Par un arrêt du 24 avril 2024 (n° 23-16266), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que le ministère public peut se contenter d’un simple visa du dossier de soins sans consentement ou de l’indication qu’il s’en rapporte, et que de telles mentions n’ont pas à être communiquées aux parties ou mises à leur disposition avant l’audience.

Dans cette affaire, la patiente avait été admise, le 6 juillet 2020, en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du préfet, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.

Ayant saisi le juge des libertés et de la détention d’une requête aux fins de mainlevée de la mesure le 21 octobre 2022 sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code, elle s’est pourvue en cassation contre l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Versailles du 5 décembre 2022 ayant maintenu la mesure de soins psychiatriques sans consentement, en lui faisant grief :

  • « qu'en matière d'hospitalisation sous contrainte, l'affaire doit être instruite et jugée après avis du ministère public, lequel ne peut se borner à un simple visa de la procédure ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le procureur général représenté par (une) avocate générale, a visé cette procédure par écrit le 2 décembre 2022 ; qu'en maintenant la mesure de soins psychiatriques de Mme [L] sous la forme d'un programme de soins, sans que le ministère public ait fait connaître son avis sur le maintien de la mesure, le délégué du Premier Président a violé les articles R. 3211-15 et R. 3211-21 du code de la santé publique, ensemble les articles 425, 809 et 811 du code de procédure civile » ;
  • « en toute hypothèse, qu'il doit résulter de la décision que l'avis du ministère public a été mis à la disposition des parties afin de leur permettre d'y répondre en temps utile ; qu'en l'espèce, en maintenant la mesure de soins psychiatriques à l'encontre de Mme [L], sous la forme d'un programme de soins, sans constater que le visa écrit du ministère public en date du 2 décembre 2022 (vendredi) lui avait été notifié ou mis à la disposition afin qu'elle soit en mesure d'y répondre avant l'audience du 5 décembre 2022 (lundi), le délégué du premier Président a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ».

La Cour de cassation a écarté cet argumentaire au visa des articles R. 3211-15 (cinquième alinéa : « Lorsqu'il n'est pas partie principale, le ministère public fait connaître son avis dans les conditions définies par le deuxième alinéa de l'article 431 du code de procédure civile », concernant la procédure devant le juge de libertés et de la détention, en première instance) et R. 3211-21 (second alinéa : « Lorsqu'il n'est pas partie principale, le ministère public fait connaître son avis dans les conditions définies par le deuxième alinéa de l'article 431 du code de procédure civile », concernant la procédure devant le premier président de la cour d’appel) du code de la santé publique, et 431 du code de procédure civile (second alinéa : « Dans tous les autres cas, il peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience »).

Pour elle, si « selon ce texte, le ministère public peut adresser à la juridiction des conclusions écrites mises à la disposition des parties ou donner son avis oralement à l'audience », lorsqu’il « n'a pas d'observations à faire valoir, il peut se borner à apposer son visa sur le dossier ou indiquer qu'il s'en rapporte ».

Ajoutant que « de telles mentions, sans influence sur la solution du litige, ne peuvent être assimilées à des conclusions écrites au sens de l'article 431 du code de procédure civile et n'ont pas à être communiquées aux parties ou mises à leur disposition avant l'audience », elle a rejeté le pourvoi de la requérante, dès lors que le premier président s'était prononcé sur le maintien de la mesure de soins psychiatriques sans consentement après avoir constaté que le ministère public avait apposé son visa sur le dossier de l'affaire qui lui avait été communiqué.