La vérification de comptabilité permet à l’administration fiscale de s'assurer, sur place, de la régularité du caractère probant des écritures comptables. L’article L 13 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) dispose que les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le législateur, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables.

Il n’existe pas de textes législatifs concernant la sélection des entreprises à vérifier. Chaque service de vérification propose, chaque année au directeur départemental des finances publiques, certains contribuables à vérifier, au regard notamment de leur dossier. Toujours est-il qu’avant d’entreprendre un contrôle, le vérificateur qui est amené à effectuer ce contrôle consulte le dossier fiscal de l’entreprise et éventuellement, le dossier individuel des dirigeants, ce qui lui permet de mieux connaître l’entreprise vérifiée et ses dirigeants. En réalité, l’examen du dossier permet au vérificateur de savoir les points sur lesquels portera son attention.

D’autres facteurs peuvent être à l’origine d’une vérification de comptabilité. C’est le cas par exemple des incohérences dans les déclarations fiscales, le dépôt tardif habituel des déclarations, ou tout simplement l’absence de déclaration. Il peut s’agir aussi de directives pour contrôler tel ou tel secteur d’activité, tels que le bâtiment, la sécurité, la restauration, l’informatique, le transport etc. Les demandes de remboursement d’impôts (crédit TVA ou crédit d’impôt recherche) constituent aussi des facteurs de déclanchement de vérification. Des entreprises font également l’objet de vérification quand elles ont des liens étroits avec d’autres sociétés (sous-traitants, clients, fournisseurs, concurrents etc.) qui sont contrôlées ou qui font l’objet de contrôle. Quoique le chiffre d’affaires de l’entreprise ne constitue pas un facteur pouvant déclencher une vérification, leur modestie systématique chaque année peut amener le fisc à envisager une vérification de comptabilité. Certaines entreprises sont aussi contrôlées à la suite d’un contrôle URSSAF qui a révélé des anomalies. Pour des raisons d’équité, le fisc peut décider également de contrôler une entreprise, tout simplement, parce qu’elle n’a pas été contrôlée depuis des années. Il faut noter que les grandes entreprises sont contrôlées plus régulièrement. Au total, l’administration fiscale procède à environ 47 000 vérifications de comptabilité, chaque année. La grande majorité des contrôles sont conduits par un seul vérificateur, mais le contrôle des grandes entreprises est souvent conduit par plusieurs agents, dont certains experts appelés à intervenir sur tel ou tel point particulièrement technique.

1. L'avis de vérification

La vérification de comptabilité commence par l’envoi d’un avis de vérification n°3927. En effet, aux termes de l’article L 47 du LPF, une vérification de comptabilité  ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité ; cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ; l'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site Internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande.

Une vérification non précédée d’un avis de vérification est irrégulière, même si le contribuable est assisté de son comptable (CE 04 juin 1982).

Il a été jugé que lorsqu’une vérification de comptabilité et un examen de la situation fiscale personnelle sont mis en œuvre concomitamment, le vérificateur doit adresser au contribuable un avis pour chaque vérification, à défaut, la vérification entreprise sans avis est irrégulière.

L'administration est donc tenue d’avertir le contribuable en temps utile. Ce temps utile, selon le Conseil d'Etat, est d'au moins deux jours entre la date de réception de l'avis de vérification et celle à laquelle commence effectivement le contrôle ; les samedis, dimanches et jours fériés ne devant pas être retenus dans le décompte du délai (CE 2 octobre 2002 n° 228436).

En pratique, cet avis est envoyé par le vérificateur 15 jours, voire un mois, avant le début des opérations. Toutefois, dans le cadre des vérifications de comptabilité, des interventions inopinées sont possibles.  

Conformément à cette disposition, l’avis de vérification doit donc préciser, sous peine de nullité de la procédure, les années soumises à vérification, le contrôle portant sur les années ou les exercices non prescrits et pour lesquels les déclarations de résultats et de TVA ont été déposées. Ainsi, par exemple, pour un avis de vérification reçu au mois de mars 2018, par une entreprise qui clôture ses comptes au 31 décembre, la vérification de comptabilité ne peut concerner que les exercices clos au 31 décembre 2015 et au 31 décembre 2016. Mais si l’avis est reçu à partir du mois de juin 2018, l’administration pourra contrôler aussi l’exercice clos au 31 décembre 2017.

Il a été jugé qu’une vérification de comptabilité ne peut être régulièrement engagée au titre d'une année pour laquelle le délai de déclaration n'est pas encore expiré (CE 8 avril 1998 n° 157508), mais l’envoi d’un avis de vérification avant l’expiration du délai légal de déclaration n’est pas irrégulier si celui-ci parvient à son destinataire après cette date (CE 11 février 2013).

Une exception à cette règle est toutefois prévue pour les redevables de la TVA relevant du régime simplifié d'imposition. C’est ainsi que pour ces redevables, l'administration peut contrôler les opérations réalisées ou facturées dès le début du deuxième mois suivant leur réalisation ou leur facturation, et ce, indépendamment de toute échéance déclarative (LPF art. L 16 D).

De même, sous peine de nullité de la procédure, l’avis doit mentionner expressément que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix au cours du contrôle. En général, il s’agit de l’expert-comptable de la société ou d’un avocat fiscaliste, sachant qu’aucune disposition ne s’oppose à ce que le contribuable se fasse assister par n’importe quelle personne de son choix, et ce conseil, sauf s’il est avocat, doit présenter un mandant du contribuable l’autorisant à le représenter, à moins qu’il agisse en sa présence. L’administration peut même accepter, si l’importance de l’entreprise le justifie, que le contribuable soit assisté de deux conseils (BOI-CF-PGR-20-20, n°20).

En revanche, il a été jugé qu’aucune disposition n’oblige l’administration à mentionner sur l’avis de vérification quels sont les impôts sur lesquels porte la vérification (CE 11 décembre 1987).

L’avis fixe la date du premier rendez-vous, c’est-à-dire la date à laquelle le vérificateur va se rendre pour la première fois dans les locaux de l’entreprise.

