Jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’immigration la durée de validité d’une obligation de quitter le territoire était d’un an.
La loi du 26 janvier 2024 a modifié la rédaction de l'article L.731-1 du CESEDA en allongeant la durée de validité à 3 ans.
La Cour de cassation vient de publier sur son site un arrêt de la cour d'appel de Nîmes.
Cet arrêt du 05 mars 2024 vient préciser que cette validité de 3 ans s’applique aux obligations de quitter le territoire prises avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.
L’appel formé contre une décision du JLD qui avait validé un placement en rétention sur la base d’une obligation de quitter le territoire datant de deux ans, est rejeté.
Pour mémoire, la nouvelle rédaction de l’article L 731-1 du CESEDA est la suivante
« L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article ».
La partie de la motivation de l’arrêt de la cour d'appel de Nîmes qui concerne cette application rétroactive est la suivante :
« En l'espèce, Monsieur [H] [T] soulève un moyen tenant à la contestation de l'arrêté de placement en rétention pour absence de motivation, ainsi que le caractère non rétroactif de la loi sur laquelle s'appuie l'administration. Ces moyens sont recevables. Sera déclaré irrecevable, en revanche, le motif tiré d'une atteinte à la vie privée et familiale du retenu, ce moyen étant du ressort du tribunal administratif. (…)
En l'espèce, il est juste de rappeler que la décision d'éloignement sur laquelle s'appuie l'administration n'a pas de limitation d'existence dans le temps. Les conditions pour en permettre l'exécution d'office sont applicables au 28 janvier 2024, pour les décisions d'éloignement prises moins de trois ans auparavant. C'est donc une nouvelle disposition applicable au cas d'espèce permettant de placer en rétention le retenu aux fins d'exécution d'office de la mesure. »
En pièce jointe arrêt cour d'appel de Nîmes
Un débat juridique va snas doute avoir lieu, la CA de LYON semblant quantà elle adopter une position inverse : CA de LYON 10 mars 2024 n° 24/02017
Par ailleurs, précisons que le seuil d'un an (validité d'une OQTF) avait été introduit en 2003 par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 pour sécuriser juridiquement les décisions d'éloignement, tirant les conséquences de la jurisprudence du Conseil d'Etat. Le CE considérait en effet que l'exécution d'office d'une décision d'éloignement au terme d'une "durée anormalement longue" doit être regardée comme fondée, non sur la décision initiale, même si elle est devenue définitive, mais sur une "nouvelle décision implicite révélée par la mise en oeuvre de l'exécution d'office elle-même et qui doit être regardé comme s'étant substitué à l'arrêté initial" (CE, 14 mai 2003, M. Abdelkader X., n° 256808). Or, si dans ce laps de temps des circonstances de droit ou de fait venaient à modifier la situation de l'étranger après la date de notification de la décision, comme sa vie privée et familiale, le juge annulait alors la décision d'éloignement de l'administration et libérait l'étranger placé en rétention. C'est parce que la notion de « durée anormalement longue » était présentée comme une source d'incertitude (la jurisprudence considérait ce délai anormal parfois pour deux ans, parfois pour un an, que le législateur avait introduit une durée de 1 an pour l'exécution d'office. C'est cette durée qui est passée à 3 depuis le 28 janvier dernier.