L'EARL (Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée) est une forme sociétaire qui a été instituée par la loi du 11 juillet 1985 pour répondre à différentes attentes du monde agricole :

- séparer le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de l'exploitant, pour que les difficultés financières de l'entreprise agricole n'aient pas de répercussion sur la situation personnelle de l'exploitant : c'est le principe de la limitation de la responsabilité financière des associés aux seuls apports faits à la société,

- permettre à un exploitant de constituer, seul, une telle forme sociétaire, pour instaurer une séparation patrimoniale,

- permettre l'entrée de capitaux "extérieurs" qui vont financer les investissements et l'activité de la société : c'est la possibilité offerte à des associés "non-exploitants" de participer à la formation du capital. Avec une limite : les associés-exploitants doivent toujours détenir plus de 50 % du capital social.

Il est à noter qu'un associé-exploitant doit, pour avoir et conserver cette qualité, participer de façon effective et permanente aux travaux de l'exploitation, condition calquée sur celle exigée du bénéficiaire de la reprise en cas de congé-reprise d'un bien loué par bail rural. La mention d'"associé-exploitant" qui est portée dans les statuts doit être confirmée par les faits.

Certaines circonstances peuvent se traduire par le fait que cette règle ne soit plus respectée : un associé-exploitant perd cette qualité pour prendre sa retraite ou se retrouve en situation d'invalidité, de sorte que les associés-exploitants deviennent minoritaires.

L'article L 324-9 du code rural et de la pêche maritime prévoit ce cas de figure et, en préambule, expose que le non-respect de la règle n'entraîne pas la dissolution de plein droit de l'EARL. Il faut comprendre que la société encourt la dissolution, mais que cette dernière doit être demandée par voie judiciaire.

En premier lieu, la société dispose d'un délai pour régulariser, délai durant lequel l'action judiciaire ne peut être engagée. Un délai d'un an dans le cas général, délai porté à trois ans lorsque le non-respect de la règle découle d'un décès ou de l'inaptitude à exercer la profession agricole (d'un associé-exploitant).

En second lieu, quand bien même la situation n'aurait pas été régularisée dans ce délai et dans le cas où une personne (ayant intérêt à la dissolution de la société, tel qu'un créancier de cette dernière) aurait engagé une action en dissolution, le tribunal ne peut prononcer cette dissolution si la situation a été régularisée le jour où il statue. Une sorte de délai de grâce durant le temps de la procédure.

La règle de la détention majoritaire par des associés-exploitants n'est, finalement, pas si stricte, mais il faut, tôt ou tard, s'y ranger, ou alors envisager la transformation en une autre forme sociétaire, plus souple à cet égard.

Enfin, si la perte de la qualité d'exploitant s'étend à l'ensemble des associés, la société se retrouve alors sans aucun associé-exploitant. Or, l'article L 324-8 dispose que le gérant doit être choisi parmi les associés-exploitants, titulaires de parts sociales représentatives du capital.

L'article L 324-9 prévoit ce cas de figure et stipule que "faute d'associé-exploitant, l'EARL peut être gérée durant cette période par une personne physique désignée par les associés ou, à défaut, par le tribunal à la demande de tout intéressé".

Deux situations peuvent se présenter :

a/ L'associé, jusqu'alors exploitant, devient associé-non-exploitant. Or, il était le seul gérant de la société.

En sa qualité d'associé-non-exploitant, peut-il rester gérant de la société ?

La réponse est oui selon l'article L 324-9, mais seulement durant la période mentionnée ci-dessus et sous réserve de l'accord des associés (ou à défaut du tribunal).

b/ L'associé, jusqu'alors exploitant, et qui était l'unique gérant, vend ses parts (en démissionnant de ses fonctions de gérant) ou décède.

Dans ce cas, les associés restants devont s'accorder pour désigner, parmi eux, un nouveau gérant. A défaut de majorité, il conviendra de saisir le tribunal à cette fin.