Le fermier titulaire d'un bail rural dispose, sous conditions, d'un droit de préemption.

La SAFER dispose, de son côté, d'un droit de préemption propre. Rien n'interdit à la SAFER d'exercer son droit de préemption alors même que le bien, objet de la vente, est grevé d'un bail.

Les deux droits de préemption entrent alors en conflit.

C'est l'alinéa 2 de l'article L 143-6 qui résoud la difficulté.

"Ce droit de préemption (celui de la SAFER) ne peut s'exercer contre le preneur en place, son conjoint ou son descendant régulièrement subrogé dans les conditions prévues à l'article L 412-5 que si ce preneur exploite le bien concerné depuis moins de trois ans. Pour l'application du présent alinéa, la condition de durée d'exploitation exigée du preneur peut avoir été remplie par son conjoint ou par un ascendant de lui-même ou de son conjoint".

Dans un premier temps, le preneur doit s'assurer qu'il est bien titulaire du droit de préemption; la simple qualité de preneur à bail ne suffit pas.

L'intéressé doit avoir à la qualité de preneur et détenir un bail intégralement soumis au Statut du Fermage. Ainsi, l'exploitant titulaire d'un bail de "petites parcelles" ne peut pas revendiquer le bénéfice de ce droit de préemption (article L 412-3 dernier alinéa), à moins que preneur et bailleur se soient entendus pour soumettre conventionnellement le contrat au Statut du Fermage.

Outre la détention du bail, le preneur doit remplir trois conditions.

  1. avoir exercé pendant 3 ans au moins la profession d’exploitant agricole. La notion d'exploitant agricole est, sur ce point, souple : l'intéressé peut avoir été exploitant agricole, conjoint d’exploitant, aide-familial, voire salarié d’un chef d’exploitation agricole. En outre, Il n’est pas nécessaire que cette durée d’exploitation se rapporte à la mise en valeur du fonds loué. Ainsi, un exploitant qui signe un bail rural bénéficie aussitôt du droit de préemption dès lors qu'il a exercé la profession d'agriculteur pendant au moins 3 ans auparavant.
  2. avoir exploité lui-même (ou par sa famille) le fonds mis en vente. Ainsi, un preneur qui aurait sous-loué la parcelle mise en vente perd le bénéfice du droit de préemption (pour cette parcelle bien sûr).
  3. ne pas posséder déjà des terres représentant une superficie supérieure à 3 fois le seuil de contrôle fixé par le Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles (il s’agit du seuil à partir duquel une autorisation d’exploiter est requise). Le droit de préemption est réservé aux fermiers ne détenant pas en propriété une surface trop importante.

Si une seule de ces conditions n'est pas satisfaite, le preneur perd le bénéfice de son droit de préemption.

Dans le cas où la SAFER envisagerait d'exercer son propre droit de préemption, l'article L 413-6 évoqué ci-dessus prévoit des exemptions au profit du preneur en place (et de sa famille).

Tout d'abord, dans le cas où le preneur met en valeur les terres louées depuis plus de 3 ans, le droit de préemption de la SAFER s'efface.

Deux cas de figure peuvent alors se présenter.

1er cas : la vente est consentie au profit du preneur (ou de son conjoint ou de son descendant régulièrement subrogé dans les conditions de l’article L 412-5). Dans ce cas, la SAFER ne peut pas exercer son droit de préemption.

2ème cas : la vente est consentie à un tiers. Dans ce cas, la SAFER peut exercer son droit de préemption, mais elle sera primée par le preneur en place. Dans l'hypothèse où ce dernier renonce à l'exercer, la SAFER retrouve la faculté d'exercer le sien, étant précisé, bien entendu, que le preneur conserve le bénéfice de son bail après préemption par la SAFER.

Par contre, si la durée du bail est inférieure à 3 ans, c'est l'inverse : le droit de préemption de la SAFER est prioritaire.

Là encore, deux cas de figure :

- soit la vente est consentie au preneur et la SAFER peut exercer son droit de préemption au détriment du fermier;

- soit la vente est consentie à un tiers. La SAFER est alors prioritaire. Si cette dernière n'exercait pas son droit de préemption, le preneur retrouverait alors la faculté d'exercer le sien. Dans cette dernière hypothèse, le preneur resterait, bien entendu, en place. En outre, ce dernier pourrait exercer, ensuite, son droit de préemption lors de la rétrocession des terres par la SAFER. S’il ne le faisait pas, le bail poursuivrait alors ses effets jusqu’au terme de la durée de 9 ans, mais le nouveau propriétaire (c'est-à-dire l'attributaire retenu par la SAFER) aurait la possibilité de donner un congé-reprise pour la fin du bail.