteint de troubles psychopathologiques sévères et de gravité confirmée, entraînant une altération importante du fonctionnement social et professionnel et ne permettant pas une reprise immédiate des fonctions.

Dans ces conditions, compte tenu de l'état de santé de M. A..., de nature à altérer son discernement, l'autorité disciplinaire, qui disposait d'un éventail de sanctions de nature et de portée différentes, a, en faisant le choix de la révocation qui met définitivement fin à la qualité de fonctionnaire, prononcé à l'encontre de M. A... une sanction hors de proportion avec les fautes commises.

Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque. »