Le contribuable a la possibilité de solliciter un report de la date de la première intervention. Cette demande est formulée par courrier ou par mail. D'ailleurs, ce premier rendez-vous est consacré souvent à la visite des locaux de l’entreprise et à un simple examen formel des documents comptables.

 L’avis invite l’entreprise à tenir à la disposition du vérificateur les documents comptables. En cas de tenue d’une comptabilité au moyen de systèmes informatisés, le contribuable doit présenter ses documents comptables en remettant à l'administration une copie des fichiers des écritures comptables sous forme dématérialisée, au début des opérations de contrôle.

En substance, l’avis envoyé par le vérificateur sera par exemple ainsi rédigé : « L'examen de vos déclarations s'inscrit dans le cadre normal du système déclaratif. L'administration a pour mission de s'assurer de la régularité de celles-ci qui sont présumées exactes et sincères…Dans ce cadre, conformément aux dispositions des articles L. 13 et L. 47, et le cas échéant L.16D, du livre des procédures fiscales et afin de procéder à la vérification de l'ensemble de vos déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées et portant sur la période du 01/01/2015 au 31/12/2017, je me présenterai à votre siège social le 15 mai 2018 à 10 heures. En cas d'empêchement, je vous remercie de m'en informer très rapidement. Je vous prie de bien vouloir tenir à ma disposition vos documents comptables et pièces justificatives. Si votre comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, vous devez me remettre dès la première intervention les documents comptables sous la forme d'une copie des fichiers des écritures comptables conformes aux dispositions de l'article A. 47 A-1 du LPF. La copie des fichiers sera détruite à la fin des opérations de contrôle. Je vous prie également de bien vouloir tenir à ma disposition l'ensemble des informations, données, traitements et documentation visés au IV de l'article L. 13 du Livre des procédures fiscales. Au cours de ce contrôle, vous avez la faculté de vous faire assister par un conseil de votre choix. Vous vous exposez à des sanctions fiscales et pénales si vous-même ou des tiers mettez le vérificateur dans l'incapacité d'accomplir sa mission dans des conditions normales. De plus, toute agression physique ou verbale envers les agents des finances publiques est passible de poursuites judiciaires (art.433-3 et 222-8 du code pénal). Je me tiens à votre disposition pour vous fournir tous autres renseignements ou précisions ».

Il faut observer que l’avis n’est plus accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, mais il informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site Internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande. Ce document résume les principales règles applicables en matière de contrôle fiscal et les dispositions qui y sont contenues sont d’ailleurs opposables à l'administration fiscale.

Le juge n’hésite pas à accorder la décharge de l’imposition s’il est établi que la vérification de comptabilité a commencé, en réalité avant sa notification formelle. C’est le cas par exemple lorsque le vérificateur a engagé un débat contradictoire avec le contribuable, lors d’une rencontre dans les locaux de l’administration avant même l’envoi de l’avis de vérification.

Conformément à l’alinéa 4 de l’article 47 du LPF, l’administration fiscale peut également débuter sa vérification par un contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation (inventaire réel du stock, par exemple) ou de l'existence et de l'état des documents comptables, et dans ce cas, l'avis de vérification de comptabilité est  remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles, l'examen au fond des documents comptables ne pouvant commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. Ainsi le contrôle inopiné est irrégulier s’il ne se borne pas à faire de simples constatations matérielles (CE Ass. 22 mai 1989 n° 68832).

2. La phase d’investigation

La vérification a lieu la plupart du temps au siège de l'entreprise. Mais le dirigeant et le vérificateur peuvent convenir que la vérification se déroule entièrement au lieu où se trouvent les documents comptables, en général dans les locaux de l’expert-comptable.

Aux termes de l’article L 47 A du LPF, lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée, une copie des fichiers des écritures comptables.

Pendant cette phase d’investigation, le vérificateur dispose d’importants pouvoirs. L’entreprise doit présenter au vérificateur tous les documents comptables que la loi lui prescrit de tenir pour justifier ses déclarations.

L’emport par le vérificateur de documents comptables ou de pièces justificatives est théoriquement proscrit. Cependant sur demande écrite du contribuable, le vérificateur peur procéder à un emport.

Les agents de l'administration peuvent, sans que le contribuable puisse s'y opposer, prendre copie des documents dont ils ont connaissance lors de la vérification de comptabilité (article L 13 F LPF).

L’entreprise peut être taxée d'office pour opposition au contrôle fiscal, lorsqu'elle refuse par exemple de transmettre des documents comptables.

La question est plus délicate en ce qui concerne les documents de professionnels tenus au secret professionnel. Ainsi, s’il est admis que le vérificateur puisse demander toute information relative au montant et à la forme du versement des recettes perçues par les contribuables tenus au secret professionnel, celui-ci ne peut, ne doit solliciter aucun renseignement sur les prestations fournies en contrepartie de ces recettes, conformément à l’article L 13-0 A du LPF qui dispose que « les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes. » S’il est établi qu’il y a révélation d'une information couverte par le secret professionnel, cela vicie la procédure et entraîne la décharge de l'imposition (CE 24 juin 2015 n° 367288).

3. Les points de contrôle

En principe, la vérification de comptabilité peut conduire le vérificateur à couvrir l’ensemble des impôts dus par l’entreprise sur toute la période non prescrite, en contrôlant toutes les pièces (livres et documents comptables, inventaires, recettes et dépense, comptes consolidés et comptabilité analytique, le cas échéant). Mais en réalité il est impossible au vérificateur de contrôler l’ensemble des documents comptables et pièces justificatives. Il procède en général au contrôle de quelques points sensibles, et selon le secteur d’activité de l’entreprise, les pratiques à risque varient énormément.

4. L’acte anormal de gestion

Les charges acceptées en déduction du résultat doivent se rattacher à une gestion normale de l’entreprise, ce qui exclut la déduction des dépenses liées à des actes anormaux de gestion et des sanctions pécuniaires, conformément aux articles 38 et 39-2 du Code Général des Impôts (CGI).

