La clause de non-concurrence qui ne protège pas les intérêts de l’employeur est sans objet.

La jurisprudence majoritaire estime que la nullité de la clause de non-concurrence ne peut être soulevée que par le seul salarié. Mais tous les principes ont des limites.

Lorsqu’une clause de non-concurrence ne protège pas les intérêts de la société, elle doit être réputée non écrite, tel est l’enseignent de cet arrêt rendu le 17 février 2021.

Faits :

Un père courtier mandataire de la Française des jeux embauche sa fille.

Une société commerciale va reprendre le mandat et va se voir transférer, certainement en application de l’article L1224-1 du code du travail, le contrat de travail de la fille du premier courtier.

Après quelques années de collaboration, la société décide de licencier la salariée. La lettre de licenciement est très bien motivée et met en avant des manquements graves.

Cependant, la salariée relève que son licenciement disciplinaire est intervenu plus d’un mois après la date de la convocation à l’entretien préalable. En conséquence, elle estime que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel confirme l’analyse de la salariée et juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cependant, la juridiction va débouter la salariée de sa demande de paiement de la clause de non-concurrence.

La clause, d’une durée de deux ans, était particulièrement généreuse car elle prévoyait que la contrepartie financière était égale au salaire moyen de la salariée. Mais bien que généreuse, cette contrepartie financière ne pouvait pas avoir pour effet d’entrainer la nullité.

Rappelons que pour qu’une clause de non-concurrence soit valable elle doit respecter certains critères.

Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, qu’elle est limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière. Toutes ces conditions sont cumulatives.

La Cour d’appel va rejeter la demande indemnitaire de la salariée en réalisant une analyse très poussée de la clause et de ses effets sur les parties. La juridiction du fond va notamment estimer que la clause doit être considérée comme étant non écrite car la société n’en tirait aucun avantage.

 

La salariée va se pourvoir en cassation.

 

Solution :

La Cour de cassation rejette le pourvoi et estime que :

« « … » d’autre part retenu que les courtiers mandataires de la société FDJ avaient l’exclusivité de la distribution des produits de celle-ci dans un secteur géographique déterminé, de sorte qu’il ne pouvait y avoir aucune concurrence entre eux, la cour d’appel a, sans violer le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, pu statuer comme elle l’a fait. 7. Le moyen n’est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, »

Une clause de non-concurrence ne peut exister que s’il existe un risque de concurrence. A défaut de concurrence, la clause n’a aucune raison licite d’exister et elle doit donc être réputée non écrite.

La solution peut sembler sévère pour la salariée, mais il faut se souvenir du contexte dans lequel la clause a été signée et des conditions d’exercice du courtier mandataire de la Française de jeux.

Il n’est pas besoin d’être devin pour comprendre que la clause de non-concurrence a été consentie par le père de la salariée afin de la protéger le jour ou il cesserait son activité. C’est bien le père qui protégeait sa fille et non la société qui se défendait d’une future concurrence.

Ce ne sont pas les conditions avantageuses de la clause qui ont causé sa perte, mais son inutilité pour la société.

Les courtiers mandataires de la Française des jeux bénéficient d’une exclusivité sur un secteur géographique. La salariée n’aurait donc jamais pu concurrencer son ancien employeur.

La société ne tirait donc aucun profit direct de la clause, pire encore elle ne pouvait pas même espérer en tirer un avantage hypothétique. Le débauchage de la salariée pour un autre courtier n’aurait causé aucun préjudice à l’employeur puisque l’exclusivité sur un secteur géographique rendait la concurrence impossible.

 

Il faut reconnaitre que la portée de cet arrêt est limitée. Dans l’écrasante majorité des cas, la clause de non-concurrence aura un intérêt pour l’employeur. Pour pouvoir en obtenir la nullité Il ne suffira pas à l’employeur d’arguer que la clause est favorable au salarié, l’employeur devra démontrer que la clause ne lui procure aucun avantage et qu’elle a été rédigée dans le seul et unique but d’accorder un bénéfice – sans contrepartie- au salarié.