Par une décision n°472662 du 7 juin 2024, le Conseil d’État vient apporter des précisions en matière d'action en responsabilité décennale mise en œuvre par le maître d'ouvrage public, et souligne certains pièges en la matière.

1/ La Haute Juridiction, s'appuyant sur les dispositions du code civil, rappelle tout d'abord qu'une action en justice, au fond ou en référé, n'interrompt le délai décennal de prescription qu'à la triple condition :

  • que le désordre en question soit expressément visé dans l'acte de saisine ;
  • que l'acte de saisine émane de la personne ayant qualité pour exercer le droit menacé par la prescription ;
  • que l'acte de saisine vise celui-là même qui bénéficierait de la prescription

Dans cette affaire, et pour valider - à l'instar des Juges d'appel - l'absence d’interruption de la prescription, le Conseil d'Etat relève d'une part que les demandes d'extension des opérations d'expertise aux sociétés concernées n'ont pas été présentées par le maître d'ouvrage, et d'autre part, que " la demande d'extension des opérations d'expertise présentée par la communauté de communes le 17 mars 2008 devant le tribunal administratif de Nancy ne contenait aucune mention ou référence, même indirecte, à des désordres affectant les pédiluves extérieurs, lesquels, au demeurant, n'ont été signalés par l'expert qu'en avril 2013 ".

2/ En suivant le Conseil d’État, s'appuyant là-encore sur les dispositions du code civil, précise " que devant le juge administratif, un requérant ne peut plus se prévaloir de l'effet interruptif attaché à sa demande lorsque celle-ci est définitivement rejetée, quel que soit le motif de ce rejet, sauf si celui-ci résulte de l'incompétence de la juridiction saisie ".

Et de considérer en l'espèce " que la requête de la communauté de communes introduite le 17 mars 2016 et tendant à l'engagement de la responsabilité décennale de certains des constructeurs a été rejetée par jugement du tribunal administratif de Nancy pour irrecevabilité. Son appel a été rejeté par la cour administrative d'appel de Nancy et son pourvoi en cassation n'a pas été admis par le Conseil d'Etat [...]. Il résulte de ce qui a été dit [...] qu'en jugeant [...] qu'en application de l'article 2243 du code civil, le rejet définitif de la requête pour irrecevabilité faisait obstacle à ce que la communauté de communes puisse se prévaloir de l'interruption de la prescription de la garantie décennale résultant de l'introduction de cette requête, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ".

Cette solution appelle à la prudence en la matière, et incite tant à détailler minutieusement les désordres dès la demande d'expertise, qu'à y inclure largement les potentiels débiteurs de la garantie décennale.

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