De même, les charges doivent être exposées dans l’intérêt direct de l’exploitation ce qui exclut les dépenses personnelles et les dépenses somptuaires art. 39-4 du CGI.

L’acte anormal de gestion est celui qui met une dépense ou une perte à la charge de l'entreprise ou qui la prive d'une recette sans être justifié par les intérêts de l'exploitation. C’est une construction jurisprudentielle qui déroge au principe de la liberté de gestion.

Ainsi, si en principe, le dirigeant d’une entreprise doit pouvoir juger de l'opportunité de sa gestion, sans que le vérificateur puisse critiquer son choix (par exemple décider de financer un investissement par l'emprunt plutôt que sur ses fonds propres), cela n’empêche pas l’administration fiscale de faire référence à la notion d'acte anormal de gestion et de procéder à la rectification de certaines opérations. C’est le cas par exemple des sommes facturées à l'entreprise pour des prestations fictives (CE 2 mars 1988 n° 45625), de prise en charge de frais incombant à des entreprises tierces sans aucune contrepartie (CE 18 novembre1985 n° 51321), ou encore des dépenses dont le montant est excessif. Le fait qu’une société prenne en charge les frais d’entretien des pièces utilisées personnellement par son principal actionnaire est qualifié d’acte anormal de gestion (CE 4 décembre 1981). Sont qualifiés d’actes anormaux de gestion, des travaux effectués par l’entreprise dans des locaux appartenant à son dirigeant, dès lors que ces travaux ne sont pas utiles ou affectés à l’exploitation (CE 24 juin 1987). Il y a acte anormal de gestion lorsque des rémunérations sont versées à un salarié attaché au service personnel du dirigeant de l’entreprise (CE 27 octobre 1986). Le fait de renoncer à obtenir une contrepartie lors de la signature d’une concession de licence de marque (CE 26 septembre 2011), ainsi que l’acquisition par une société d’un brevet, dont l’inventeur est son propre PDG, alors que la société n’est pas en position d’exploiter le brevet du fait de son objet social et de ses difficultés financières (CE 17 octobre 2003), constituent des actes anormaux de gestion. Un surprix payé sans justification à un fournisseur étranger constitue un a acte anormal de gestion (CE 25 mars 1983).

Il faut noter que lorsque l'administration invoque le caractère anormal d'un acte de gestion, c’est à elle d’apporter la preuve que cet acte n'a pas été accompli dans l'intérêt de l’entreprise.

On peut remarquer l’abandon de la théorie du risque manifestement excessif dans l’appréciation de l’acte anormal de gestion.

C’est ainsi que conformément à la position du Conseil d’Etat sur l’abandon de la théorie du risque manifestement excessif, (CE 13 juillet 2016 no 375801, Monte Paschi Banque), la cour administrative d’appel de Versailles a censuré la position de l’administration, en jugeant que  lorsqu’une entreprise, à l’occasion d’une opération entrant dans le cadre de son objet social, est victime d’une escroquerie causée par les agissements d’un tiers, l’administration n’est pas fondée à refuser la déduction de la perte correspondante, il importe peu que les dirigeants aient exposé leur entreprise à un risque élevé de perte par leur carence manifeste. En effet il n’y a pas d’acte anormal de gestion dès lors que l’opération n’est pas exclue de l’objet social de l’entreprise et qu’elle a été réalisée dans l’intérêt de l’entreprise, bien que le dirigeant ait procédé au paiement total de marchandises avant leur livraison effective sans vérifier au préalable les documents fournis par le vendeur, qui se sont, par la suite, révélés être des faux. (CAA Versailles 7 février 2017 no 15VE03890).

5. L’abus de droit

Aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, (on parle d’abus de droit par simulation, simulation par acte fictif, par acte déguisé ou par interposition de personne), soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (on parle alors  d’abus de droit par fraude à la loi).

En matière fiscale, il existe, bien sûr, une liberté des choix, autorisant le contribuable à opter pour la solution qui lui est fiscalement la plus favorable, et selon le Conseil d’Etat, un acte de droit privé opposable aux tiers est, en principe, opposable dans les mêmes conditions à l’administration fiscale, tant qu’il n’a pas été déclaré nul par le juge judiciaire.

Mais lorsque les actes ou contrats sont passés dans le seul but de contourner la loi fiscale et de faire bénéficier le contribuable d’un avantage fiscal indu, la situation est qualifiée d’abus de droit. Cependant l’administration est en droit également de retenir l’abus de droit alors même que le contribuable évoque un avantage autre que fiscal, dès lors que cet avantage autre que fiscal est négligeable et est sans aucune mesure avec l’économie fiscale réalisée. La procédure d’abus de droit vise à dissuader des montages juridiques qui, bien qu’étant conformes à la loi, ont pour unique objet d’éluder l’impôt.

Il a été jugé par exemple que le montage consistant pour un père à faire précéder la cession de ses titres d’une donation à ses enfants mineurs afin de neutraliser la taxation de la plus-value, n’est pas opposable à l’administration en l’absence de dépouillement immédiat et irrévocable ; le contribuable ayant donné à sa fille âgée de deux ans des titres d’une société qui ont été cédés quelques jours plus tard à un tiers, le prix de la cession étant versé le mois suivant sur un compte ouvert au nom de l’enfant, compte auquel, en sa qualité de représentant légal, le contribuable avait librement accès. Il a d’ailleurs appréhendé dans les mois qui ont suivi plus de 82 % de cette somme en la portant au crédit de plusieurs comptes rémunérés, ouverts conjointement à son nom et à celui de son épouse. Des documents intitulés « contrats de prêt », signés par le contribuable et son épouse par lesquels ils s’engageaient à rembourser à leur fille les sommes qu’ils avaient inscrites sur leurs comptes, n’avaient pas été enregistrés. L’administration a remis en cause la donation faite par le contribuable à sa fille au motif qu’il s’agissait d’une donation fictive, constitutive d’un abus de droit, en regardant la cession de ces titres par sa fille à une autre société, comme ayant été, en réalité, effectuée par le contribuable lui-même. La plus-value correspondante a été soumise à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales (CE 5 février 2018 n° 409718).

