Arrêt Commenté : Cour de Cassation, Chambre sociale 14 décembre 2022, n°21-19628

 

Dans cette décision, non publiée, la Cour de Cassation confirme l’arrêt d’appel en rappelant la règle de droit relative à la charge de la preuve en matière de discrimination.

 

Une décision banale en la matière, la Cour de Cassation rappelant l’aménagement de la charge de la preuve mais intéressante en ce qui concerne les éléments de preuve produit par le salarié.

 

1. L’aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination

 

Pour le salarié, apporter la preuve d’une discrimination est souvent très difficile. Les collègues ou anciens collègues souhaitent rarement apporter un témoignage en justice. Les personnes auteurs de discrimination prennent souvent soin de ne pas laisser de trace écrite.

 

Dès lors, à partir de quoi, prouver une discrimination ?

 

Fort de ce constat, le législateur a prévu un aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination (L’article L. 1134-1 du Code du Travail).

 

Ainsi le salarié n’a pas à apporter la preuve de la discrimination mais seulement « des éléments de preuve laissant supposer l’existence d’une discrimination ».

 

La différence est de taille. Ainsi, le salarié doit apporter la preuve d’une différence de traitement avec ses collègues : cela ne démontre pas la discrimination mais laisse à supposer de son existence.

 

2. Les statistiques peuvent être un élément de preuve laissant supposer l’existence d’une discrimination

 

Dans le cas d’espèce, ce qui est intéressant est la preuve apportée par le salarié.


En effet, ce dernier a réalisé des statistiques éloquentes sur la simple base du registre du personnel.

 

Il ressortait de ces statistiques que les personnes avec un nom à consonance extra-européenne avait beaucoup moins de chance d’obtenir un contrat à durée indéterminée que leurs collègues avec des patronymes à consonance européenne.

 

En effet, les personnes en contrat à durée déterminé d’usage ayant un patronyme extra européen passent bien moins souvent que les personnes ayant un patronyme européen en contrat à durée indéterminée.

 

De même, il ressortait également que les salariés à patronyme extra européen étaient surreprésentés dans la catégorie des personnes avec un contrat à durée déterminée d’usage et sous représentés dans la catégorie des contrats à durée indéterminée.

 

La Cour d’appel a jugé que cet élément statistique est une preuve valable qui laisse à supposer l’existence d’une discrimination à l’embauche pour un salarié au patronyme extra européen.

 

Malgré les protestations de l’employeur, la Cour de Cassation confirme cet argument. L’employeur plaidait notamment, comme c’est souvent le cas, que ces statistiques étaient générales et ne concernaient pas la situation particulière du salarié en cause.

 

La Cour de cassation balaye cet argument en rappelant la règle de droit : ces statistiques sont bien un élément qui laisse à supposer l’existence d’une discrimination.

 

3. L’employeur n’apporte pas la preuve contraire

 

Attention néanmoins, le raisonnement n’est pas terminé.

 

La Cour confirme que l’élément statistique produit est bien un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination.

 

Le salarié a donc accompli sa part de la charge de la preuve. Il revient donc à l’employeur de démontrer qu’il n’existe pas de discrimination en apportant la preuve d’un élément objectif justifiant de cette différence de traitement.

 

En l’espèce, l’employeur n’apporte aucun élément.


Dès lors, la discrimination à l’embauche est jugée comme fondée et le salarié indemnisé en conséquence.

 

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