Une réforme importante est entrée en vigueur le 24 mars 2020 concernant les peines, découlant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et portant réforme des peines d’emprisonnement et de leur aménagement.

Les 4 arrêts rendus, en formation solennelle, le 11 mai 2021 viennent compléter les indications relatives à l’interprétation des dispositions de cette loi.

Les soutions découlant de ces différents arrêts sont relatives au prononcé des peines, au prononcé des peines d’emprisonnement, à l’aménagement des peines d’emprisonnement supérieures à un mois et inférieures ou égales à un an ou deux ans selon la date de commission des faits.

La lettre d’information de la chambre criminelle, dans la présentation des décisions rendues, emploie les termes de « feuille de route ».

Une note explicative est mise en ligne par la Cour de cassation. Ce document est disponible en bas de cet article. cette note contient un tableau de synthèse particulièrement utile.

il s'agit des arrêts du 11 mai 2021, n° 20-85.464 du 11 mai 2021, n° 20-84.412, n° 20-86.576 et n° 20-83.507, et l’arrêt du 14 avril 2021 n° 21-80.829 ;

A ces arrêts doivent être associés deux autres décisions de la Cour de cassation, un arrêt du 20 octobre 2020 n° 19-84.754 et un arrpet du 14 avril 2021 n° 21-80.829.

Dans l’arrêt du 14 avril 2021 n° 21-80.829, la question était la suivante : le texte rend obligatoire, sauf impossibilité, l’aménagement des peines comprises entre un mois et six mois.

Lorsque dans une procédure de comparution immédiate le tribunal prononce une peine comprise dans ce quantum et l’assortie d’une mesure d’aménagement telle que la détention provisoire à domicile sous surveillance électronique, le maintien en détention de la personne condamnée peut-il être prononcé en attendant la mise en œuvre de cet aménagement ?

La réponse est négative. La Cour de cassation indique qu’aucune mesure de maintien en incarcération ne peut être décidée dès lors que la totalité de la peine a été aménagée.

La réforme vise à rendre l’incarcération comme le dernier recours envisageable pour les courtes peines.

Ainsi la loi prohibe le prononcé de peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois.

Dans l'arrêt rendu en formation solennelle le 11 mai 2021, n° 20-85.464, la question posée était, de savoir si cette interdiction  de prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieur à un mois impose un minimum de durée d’emprisonnement, ce qui ferait de ce texte un texte plus répressif que le précédent ?

La Cour de cassation répond par la négative. Cette interdiction est au contraire d’inciter les juges à prononcer des peines alternatives à l’emprisonnement, peines telles que le travail d’intérêt général ou la peine de stage.

La nouvelle loi est donc un texte moins sévère et peut recevoir une application immédiate.’

Enfin avec les 3 autres arrêts rendus en formation solennelle le 11 mai 2021, pourvois n° 20-84.412, n° 20-86.576 et n° 20-83.507, regroupés en une seule présentation dans la lettre de la chambre criminelle de mai 2021, la Cour de cassation présente une feuille de route pour l’application de la loi nouvelle.

La présentation dans la lettre est la suivante :

« Les conditions du prononcé des peines d’emprisonnement ont été profondément modifiées par la loi « réforme pour la justice » du 23 mars 2019, entrée en vigueur un an plus tard, le 24 mars 2020.

Les nouveaux textes sont tout à la fois complexes, compte tenu de la diversité des situations qu’ils régissent, et dispersés, étant insérés tant dans le code pénal que dans le code de procédure pénale.

Il convenait donc, pour faciliter leur application par le juge, de les interpréter en les coordonnant entre eux dans un souci de cohérence et de sécurité juridique, tout en respectant, bien sûr, l’intention du législateur.

Le législateur exigeait déjà du juge une motivation spéciale lorsque celui-ci choisissait de prononcer une peine de prison.

La loi nouvelle a renforcé cette exigence.

Ainsi, le juge doit désormais établir, au regard non seulement des faits commis, de la personnalité de la personne condamnée (à savoir son casier judiciaire, sa psychologie etc), mais aussi de sa situation personnelle, que la gravité de l’infraction et cette personnalité la rendent indispensable - et non plus seulement nécessaire -, et que toute autre sanction est manifestement inadaptée.

