Il est interdit d’aggraver la servitude d’écoulement des eaux pluviales par des ouvrages ou par un fait de l’homme, sans indemniser le propriétaire du fonds servant de son préjudice. Mais il existe cependant des stations particulières qui justifient une atteinte à ce principe.
1° Le principe de la fixité de la servitude et ses limites
On a coutume de dire que c’est le principe de fixité qui s'applique aux servitudes d'eaux pluviales des fonds inférieurs qui sont assujettis envers le plus élevé à recevoir les eaux qui en découlent naturellement. Le principe en est fixé par l’article 640, alinéa 1er du Code civil. Toutefois, l’article suivant du Code civil prévoit la possibilité d'une aggravation de cette servitude naturelle. Et dans ce cas il prévoit qu’une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur.
2° Les conditions de l’aggravation
L’aggravation peut résulter soit d'une modification du fond dominant par des travaux par exemple, soit d'une modification du cours des eaux pluviales.
En général, elle résulte de travaux d’aménagement qui entraîne une imperméabilisation du sol. Par exemple un revêtement bétonné ou goudronné, ou encore la création d’un talus qui dirige les eaux vers le fonds servant. Les modifications volontaires du cours des eaux pluviales constitue également une aggravation.
3° La réparation prévue par le code civil et ses modalités
Si le Code civil institue le principe d’une indemnité, il n’exclut pas que cette réparation puisse être effectuée en nature comme par exemple par l’intermédiaire de travaux de cessation du ruissellement aggravé ou des travaux de remise en état.
Le propriétaire du fonds servant ne pourra être contraint pour sa part à réaliser un ouvrage sur son propre fonds. En ce sens, tel est la solution qui était retenu par la cour d'appel de Chambéry le 24 février 2009. Confirmée par la Cour de cassation le 29 septembre 2010.
Les juges en souverain pour apprécier l'existence ou pas d'une aggravation de la servitude. Et dans ce type de contentieux, les juges statuent généralement sur la base d'un rapport d'expertise judiciaire.
Si le rapport de l’expert indique que l’aggravation des écoulement visible résulte de phénomène d’érosion naturelle, il n'y aura pas de dédommagement dû au fonds servant. En revanche des ouvrages construit sur le fond dominant, la création d'un nouveau portail, une nouvelle canalisation pour les eaux pluviales avec une buse d'un diamètre insuffisant, pourront être constitutifs d'un trouble anormal du voisinage qui implique une réparation pour le fonds servant.
4° L’hypothèse d’une responsabilité collective
Il n’est pas rare que la responsabilité de l’aggravation de la servitude incombe non pas à un seule propriétaire mais à plusieurs, y compris parfois le plaignant lui-même !
Ce sera par exemple le cas, du propriétaire situé sur le parcelle d’amont qui reproche au propriétaire de la parcelle située en aval d’avoir bouché les barbacanes de son mur de clôture, mais qui a contribué lui-même à l’imperméabilisation de son terrain par différents ouvrages, ou à la redirection des eaux pluviales vers son voisin.
La Cour de cassation a admis la possibilité d’une responsabilité collective (Civ. 3e, 31 oct. 2007) sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil : « Et attendu […] qu’ayant retenu que l’EARL avait fait d’importants apports de terres sur les terrains exploités […] et que les berges du fossé avaient été à nouveau détériorées par des travaux de l’EARL avec ouverture par M. Z de brèches favorisant l’écoulement des eaux et des boues des champs de la SCI vers le ruisseau et la propriété X, de sorte que les pluies violentes […] avaient rendu le chemin et les abords de la maison X difficilement praticables, la cour d'appel […] a retenu que les risques et dommages des consorts X » étaient liés « à des imprudences et négligences fautives des exploitants qui, en remaniant [le fonds], en avaient supprimé partiellement certains inconvénients mais au détriment de leurs voisins » ; […] « Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que les consorts X avaient inopportunément placé un pilier de portail sur leur fossé et canalisé ponctuellement les eaux par une buse d'un diamètre insuffisant et que la création d'un lotissement avait aggravé l'afflux des eaux », en sorte que « les désordres subis par les consorts X » n'étant pas « entièrement imputables à la SCI et à l'EARL, la cour d'appel a souverainement apprécié le montant dû par ceux-ci aux consorts X au titre des préjudices accessoires subis par ces derniers, compte tenu de la part qu'ils avaient prise dans la dégradation du chemin ».
5° Le cas particulier de la mise en cause d’une collectivité locale et de travaux publics
L’aggravation de la servitude peut également résulter de travaux publics. Comme par exemple la suppression d’un talus existant, ou la création d’une route, ou son élargissement. Les fonds situés en aval peut être inondés, ou sérieusement affectés par ces modifications intervenues en amont.
Si le juge d’instance est naturellement compétent pour régler les contentieux en rapport avec l’écoulement des eaux pluviales, il ne le sera pas le cas si les désordres résultent de travaux publics : dans ce cas c’est le juge administratif qui a reçu compétence pour traiter ces différends et éventuellement pour indemniser les victimes.
C’est ainsi que la cour de cassation l’a jugé dans un arrêt du 3 juillet 1996 :
« Mais attendu que la cour d’appel ayant relevé que l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux grevant les terrains litigieux, étaient imputable à l'exécution de travaux publics, intervenus en vertu de décisions administratives, s'est déclarée à bon droit incompétente, sans être tenue de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge administratif se soit prononcé sur la légalité de ces décisions".
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