Les exemples d’abus de droit sont nombreux et se retrouvent essentiellement dans des opérations telles que la donation-cession d’immeuble, la donation-cession de titres de sociétés, la consolidation sauvage des résultats dans les groupes de sociétés, la fusion à l’envers ou encore l’option pour l’IS juste avant une opération de fusion.

Il a été jugé qu’un bail par lequel le propriétaire donne en location un immeuble, alors qu’il en garde, en réalité, la jouissance dans le but de déduire la totalité des charges de l’immeuble, est un acte fictif relevant de l’abus de droit (CE 15 janvier 1982). La location gérance d’un garage qui dissimule une cession de fonds de commerce est constitutive d’un abus de droit (CE 18 juin 1986), de même que la transformation d’une société civile immobilière en société anonyme pour permettre à l’associé principal d’échapper à l’impôt sur revenu (CE 3 novembre 1986). En revanche, la cession par le gérant majoritaire d’une SARL, d’une partie de ses parts sociales à un membre de sa famille en vue d’obtenir le statut de gérant minoritaire et avoir la qualité de salarié, ne constitue pas un abus de droit (CE 15 novembre 1989).

L’acquisition de société sans activités par une autre société dans le but d’obtenir l’exonération des dividendes sur le fondement du régime des sociétés mère-fille et déduire des provisions pour dépréciation des titres, est constitutive d’abus de droit (CE 23 juin 2014).

L’abus de droit, ce « péché des surdoués de la fiscalité », (Maurice COZIAN, Précis de fiscalité des entreprises, LexisNexis), est sanctionné d’une majoration égale à 80 % des droits mis à la charge du contribuable lorsqu’il est établi que celui-ci a eu l’initiative principale des actes abusifs ou en a été le principal bénéficiaire, et à 40 % lorsque cette preuve n’est pas apportée.

La charge de la preuve, en ce qui concerne les pénalités pouvant être infligées en cas d'abus de droit, incombe à l'administration. Il appartient ainsi à l'administration d'établir le bien-fondé des pénalités en cas d'abus de droit.

Il a été jugé que  lorsque les éléments invoqués par l'administration permettent de regarder comme établie l'existence d'un abus de droit, mais ne permettent pas de justifier l'application de la majoration pour abus de droit au taux de 80 %, il appartient au juge, alors même qu'il n'aurait pas été saisi d'une demande en ce sens, d'appliquer la majoration pour abus de droit au taux de 40 % et de substituer ce taux à l'autre en ne prononçant, en conséquence, que la décharge partielle de la pénalité contestée. Lorsque l’administration prouve l’abus de droit mais ne justifie pas de l’application de la majoration de 80 %, le juge applique donc d’office le taux de 40 % (CE 19 mars 2018 n° 399862).

Il faut remarquer que l’administration peut toujours écarter un acte juridique sans nécessairement se placer sur le terrain de l’abus de droit. C’est ainsi que l’administration a pu requalifier la nature d’une activité exercée par un contribuable sans se placer sur le terrain de l’abus de droit lorsque celui-ci, se prétendant salarié et produisant des fiches de paie de ses employeurs, exerce en réalité, l’activité d’agent d’affaires, passible de la TVA (CE Ass. Plén. 21 juillet 1989).

Cependant l’abus de droit ne peut être retenu, lorsque préalablement à la conclusion de l’acte, le contribuable a fait une procédure de rescrit en demandant son avis à l’administration qui n’a pas répondu dans un délai de six mois.

6. Les provisions

L’article 39-1-5° du CGI précise que les provisions sont déductibles lorsqu’elles sont constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice.

De façon générale, et sans aborder les cas particuliers, la déduction des provisions est ainsi subordonnée au respect de quatre conditions. La provision doit être destinée à faire face à une perte ou à une charge déductible, la perte ou la charge doit être nettement précisée, la perte ou la charge doit être probable, et cette probabilité de la perte ou de la charge doit résulter d'événements en cours.

Les provisions ne respectant pas ces conditions cumulatives sont réintégrer au résultat.

7. Le transferts indirects de bénéfices à l'étranger

L'article 57 du CGI a pour objet d'empêcher le transfert à l'étranger de bénéfices sur lesquels l’entreprise devrait normalement payer l’impôt en France. Les bénéfices irrégulièrement transférés à l’étranger sont ainsi rapportés aux résultats de l'entreprise. Il y a une présomption de transfert indirect lorsque l'administration établit, d'une part, l'existence de liens de dépendance de droit ou de fait entre l'entreprise française et des entreprises étrangères et, d'autre part, l'octroi d'avantages anormaux consenti à ces entreprises sous forme de majorations ou de minorations de prix, ou de tout moyen de transfert analogue.

Cependant, l’entreprise peut toujours échapper à la rectification en apportant la preuve que les avantages ont été justifiés par l'obtention de contreparties au moins équivalentes.

Le Conseil d’Etat a jugé que c’est à l’administration d’établir que les prix payés par la société française étaient supérieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d’autres clients dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s’explique par la situation différente de ces clients.

Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 57 du CGI, lorsqu’elle constate que les prix payés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont supérieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d’autres clients dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s’explique par la situation différente de ces clients, l’administration doit être regardée comme établissant l’existence d’un avantage qu’elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l’entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes. A défaut d’avoir procédé à de telles comparaisons, l’administration n’est, en revanche, pas fondée à invoquer une présomption de transfert de bénéfices, mais doit établir l’existence d’un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu (CE 29 novembre 2017, n°399349).

8. Les bénéfices provenant de sociétés établies dans un pays à régime fiscal privilégié

Aux termes de l’article 209 B du CGI, lorsqu'une personne morale établie en France et passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique établie ou constituée hors de France et que cette entreprise ou entité juridique est soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou revenus positifs de cette entreprise ou entité juridique sont imposables à l'impôt sur les sociétés. Cet article a ainsi pour objectif de dissuader les entreprises françaises de localiser leurs bénéfices dans des paradis fiscaux.

