L'incompatibilité entre bail commercial et domaine public
Le statut du bail commercial, et en particulier son droit au renouvellement au profit du locataire, est incompatible par nature avec l'occupation du domaine public (voir sur le blog : Les locaux loués par une entreprise dans une pépinière d’entreprise appartiennent au domaine public).
L'occupant du domaine public ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement, puisque l'occupation du domaine public est par nature toujours précaire et révocable (voir sur le blog : L'agrément du gestionnaire à la cession d'une convention d'occupation du domaine public ne créé pas de droit au renouvellement).
Une résiliation amiable pour traiter une situation litigieuse concernant un bail commercial sur le domaine public ?
Le Tribunal administratif de Toulouse a récemment eu à juger de la question d'une résiliation amiable pour traiter une situation litigieuse.
Une convention d'occupation avait été conclue entre une commune et une société pour l'exploitation d'un bar restaurant compris dans l'enceinte du golf municipal. Avant la fin de la convention, l'exploitante a demandé la régularisation d'un bail commercial, et a contesté le refus de la commune d'y procéder.
Dans le cadre d'une médiation, les parties ont conclu un protocole d'accord transactionnel, qu'elles ont ensuite soumis au juge pour qu'il l'homologue.
Indemnisation illicite de la perte du fonds de commerce
Aux termes de ce protocole :
- La commune renonce à toute action contre l'exploitante et lui verse une indemnité de 100 000 euros, pour tenir compte de la valeur du fonds, des agencements et matériels ;
- L'exploitante renonce à solliciter un bail commercial et accepte pour solde de tout compte cette indemnité, et renonce à son recours.
Le juge refuse d'homologuer et annule le protocole au motif qu'il est bien question d'une occupation du domaine public, et que l'exploitant n'avait aucun droit à renouvellement ou à une indemnité en fin de contrat. L'indemnité ainsi proposée par la commune constitue une libéralité prohibée :
"si le protocole d'accord prévoit que le montant de l'indemnité convenu a été établi en prenant en considération le " niveau de garnissement du local () démontrant les investissements/agencements importants réalisés par l'exploitant ", la convention d'occupation temporaire du domaine public, à son terme, ne prévoit pas le versement d'une indemnité au titre des investissements portant sur le bien immobilier réalisés par l'exploitant. Par ailleurs, s'agissant de la " cession de biens meubles à la commune " mentionnée dans le protocole d'accord, dont " la pergola, l'ensemble des aménagements de la véranda ainsi que le bar, le tout en l'état ", cette cession de meubles ne justifie pas, à elle seule, l'indemnité de 100 000 euros prévue par ledit protocole, le fonds de commerce et les investissements portant sur le bien immobilier ne pouvant donner lieu à indemnisation.
12. Enfin, la SAS Birdy et Mme C ont estimé, qu'en contrepartie du versement de l'indemnité de 100 000 euros, elles renonçaient à solliciter un bail commercial et s'engageaient à quitter les lieux. Toutefois, d'une part, en raison du caractère précaire et révocable de la convention d'occupation temporaire du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d'un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public sans commettre une illégalité et, d'autre part, la convention d'occupation qui liait la commune de Bagnères-de-Luchon à Mme C étant parvenue à son terme, cette dernière ne détient aucun droit à se maintenir sur les lieux.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les concessions réciproques consenties par les deux parties, appréciées globalement, révèlent un déséquilibre au détriment de la commune de Bagnères-de-Luchon constitutif d'une libéralité de la part de la commune" (Tribunal Administratif de Toulouse, 29 avril 2025, n°2401562).
Le juge rejettera également le recours de l'exploitante contre la décision lui refusant la régularisation d'un bail commercial.
En effet, la perte du fonds de commerce, à supposer que son existence soit avérée, ne donne pas lieu à indemnisation en fin de contrat d'occupation du domaine public (voir sur le blog : Malgré la loi Pinel, n'est pas indemnisable la perte du fonds de commerce en fin normale de convention d'occupation du domaine public).
Conseils pratiques
L'occupation du domaine public obéit à ses règles propres, qui impliquent une réflexion sur la prise en compte de la durée d'occupation, des clauses indemnitaires, avant d'élaborer un prévisionnel et de dimensionner ses investissements.
En l'absence de droit au renouvellement, tout doit être amorti dans la durée d'occupation prévue initialement.
Il convient également d'en tenir compte en cas de rupture amiable de la convention, auquel cas l'indemnité convenue peut s'envoler si elle n'est pas construite et justifiée en tenant compte de cette réalité.
Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :
- Pour déterminer si la domanialité publique est applicable et le cas échéant vérifier si un fonds de commerce a été constituée ;
- Dans la revue de titres d'occupation et de baux, et plus généralement dans la définition du montage juridique de votre opération afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité au regard de l'évolution jurisprudentielle ;
- Dans la sécurisation d'une vente de fonds de commerce, particulièrement en cas de suspicion de la domanialité publique des lieux ;
- Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
- Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, le cas échéant.
Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
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