Outre le trouble de jouissance et les travaux à effectuer à la suite d'un dégât des eaux, un dégât des eaux peut être la source d'un préjudice d'image et de réputation lorsqu'il est visible par la clientèle.

Dans cette affaire, la victime louait un local professionnel à bail professionnel pour y exercer une activité médicale. Un dégât des eaux était causé par les occupants d'un appartement situé au dessus, en raison d'un joint de douche défectueux qu'ils refusaient de réparer, renvoyant vers la copropriété et estimant que la fuite provenant d'une gaine commune.

Après expertise, le joint de douche défectueux avait été identifié comme la seule cause du dégât des eaux. Les juges ont en conséquence ordonné aux fautifs d'effectuer les travaux de réparation et ont statué sur le préjudice causé.

La victime ne demandait pas l'indemnisation d'un préjudice commercial lié à la baisse de sa patientèle.

Cependant, les juges l'ont indemnisé en raison de l'atteinte à l'image et à la réputation, les traces d'infilitration étant de nature à générer un doute dans l'esprit de la patientèle sur le respect des normes d'hygiène attendues d'un cabinet médical, évalué à 4 000 euros en l'espèce. 

"Le préjudice moral d'une personne morale désigne toute atteinte à un intérêt extra-patrimonial compatible avec sa nature, notamment l'atteinte à l'image et à sa réputation. Dès lors, bien qu'il ne soit pas allégué de préjudice commercial ou, plus exactement, une baisse de la patientèle du cabinet du Dr. [N], il est un fait avéré que les dégradations consécutives aux dégâts des eaux, dont il est suffisamment rendu compte par le rapport d'expertise et par les photographies versées aux débats, sont de nature à générer un doute, dans l'esprit de la patientèle, sur le respect des normes d'hygiène attendues d'un cabinet médical. Il en résulte nécessairement un préjudice pour la société [N] sans qu'il soit requis d'établir l'existence d'un autre préjudice d'ordre patrimonial tenant par exemple à une perte de patientèle. Compte tenu de la nature des désordres, qui consiste en des décollements de peintures sur des zones toutefois limitées, et l'impossibilité de travaux de reprise avant asséchement desdites zones (soit a minima jusqu'au 17 juillet 2017 concernant la salle d'attente), le préjudice de la société [N] apparaît avoir été justement évalué par le tribunal, à hauteur de 4 000 euros." (Cour d'appel de Versailles, 16 mai 2024, n°22/00511).

A noter également, dans cette affaire, les occupants fautifs ont été condamnés à régler en sus 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, pour avoir bloqué ou retardé les investigations nécessaires en refusant l'accès de l'expert à leur logement :

"Il résulte des articles 1382 et 1383 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, qu'engage la responsabilité de son auteur la faute, fût-elle d'imprudence ou de négligence, à l'origine d'un dommage causé à autrui.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. et Mme [B] [K] n'ont permis l'accès à leur appartement que le 10 novembre 2016 afin de rechercher la fuite, soit plus de 4 mois après avoir été informés du dégât des eaux.

Le premier rapport de l'entreprise [Z] ne constate aucune fuite apparente mais indique les limites des investigations menées à ce stade. Ainsi précise-t-il qu'il n'est pas possible de vérifier sous la douche faute de trappe de visite et, dans la salle de bain, qu'un défaut reste possible dans le sol.

Si le doute était alors permis quant au point de savoir si les fuites relevaient de parties privatives ou de canalisations dépendantes de la copropriété, il ne faisait en revanche aucun doute, au regard de la localisation des infiltrations, que celles-ci trouvaient leur origine dans l'appartement de M. et Mme [B] [K] où devaient nécessairement être conduites de nouvelles investigations. Or, c'est principalement la réticence de M. et Mme [B] [K] à collaborer à la recherche de fuite, en permettant notamment une nouvelle intervention du plombier, qui a conduit la société [N] à introduire une procédure en référé aux fins d'expertise judiciaire.

S'agissant de l'expertise judiciaire qui a suivi, il ne peut être valablement soutenu que la durée de celle-ci est imputable aux " errements " de l'expert, alors que les investigations devaient durer autant que nécessaire pour identifier précisément l'origine des fuites et que le comportement peu coopératif de M. et Mme [B] [K], relevé par l'expert dans son rapport, a de fait prolongé inutilement la durée des opérations, en raison d'indisponibilités récurrentes de M. et Mme [B] [K], d'annulations de rendez-vous ou d'absence de diligences en temps voulu. Cette situation a même conduit l'expert à informer le magistrat chargé du contrôle des expertises des difficultés rencontrées qui, par courrier du 13 décembre 2017, a rappelé au conseil des époux [B] [K] l'obligation qui leur incombe de prêter leur concours aux opérations d'expertise.

Les circonstances de la cause permettent ainsi d'imputer pour partie le retard pris par les opérations d'expertise à l'attitude dilatoire et insuffisamment coopérative de M. et Mme [B] [K]. Ce comportement est constitutif d'une faute à l'origine d'un préjudice moral causé aux sociétés Cop's et [N], qui sera évalué à la somme de 2 000 euros, sans que par ailleurs il y ait lieu d'indemniser un préjudice inhérent à la réception d'un simple courrier adressé par M. et Mme [B] [K] à l'expert, dont le propos quoique incisif n'apparaît pas dépasser les limites acceptables de la liberté d'expression et des droits de la défense dans un contexte contentieux." (Cour d'appel de Versailles, 16 mai 2024, n°22/00511).

Les locataires de locaux professionnels ont donc tout intérêt à faire valoir ces chefs de préjudice lorsque la situation s'y prête et à travailler avec un conseil à la réunion de toutes les preuves utiles à la démonstration d'un préjudice. Cela est d'autant plus important que de nombreux contrats d'assurance ne couvrent pas les dommages immatériels consécutifs de ce type.

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner dans la résolution des sinistres affectant vos locaux professionnel :

  • Analyser les baux et documents contractuels pour identifier les responsabilités ;
  • Vous assister dans la réunion des preuves et en expertise ;
  • Vous accompagner dans la négociation avec toutes les parties prenantes, y compris les assureurs ;
  • Défendre vos intérêts devant les juridictions ;
  • Vous assister dans la résolution de litiges entre propriétaires bailleurs, preneurs, copropriétés, tiers et assureurs.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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