Par exception, l'article 209 B n'est pas applicable aux résultats des implantations réalisées dans un Etat de l'Union européenne, si l'exploitation de l'entreprise ou la détention des titres ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel ayant pour but de contourner la législation fiscale française.

Il s’agit ici de lutter contre des montages qui consistent à créer des sociétés offshores dans des paradis fiscaux, ou encore des montages plus complexes des sociétés telles que les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), comme le sandwich hollandais ou Dutch sandwich (installation d’une holding aux Pays-Bas qui  facture à la filiale en France des services de droits de propriété intellectuelle, la maison mère augmentant le prix de ces services pour que la filiale ait un bénéfice le plus faible possible, malgré un chiffre d’affaires important, le bénéfice remontant en réalité à la maison mère aux Pays Bas, les Pays-Bas, particulièrement reconnue pour la légèreté de leur fiscalité,  bénéfices qui au final sont expédiés dans une autre holding située dans un autre Etat, comme les Antilles Néerlandaises, avec lequel les Pays-Bas ont un accord défiscalisation), ou le  Double Irish and the Dutch sandwich (création d’une première filiale en Irlande, qui détient les droits intellectuels et qui est détenue par une autre société mère implantée dans un Etat tel que les Bermudes ou les Iles Caïmans, et d’une autre seconde filiale aux Pays-Bas, en Suisse ou au Luxembourg, ayant pour objet de gérer l’activité de la marque et récolter l’ensemble du chiffre d’affaires, qu’elle  transfère via la seconde filiale à la première société irlandaise au titre de règlement de royalties, des fonds qui sont transférés, par la suite, aux Bermudes ou aux Iles Caïmans, où est implantée la société mère).

Mais, dans la plupart des contrôles l’administration fiscale procède aux rectifications sur la base de dépenses personnelles ou d’actes anormaux de gestion, comme vu plus haut, ou encore bien souvent à des provisions ou amortissements ne respectant pas, selon elles, les règles fiscales.

Cependant, dans certains cas, le vérificateur peut aller jusqu’à rejeter purement et simplement la comptabilité de l’entreprise.

9. L’hypothèse de rejet de comptabilité

Dans certaines situations, l’administration fiscale peut estimer que la comptabilité de l’entreprise est dénuée de toute valeur probante au regard des graves irrégularités qu’elle comporte.

Le rejet de la comptabilité est possible, d’abord lorsque la comptabilité est irrégulière, c’est-à-dire lorsqu’elle comporte des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées, lorsqu’il y a absence de pièces justificatives, ou encore la non-présentation de la comptabilité, tout simplement.

Il a été jugé que le fait qu’une comptabilité comporte des omissions volontaires de recettes suffit en principe à établir son absence de valeur probante (CE 24 novembre 1986 n° 46012). L’omission de comptabilisation des recettes, pour une partie de la période vérifiée, affecte ainsi la valeur probante de la comptabilité, pour toute la période (CE 7 juillet 1982). Est également dépourvue de valeur probante, une comptabilité commune à deux entreprises différentes, même si elles sont installées dans les mêmes locaux (CE 3 décembre 1982). La valeur probante fait aussi défaut en l’absence de documents comptables, alors même qu’il est établi qu’ils ont été détournés par le comptable (CE 2 juin 1982). Il en est de même lorsque la comptabilité a été détruite par un incendie (CE 26 juillet 1982), ou encore lorsque les documents ont été volés (CE 27 février 1984). Cependant l’omission de dépenses faites sans factures, et d’un faible montant pendant une période limitée ne prive pas la comptabilité de valeur probante (CE 27 octobre 1982).

Le rejet de comptabilité est possible également lorsque, la comptabilité est apparemment régulière, mais que le vérificateur a des raisons sérieuses d'en contester la sincérité. C’est le cas d’une boîte de nuit ou d’une boulangerie qui soutiendraient qu’elles n’encaissent jamais d’espèce.

En cas de rejet de la comptabilité, le vérificateur détermine les bases d'imposition à l'aide de tous les éléments dont il dispose et il a la liberté de choix de la méthode. La méthode employée est très variable, selon la nature de l’activité de l’entreprise et des indices et éléments dont dispose le vérificateur. Dans certains cas, le vérificateur ne dispose d’aucune information interne à l’entreprise et il doit donc faire avec les moyens de bord. Le fait qu’une comptabilité soit dépourvue de valeur probante ne fait pas obstacle à ce que l’administration utilise des éléments tirés de cette même comptabilité pour reconstituer le chiffre d’affaires.

Les principales méthodes utilisées par l’administration sont celles de l’extrapolation et celle de l’enrichissement.

« L’extrapolation consiste à généraliser ou à interpréter des résultats déjà obtenus, dans un domaine où le manque de données n’a pas permis l’analyse » (Thierry LAMBERT, Procédures Fiscales, LGDJ). Cette méthode permet ainsi au vérificateur de dégager un pourcentage de dissimulation et à le généraliser.

La méthode de l’enrichissement, quant à elle, repose sur la présomption selon laquelle il ne peut y avoir d’enrichissement sans gain. Le vérificateur va donc aller voir la caisse privée du contribuable. Dans tous les cas, l’administration a la liberté du choix de la méthode pour reconstituer la comptabilité.

Il a été admis la reconstitution du chiffre d’affaires d’un salon de coiffure pour dames en évaluant le nombre de clientes ayant fréquenté le salon pendant les années soumises à vérification grâce au rapport entre la consommation annuelle d’électricité des séchoirs à cheveux équipant le salon et la consommation correspondant au temps moyen de séchage par cliente (CE 25 juillet 1986 n°50497).

