Une salariée qui a signé une transaction peut-elle réclamer ensuite le paiement de la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence au motif que la transaction ne comporte aucune mention relative à la clause de non-concurrence qui n’a pas été levée par l’employeur ?

Non répond la Cour de cassation dans un arrêt du 17 février 2021, (Cass. soc. 17 février 2021, pourvoi nº 19-20.635) poursuivant sa jurisprudence initiée en 2014 sur le plein effet libératoire pour l’employeur d’une clause générale de renonciation.

https://www.village-justice.com/articles/transaction-plein-effet-liberatoire-pour-employeur-une-clause-generale,29010.html

Faits et procédure

Une salariée engagée, le 1er février 1988, par la société Markem Imaje Industries, en qualité d’assistante service ressources humaines a été licenciée pour motif personnel le 16 mars 2015. Son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence.

Les parties se sont rapprochées et ont signé un protocole transactionnel le 30 mars 2015 qui ne comprenait aucune mention relative à la clause de non-concurrence qui n’a pas été levée par l’employeur.

La salariée saisit ensuite la juridiction prud’homale, le 27 juillet 2016 d’une demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

La cour d’appel de Grenoble par un arrêt du 25 juin 2019 fait droit à sa demande et condamne la société à payer à la salariée la somme de quasiment 40 000 euros.

Les arguments de la société

La société forme un pourvoi contre cette décision et fait valoir que :

- la transaction portant sur l’ensemble des droits résultant de l’exécution et la rupture du contrat de travail a autorité de la chose jugée quant aux prétentions en résultant nées à la date de sa signature ;

- dans la transaction, les parties se sont accordées sur les indemnités dues à la salariée, qui a reconnu qu’elles constituaient le solde définitif et irrévocable de tout compte ;

- l’indemnité versée avait vocation à réparer l’ensemble des préjudices tant professionnels que moraux que la salariée a prétendu subir du fait des modalités d’exécution de son contrat de travail, de sa rupture, des conditions dans lesquelles elle est intervenue et au regard de ses conséquences de toute nature, et notamment ceux expressément invoqués dans le protocole ;

- la salariée a reconnu que les concessions de la société étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux articles 2044 et suivants du code civil et en particulier l’article 2052 du code civil, afin de la remplir de tous ses droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister ;

- elle a  déclaré expressément renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature qu’elle soit, pouvant avoir pour cause, conséquence ou objet, directement ou indirectement, l’exécution ou la cessation des fonctions qu’elle a exercées au sein de la société ou du groupe auquel elle appartient ;

- et qu’elle a renoncé à toute action ou instance liée à la rupture de son contrat de travail, indiqué n’avoir plus aucune demande à formuler à quelque titre que ce soit et a renoncé à toute instance ou action judiciaire relative au présent litige.

La position de la Cour de cassation

Pour la haute Cour, les obligations réciproques des parties au titre d’une clause de non-concurrence sont comprises dans l’objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatifs à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail.

La chambre sociale reproche à l’arrêt attaqué d’avoir retenu que l’employeur ne justifie pas avoir expressément levé la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail tant à l’occasion du licenciement que postérieurement à ce dernier, que la transaction litigieuse ne comprend aucune mention dont il résulterait que les parties au protocole ont entendu régler la question de l’indemnité de non-concurrence due à la salariée, que l’employeur ne peut en conséquence exciper de l’autorité de la chose jugée s’attachant au protocole transactionnel du 30 mars 2015 pour s’opposer à la demande en paiement formée la salariée.

Elle considère que les parties reconnaissaient que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil, et en particulier de l’article 2052 de ce code, ceci afin de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles et déclaraient, sous réserve de la parfaite exécution de l’accord, être totalement remplies de leurs droits respectifs et renoncer réciproquement à toute action en vue de réclamer quelque somme que ce soit.

L’arrêt est cassé et les parties sont renvoyées devant la cour d’appel de Chambéry.

Conclusion

Comme indiqué dans un article récent relatif à l’impossibilité pour le juge de vérifier le bien-fondé du licenciement en matière de transaction https://www.village-justice.com/articles/transaction-juge-peut-verifier-bien-fonde-licenciement,38106.html , il n’est pas rare qu’un salarié, après avoir signé un protocole et le plus souvent perçu la somme convenue se ravise et conteste le montant de l’indemnité transactionnelle dont il trouve finalement le montant insuffisant voire dérisoire.

Il décide alors de remettre en cause la validité de la transaction ou d’invoquer un point qui n’aurait pas été mentionné dans le protocole, espérant obtenir plus.

L’interprétation extensive de la Cour de cassation d’une clause de renonciation générale contenue dans la transaction, prive le salarié de toute contestation ultérieure relative à l’exécution et la rupture du contrat de travail, même en présence d’une clause de non-concurrence qui n’aurait pas été levée par l’employeur et pas mentionnée dans le protocole.