Par un arrêt du 20 septembre 2018 la CJUE a été amenée à s’interroger sur le caractère clair et compréhensible d’une clause relative au risque de change insérée dans un contrat de prêt en francs suisses.

Des emprunteurs hongrois ont contracté auprès d’une banque hongroise un prêt en francs suisses déblocable et remboursable en forints hongrois.

Le contrat de prêt comprenait une clause mentionnant qu’il existait un écart entre le taux de change applicable au déblocage du prêt et celui qui sera applicable au remboursement de celui-ci.

Le contrat prévoit également une déclaration de prise de connaissance du risque de fluctuation du taux de change.

Les emprunteurs saisissent la cour de Budapest d’un recours en annulation du contrat de prêt au motif qu’ils n’ont pas pu apprécier l’ampleur du risque de change, la clause contractuelle concernée n’ayant pas été rédigée en des termes clairs et compréhensibles.

La banque relève l’application du droit hongrois et de la loi DH1 prévoyant que sont nulles les clauses des contrats de prêt conclus avec des consommateurs relatives à l’écart du taux de change, qui n’ont pas été négociées individuellement. Selon cette loi une telle clause doit être remplacée avec effet rétroactif par une stipulation prévoyant l’application du taux de change officiel de la devise concernée, calculé par la banque nationale de Hongrie.

La juridiction de renvoi relève qu’en cas d’application de cette loi, le risque de fluctuation du taux de change serait toujours supporté par l’emprunteur.

Une telle substitution de clauses contractuelles par des dispositions prévues par la loi nationale pourrait avoir comme résultat que ces clauses ne relèveraient plus de la directive 93/13 .

Si cette clause entrait dans le champ d’application de la directive, la juridiction de renvoi serait en mesure d’en apprécier le caractère clair et compréhensible.

La Cour énonce que la notion de clause n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle doit être interprétée comme visant notamment une clause contractuelle modifiée par une disposition législative nationale impérative, adoptée après la conclusion d’un contrat avec un consommateur, visant à suppléer une clause entachée de nullité contenue dans ledit contrat.

Ainsi la clause litigieuse entre dans le champ d’application de la directive 93/13 en tant que clause n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle.

La cour énonce que l’article 3 de la directive 93/13 prévoit qu’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

Cet article offre par ailleurs, une définition de clause n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, il s’agirait d’une clause rédigée préalablement et que le consommateur n’a de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu.

La Cour énonce que l’’exigence du caractère claire et compréhensible d’une clause oblige les établissements financiers à fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause.

Ainsi cette exigence implique qu’une clause relative au risque de change soit comprise par le consommateur à la fois sur les plans formel et grammatical mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la  devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières.

 La Cour précise que le caractère claire et compréhensible d’une clause contractuelle doit être apprécier en se référant au moment de la conclusion du contrat à toutes les circonstances qui entouraient celle-ci, y compris celles ayant été annulées postérieurement.

Enfin, la CJUE énonce qu’il appartient au juge national de relever d’office, en lieu et place du consommateur le caractère abusif d’une clause contractuelle.