De même le vérificateur peut, par exemple, reconstituer les recettes d’une boulangerie par utilisation de la méthode du rendement par quintal de farine, c’est-à-dire mesurer pour une période d’une semaine, par exemple, la quantité de farine utilisée et les marchandises vendues.

Cependant le juge n’accepte de telles reconstitution que lorsque la méthode retenue par le vérificateur n’est ni exagérément sommaire ni radicalement viciée, et que par ailleurs, le contribuable n’a pas proposé une méthode d’évaluation plus convaincante (CE 29 octobre 2003).

En ce qui concerne les restaurants, dès lors que l’administration dispose d’une part d’une comptabilité fiable des achats d’alcool et d’autre part d’une quantité suffisante d’additions établies, permettant d’apprécier la consommation moyenne de vin par client, elle procède souvent à la reconstitution, en se fondant sur la quantité de vins vendue sur une période donnée (CE 27 mars 2000).

 Cependant une reconstitution faite sur les seuls achats de fromage est jugée sommaire (CE 24 novembre 1986). De même, une méthode de reconstitution du chiffre d’affaires d’un établissement de restauration rapide, reposant sur le nombre de clients évalués à partir du nombre des serviettes en papier achetées, est radicalement viciée dans son principe (CAA Bordeaux 9 mars 1999).

De même, ont été jugés trop sommaires, une reconstitution effectuée à partir d’articles choisis simplement au hasard (CE 10 février 1993), une reconstitution des recettes d’une poissonnerie à l’aide d’un relevé des prix ne portant que sur une matinée ( CE 5 mars 1993), une reconstitution du chiffre d’affaires d’un bar-restaurant, sur toute la période vérifiée, à partir d’un fragment de bande enregistreuse, sans tenir compte du nombre des jours ouvrables, ni des variations saisonnières, ni des modifications de conditions d’exploitation au cours de la période (CE 7 mai 1986).

Lorsque le juge considère que la méthode de reconstitution de la comptabilité est radicalement viciée dans son principe, il procède systématiquement à la décharge des impositions (CE 24 juillet 1987 n°52778). Cependant, lorsque la méthode apparaît simplement excessivement sommaire, il apprécie au cas par cas.

L’administration dispose, comme on vient de le voir, de pouvoirs importants dans le cadre de son contrôle. Cependant la loi prévoit plusieurs garanties pour le contribuable vérifié.

10. Le débat oral et contradictoire

Le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité doit avoir la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. En l’absence de ce débat, la procédure est irrégulière (CE 2 mai 1990 n° 58215).

À l’issue de ses interventions, le vérificateur est tenu de présenter ses conclusions à l'occasion d'une réunion de synthèse. Lors de cette réunion, le vérificateur communique, en général, à la société, les points sur lesquels il entend opérer des rectifications.  

Si le contribuable soutient avoir été privé d'un débat avec le vérificateur, c’est à lui d’apporter la preuve. On présume que ce débat a eu lieu lorsque la vérification s'est déroulée soit dans les locaux de l'entreprise, soit à l'endroit où se trouve la comptabilité, notamment chez l’expert-comptable de la société.

11. Le non renouvellement de la vérification

Aux termes de l’article L 51 du LPF, lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période.

Donc il est interdit à l'administration fiscale de procéder à une nouvelle vérification pour la même période et le même impôt lorsqu'elle a déjà procédé à une vérification de comptabilité, pour une période et un impôt déterminé. En cas de violation de cette règle, la deuxième vérification est tout simplement irrégulière (CE 3 juin 1992 n° 68485).

Cependant, il convient d’observer que cette interdiction n'empêche pas le fisc de procéder successivement, pour une même période, à une vérification en matière d'impôt sur les sociétés puis en matière de TVA.

L’article L 51 du LPF prévoit cependant plusieurs exceptions à l'interdiction de renouveler une vérification. C’est le cas notamment lorsque la vérification a été limitée à des opérations déterminées (cas d’une vérification n'ayant porté que sur une partie de l'activité du redevable), en cas d'agissements frauduleux donnant lieu à des poursuites judiciaires, ou encore en cas de vérification des sociétés mères ayant opté pour le régime d'intégration fiscale.

12. La durée de la vérification

Aux termes de l’article L 52 du LPF, sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts.

La vérification est considérée comme ayant débuté à la date à laquelle le vérificateur a commencé son contrôle sur place, et elle est considérée comme achevée à la date de la dernière intervention sur place du vérificateur, et non à la date de la proposition de rectification consécutive au contrôle (CE 28 juillet 2004 n° 248542).

Ainsi, sauf cas particuliers, la vérification de comptabilité ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois pour les contribuables dont le montant annuel hors taxes du chiffre d'affaires ou des recettes brutes n'excède pas la limite d'admission au régime simplifié d'imposition. Pour 2017, les seuils sont  fixés à 789 000 € pour les entreprises industrielles ou commerciales dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures ou denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement ; à 238 000 € pour les autres entreprises industrielles ou commerciales (prestataires de services), ainsi que pour les personnes exerçant une activité non commerciale ; et à 352 000 € pour les entreprises agricoles. C’est ainsi qu’a été jugée irrégulière, une vérification de comptabilité qui s’est poursuivie dans les locaux de l’administration, après l’expiration du délai de trois mois, ce qui est attesté par une proposition de rectification qui fait référence à des documents remis en mains propres postérieurement au délai (CAA Lyon, 17 novembre 2011).

Par exception à ce principe, il faut savoir tout de même que le fisc a la faculté de ne pas respecter le délai de trois mois dans certains cas, notamment pour l'instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable, après l'achèvement des opérations de vérification, ou pour l'examen des mouvements des comptes bancaires utilisés à titre privé et professionnel, ou encore en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité.

En tous les cas, le Conseil d’Etat a jugé que la durée de la vérification peut excéder trois mois dès lors que le chiffre d'affaires d'un seul des exercices vérifiés dépasse la limite prévue (CE 7 mars 1990 n° 46361). Pour les autres entreprises, la loi n’impose pas de limite.

D’autres garanties du contribuable s’analysent comme des limites au pouvoir de rectification de l’administration.

