Il est dorénavant constant que lorsqu'un salarié remet en cause sa démission en raison de manquements de son employeur, cette démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur si les circonstances qui lui sont antérieures ou contemporaines montrent qu'elle était équivoque.

Cette prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les griefs reprochés à l'employeur sont graves. Dans le cas contraire, les effets de la prise d'acte sont ceux d'une démission.

A ce titre, la cour de cassation juge que l'employeur qui commet une erreur de calcul de la prime d'ancienneté du salarié ne commet pas un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture à ses torts.

La rupture en cause produira donc les effets d'une démission du salarié acteur de la démission requalifiée en prise d'acte.

Cass. soc. 3 juin 2009, n° 0841.021 FD

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 3 juin 2009

N° de pourvoi: 08-41021

Non publié au bulletin Rejet

Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juillet 2007), que Mme X... a été engagée par l'association Union sportive électrique et gazière à compter du 16 juin 1997 en qualité d'agent d'accueil et de gestion ; qu'elle a adressé à son employeur une lettre de démission le 7 octobre 2004 ; que remettant en cause sa démission, elle a saisi le 24 mars 2005 la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen :

1° / que la démission est l'acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu'en estimant que la démission de Mme X... ne pouvait être requalifiée en prise d'acte de rupture faute pour elle d'apporter la preuve de ce que l'employeur l'aurait poussée à démissionner en s'engageant à lui verser les sommes qu'elle mentionnait dans la lettre de licenciement, cependant qu'elle a relevé que les termes de la lettre de licenciement indiquaient que la salariée attestait démissionner « en contrepartie » de sommes que l'employeur s'était engagé à lui verser, ce dont il résultait nécessairement que, abstraction faite de la réalité de cet engagement, la volonté de démissionner avait été exprimée par la salariée en considération de cet engagement dont la lettre faisait état, de sorte que la lettre de licenciement ne pouvait s'analyser comme l'expression claire et non équivoque de la volonté de mettre fin unilatéralement au contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 122-4 et L. 122-5, devenus L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail ;

2° / que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en décidant que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission et rejeter les demandes indemnitaires de Mme X... cependant qu'elle a constaté que le mode de rémunération appliqué par l'employeur n'était pas conforme au contrat de travail et fixé la créance de Mme X... au titre de primes d'ancienneté non versées à la somme de 521, 26 euros et au titre des congés payés y afférant à la somme de 52, 12 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 122-4 et L. 122-5, devenus L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail ;

3° / que la démission doit procéder d'une volonté libre et réfléchie du salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que la lettre de démission a été rédigée par Mme X... dans les locaux de l'entreprise lors d'un entretien avec son employeur au cours duquel elle s'était plaint de ses conditions de travail et son employeur s'était engagé à lui verser diverses sommes en contrepartie de son départ, n'était pas de nature à l'intimider et ainsi priver l'expression de sa volonté de démissionner de ses caractères libre et réfléchie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4 et L. 122-5, devenus L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail ;

4° / que la requalification d'une démission en une prise d'acte de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ne saurait être conditionnée à la rétractation du salarié dans un délai raisonnable après la remise de la lettre de démission ; qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en déboutant Mme X... de ses demandes au motif qu'elle n'avait pas exprimé de manière claire et non équivoque la volonté de revenir sur sa démission dans un délai raisonnable suivant la remise de cette lettre de démission, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4 et L. 122-5, devenus L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail ;

Mais attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;

Et attendu qu'après avoir, à sa demande, requalifié la démission de la salariée en prise d'acte de la rupture, la cour d'appel, appréciant souverainement la réalité et la gravité des manquements de l'employeur invoqués par la salariée, a retenu que le seul manquement avéré était celui relatif à l'erreur de calcul de sa prime d'ancienneté qui n'était pas suffisamment grave pour justifier la prise d'acte de la rupture ;

Que le moyen, inopérant en ses première, troisième et quatrième branches, dès lors que la salariée a vu sa démission requalifiée en prise d'acte de la rupture, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille neuf.