Décision commentée : Cass. soc. 18 Janvier 2023 no 21-10233 F-D

 

Connaissez-vous la différence entre la définition du harcèlement moral en droit du travail et celle en droit pénal ?

 

  • L'intention !

 

1. La différence entre la qualification pénale et la qualification prud’homale : l’intention

Le harcelement moral est réprimé à la fois par le code pénal (222-32-2 du Code Pénal) et par le code du travail (L. 1252-1 du Code du Travail).

Cependant, en droit du travail le harcelement moral peut être qualifié juridiquement - et donc indemnisé - quand bien même le salarié n’apporte pas la preuve d’une volonté intentionnelle de harcèlement moral de la part de son employeur.

La notion d’intention ne figure pas dans les textes en droit du travail.

Et pour cause, le salarié peut être en situation de harcelement moral du fait d’un système de management pernicieux. Pour autant, chaque décision de chaque manager participant à ce système n’est pas nécessairement prise dans l’intention de harceler moralement le salarié.

 

2. Le harcelement moral peut être reconnue aux prud’hommes même s’il n’a pas été reconnu au pénal

Ainsi, dans la décision commentée, le salarié avait attaqué au pénal ses employeurs pour une reconnaissance du harcelement moral subi de leur part.

Dans une décision manifestement mal rédigée (ndrl : avis personnel), le juge pénal avait relaxé les employeurs en estimant que : « certains comportements de l'employeur apparaissaient relever davantage d'une mauvaise gestion du personnel ou d'un contentieux prud'homal que d'un harcèlement pénalement condamnable ». Plus loin, la décision relevait également l’absence d’élément intentionnel de la part de l’employeur.

Le juge prud’homal avait quant à lui estimé - malgré la décision de relaxe au pénal -que le harcelement moral était qualifié en droit du travail.

La Cour de Cassation valide le raisonnement. Elle rappelle dans un premier temps, que si le pénal tient le civil en l’état (ie : ce qui a été jugé par un juge au pénal s’impose au juge civil) ce n’est que dans la stricte limite du litige qui lui a été soumis.

Or, en l’espèce, la qualification juridique étant distincte au pénal et au civil, le jugement de relaxe au pénal n’empêche pas le juge civil de reconnaître l’existence d’un harcelement moral en droit du travail.

En l’espèce, le salarié est donc indemnisé par le juge prud’homal, malgré un échec au pénal.

Malheureusement, cet arrêt confirme encore une fois ce que les praticiens du droit du travail constatent chaque jour : la réparation du harcelement moral au travail se fait majoritairement devant le juge du travail (les prud’hommes).

Au pénal : les policiers refusent les plaintes en disant que cela relève des prud’hommes, les juges d’instructions n’instruisent pas, et le juge pénal renvoie …au juge prud’homal pour relaxer.

Manifestement le juge pénal ne se sent pas concerné par le harcelement moral au travail et c’est bien dommage …