13. Le délai de prescription

Le délai de prescription, c’est-à-dire le délai de reprise, est le délai pendant lequel l'administration peut contrôler un contribuable et lui notifier un rappel. Il constitue ainsi une limite dans le temps du droit de l'administration à procéder à des rectifications.

Aux termes de l’article L 169 du LPF, pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.

Ainsi, même si le délai de reprise de droit commun est de six ans, (puisque l’article L 186 du LPF dispose que lorsqu'il n'est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou plus long, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt), le délai de reprise pour l’IS et l’IR expire, en principe, à la fin de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. Pour ces impôts, le délai de reprise est de trois ans. L’administration ne peut donc, en principe, contrôler que les trois derniers exercices. Une vérification intervenue en 2018 portera, par exemple sur les exercices 2015, 2016 et 2017, et tout dépend de la date à laquelle l’avis de vérification est envoyé par l’administration.

Ainsi pour un avis de vérification reçu au mois de mars 2018, par une entreprise qui clôture ses comptes au 31 décembre, la vérification de comptabilité ne peut concerner que les exercices clos au 31 décembre 2015 et au 31 décembre 2016, soit sur les deux derniers exercices. En revanche, si l’avis est reçu à partir du mois de juin 2018, l’administration pourra contrôler aussi l’exercice clos au 31 décembre 2017, soit les trois derniers exercices.

Exceptionnellement, le délai de reprise pour l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux établis au titre des revenus de l'année 2018 est porté de trois à quatre ans.

L’alinéa 2 de l’article L 169 du LPF dispose que, par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte ou lorsqu'il est bénéficiaire de revenus distribués par une personne morale exerçant une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite.

Le délai de reprise, en cas d’exercice d’une activité illégale est donc de dix ans. Ce délai de dix ans s’applique également lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale au titre d'une année postérieure, ou encore lorsque les obligations déclaratives concernant les structures établies dans un pays à régime fiscal privilégié ou les comptes détenus à l'étranger n'ont pas été respectées.

En ce qui concerne la TVA, l’article L 167 du LPF dispose que le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, et par exception le droit de reprise s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale au titre d'une année postérieure ou lorsque le contribuable exerce une activité occulte.

Il faut remarque que lorsque l'exercice ne coïncide pas avec l'année civile, le délai de reprise a pour point de départ le début de la période sur laquelle s'exerce le droit de reprise pour l'impôt sur les bénéfices concernant le même contribuable et ce délai expire le 31 décembre de la troisième année suivant celle durant laquelle a été arrêté l'exercice de réalisation des opérations.

Par exemple, l'administration peut exercer son droit de reprise jusqu'au 31 décembre 2020, à l'égard des opérations réalisées depuis le 1er janvier 2017 (l’exercice coïncide ici avec l'année civile) ou depuis l'ouverture de l'exercice 2016-2017 (l’exercice est arrêté ici en cours d'année).

14. L’interruption, la prorogation et la neutralisation du délai

Le délai de reprise est interrompu si l’administration décide de lancer une procédure de rectification. Ainsi la notification d’un redressement interrompt le délai qui est entièrement reconstitué, c’est-à-dire à compter du 1er janvier qui suit la notification, l’administration dispose d’un nouveau délai pour procéder aux rectifications de même durée que le délai interrompu (CE 6 décembre 2006).

Par exemple, les résultats de l’exercice clos au 31 décembre 2015 peuvent donner lieu à une proposition de rectification jusqu’au 31 décembre 2018. Si cette proposition de rectification est notifiée au cours de l’année 2018, elle permet à l’administration d’établir un nouvel acte d’imposition jusqu’au 31 décembre 2021.

Il a été jugé que la prescription est interrompue dès lors que le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable avant l'expiration du délai de reprise. (CE 14 octobre 2015 n° 378503).

Il en va d’ailleurs de même lorsque le pli n'a pas pu être remis à l'intéressé lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il ne l'a retiré qu'après l'expiration du délai de reprise ou a négligé de le retirer.

De même, l’administration peut toujours reprendre une procédure , après avoir reconnu l’illégalité d’une première procédure, notamment suite à une réclamation du contribuable, dès lors qu’elle est dans son délai de reprise (CE 12 décembre 2008).

Le délai de prescription peut également faire l’objet de prorogation. C’est par exemple le cas où l’administration est conduite à saisir le juge pénal, après avoir découvert des agissements frauduleux d’un contribuable. Ainsi aux termes de l’article L 187 du LPF, lorsque l'administration, ayant découvert qu'un contribuable se livrait à des agissements frauduleux, a déposé une plainte contre lui, elle peut procéder à des contrôles et à des rehaussements au titre des deux années excédant le délai ordinaire de prescription. Cette prorogation de délai est applicable aux auteurs des agissements, à leurs complices et, le cas échéant, aux personnes pour le compte desquelles la fraude a été commise.

C’est aussi le cas en matière d’assistance administrative internationale lorsque l’administration est amenée à saisir, durant le délai initial de reprise, une autorité étrangère d’une demande d’information dans le cadre de l’assistance administrative internationale, auquel cas, l’administration peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé, conformément aux dispositions de l’article L 188 A du LPF.

Le délai de reprise peut aussi être neutralisé par la correction des erreurs comptables, à travers le mécanisme des corrections symétriques, avec sa limite qui est le principe de l’intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit.

En effet, aux termes de l’article 38 du CGI, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature, effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. Ce bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. Il en résulte que tout rehaussement affectant l'actif net de clôture a pour effet de majorer le bénéfice.

Pour éviter qu'un tel rehaussement ne dégage un bénéfice sans existence réelle, le juge impose à l'administration, lorsqu'elle rectifie au bilan de clôture une erreur génératrice d'une sous-estimation de l'actif net correspondant, à rectifier symétriquement le bilan d'ouverture de l'exercice, si la même erreur se retrouve dans ce bilan.

Par exemple si l’entreprise sous-évalue un bien d’actif acquis en cours d’année, elle sous-estimera à la fin de l’exercice l’accroissement de sa richesse et son imposition sera moindre. Si cette erreur est commise au cours d’un exercice non prescrit, sa correction ne pose pas de problème. En revanche lorsque l’erreur est commise lors d’un exercice prescrit, et est répercutée de bilan en bilan, des difficultés peuvent apparaitre, d’autant que le bilan d’ouverture d’un exercice doit correspondre au bilan de clôture de l’exercice précédent. Il est admis que l’administration puisse corriger l’erreur en question, mais l’article 38-4 bis du CGI retient le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, comme date au-delà de laquelle les corrections ne sont plus admises.

« Or, contrairement aux apparences, cette limite temporaire à la correction des bilans n’est pas une faveur pour le contribuable » (Martin COLLET et Pierre COLLIN, Procédures fiscales, Puf), car en réalité, cette limite temporaire à la correction des bilans conduit l’administration à rectifier les résultats des entreprises pour des erreurs pourtant commises lors d’exercices prescrits. En effet, alors qu’une erreur a été commise en N-8 (par exemple, une sous-évaluation d’un bien d’actif acquis) et répercutée de bilan en bilan, plutôt que de corriger le bilan sur lequel apparaît pour la première fois l’erreur en question, ce qui n’aurait entraîné aucune conséquence fiscale, dès lors que ce bilan en question remonte à une année prescrite, l’administration peut redresser le premier bilan non prescrit qui n’a fait que reprendre une erreur plus ancienne qui n’aurait pas dû être sanctionnée.

Notons cependant que l’administration ne peut rectifier le premier bilan non prescrit si les erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit. L’intangibilité ne s’applique pas non plus aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives, au regard des usages, déduites sur les exercices prescrites

En dehors du délai de prescription, une autre limite au pouvoir de rectification de l’administration se trouve dans l’opposabilité à l’administration de la doctrine administrative.

15. L’opposabilité de la doctrine administrative

Aux termes de l’article L 80 A du LPF, il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Cette disposition institue, au profit du contribuable, une garantie contre les changements d’interprétation des textes fiscaux par l’administration fiscale.

Ainsi, lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente.

Sont opposables à l'administration les instructions, les circulaires, les notes de service et autres rescrits ainsi que les réponses ministérielles aux questions des parlementaires, sous réserve d’être publiées.

Les contribuables peuvent donc se prévaloir de la doctrine que l'administration fiscale énonce pour l'interprétation des textes fiscaux ou de l'appréciation qu'elle porte sur des situations de fait.

Pour ce faire, il faut une interprétation d’un texte fiscal, une prise de position formelle, (prises de positions explicites et non de simples recommandations adressées à ses propres agents) provenant de l’administration fiscale. Une prise de position d’une autre administration n’est pas opposable à l’administration fiscale. Les indications données à un contribuable sur le sens de la loi fiscale par les fonctionnaires d’un autre ministère, autre que celui des finances, ne peuvent tenir lieu d’interprétation opposable (CE, Plén. 3 février 1971 n°74352).

De même les instructions qui se bornent à formuler des directives pratiques sans donner une interprétation des dispositions du code général des impôts ne peuvent pas être regardées comme interprétant un texte fiscal (CE 7 décembre 1981), pas plus qu’une note de l’administration analysant la jurisprudence (CE 1er février 1984).

La doctrine ainsi opposable à l'administration est celle qui s'exprime dans des documents de portée générale (instructions et autres circulaires) ou dans des décisions individuelles, comme les rescrits qui sont des réponses données par l’administration fiscale aux demandes de renseignements des contribuables, l’article L 80 B, 1° disposant que lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.

Dans certains cas, le silence de l’administration vaut un accord tacite. C’est le cas par exemple lorsqu’elle n’a pas répondu dans un délai de trois mois à une entreprise qui l'a consultée sur le bénéfice du statut de jeune entreprise innovante, ou du régime des entreprises implantées dans les pôles de compétitivité, ou encore à un contribuable qui l'a consultée sur la qualification de son activité professionnelle au regard de l'impôt sur le revenu (article L 80 B LPF).

Il est possible à l’administration d’abandonner l’interprétation qu’elle a faite d’un texte fiscal. Lorsque l’administration revient ainsi sur l’appréciation initiale, cette appréciation n’est caduque que du jour où le contribuable a été informé qu’elle est rapportée. C’est ainsi que lorsque l’administration réforme sa doctrine, celle-ci continue néanmoins à s’appliquer jusqu’au jour de la publication de la nouvelle doctrine.

Le mécanisme de la cascade peut également s’analyser comme une limite au pouvoir de rectification de l’administration.

16. La déduction en cascade

Aux termes de l’article L 77 du LPF, en cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de rectification.

Les suppléments résultant d'une vérification peuvent donc être admis en déduction des rehaussements apportés aux bases d'autres impôts également vérifiés.

Ainsi, en cas de vérification simultanée de TVA et de l'impôt sur les bénéfices (IS ou IR) le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires est imputé sur le bénéfice imposable du même exercice.

Sans l’application de cette déduction en cascade, le contribuable devrait régler les deux rehaussements d’abord, et ensuite porter la valeur du redressement de TVA dans ses comptes de l’année en cours, la TVA étant déductible du résultat. Cette déduction en cascade est opérée automatiquement par l'administration dans la proposition de rectification mais le contribuable peut refuser cette déduction en cascade en formulant une demande expresse dans le délai qui lui est imparti pour répondre à la proposition de rectification.

L’article L 79 du LPF ajoute que les dispositions de l'article L 77 sont applicables, dans les mêmes conditions, en cas de vérifications séparées des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées et de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, l'imputation prévue en ce qui concerne les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées n'est effectuée que si la vérification des bases de ces taxes est achevée avant celle des bases des deux autres impôts. Donc, en cas de vérifications séparées, la vérification de la TVA doit être achevée en premier pour que le supplément puisse être imputé sur le bénéfice imposable du même exercice.