Par ailleurs, la loi nouvelle a entendu faciliter l’aménagement des courtes et moyennes peines d’emprisonnement, confier à la juridiction de jugement cet aménagement et, en l’absence d’un tel aménagement, assurer l’incarcération effective du condamné.

Que signifie « aménager » une peine d’emprisonnement » ?

Il s’agit, par exemple, de placer une personne en semi-liberté afin qu’elle puisse sortir de prison la journée pour exercer une activité professionnelle ou suivre une formation ou des soins, ou encore de la soumettre au port d’un bracelet électronique à son domicile, au lieu de l’incarcérer en détention ordinaire.

Le législateur a prévu des régimes différents selon la durée de la peine prononcée : si la peine est inférieure ou égale à six mois, sauf impossibilité, l’aménagement est désormais obligatoire ; si elle est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, l’aménagement reste, comme auparavant, le principe.

Lorsque le juge refuse cet aménagement, il doit s’expliquer particulièrement au regard des faits, de la personnalité et de la situation personnelle.

En outre, il doit prévoir l’incarcération de la personne condamnée soit, dans les cas où cela est possible et opportun, immédiatement, soit de façon différée.

Dans les cas où l’aménagement de l’emprisonnement supérieur à un an et inférieur ou égal à deux ans est possible en application des textes anciens, il est régi par les mêmes dispositions que celles applicables à la peine supérieure à six mois (Voir le commentaire « Aménagement des peines : la loi nouvelle est plus sévère », Lettre n° 4, p. 4).

La feuille de route du juge pénal en la matière est ainsi clarifiée, afin qu’il puisse se conformer à la volonté du législateur. »

Arrêt n°503 du 11 mai 2021 n°20-84.412 - Cour de cassation - Chambre criminelle :

La cour détermine dans un premier temps quelle est la loi applicable. Les faits ont été commis en août 2018 mais la décision de la Cour d'Appel est intervenue après la date d’entrée en vigueur de la réforme.

La cour indique que les dispositions de l’article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, créé par l’article 2 du décret n° 2020-187 du 3 mars 2020, sont applicable immédiatement s’agissant d’une loi de procédure.

Ce texte dispose que les seuils de six mois ou un an d’emprisonnement prévus en matière d’aménagement de peine s’apprécient en tenant compte de la révocation totale ou partielle d’un sursis simple décidé par la juridiction de jugement et dont la durée s’ajoute à celle de la peine d’emprisonnement prononcée.

L’interprétation des dispositions de la nouvelle législation est la suivante :

Si la peine d’emprisonnement prononcée est inférieure ou égale à six mois en application de l’article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, l’aménagement de la peine est obligatoire.

Ce n’est qu’en cas d’impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné que la juridiction de jugement peut écarter l’aménagement de la peine.

Dans ce cas, elle doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l’espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

Lorsque la peine est de six mois, elle doit, en outre, si elle ne décerne aucun mandat de dépôt ou d’arrêt en application de articles 397-4 et 465-1 du code de procédure pénale, délivrer un mandat de dépôt à effet différé.

Arrêt n°505 du 11 mai 2021 (20-85.576) - Cour de cassation - Chambre criminelle

Cet arrêt apporte une indication importante relative à l’obligation d’aménagement de la peine prononcée, lorsque son quantum entre dans celui des peines devant être obligatoirement aménagées, sauf impossibilité motivée.

L’obligation pesant sur la juridiction de jugement est particulièrement forte.

La Cour de cassation indique que la juridiction de jugement ne peut refuser d’aménager la peine au motif qu’elle ne serait pas en possession d’éléments lui permettant d’apprécier la mesure d’aménagement adaptée.

Dans ce cas, elle doit ordonner d’une part l’aménagement de la peine, d’autre part la convocation du prévenu devant le juge de l’application des peines, en application de l’article 464-2, I, 2°, du code de procédure pénale.

La juridiction ne peut pas écarter l’aménagement de peine au motif de l’absence d’éléments propres à caractériser un projet de réinsertion.

La juridiction de jugement ne peut refuser l’aménagement de la peine au motif qu’elle ne dispose pas d’éléments suffisamment précis et actualisés.

Deux hypothèses sont envisagées par la Cour de cassation :

Si le prévenu est comparant, la juridiction doit l’interroger sur sa situation personnelle et, si nécessaire ordonner un ajournement de la peine aux fins d’investigations sur sa personnalité ou sa situation, en application de l’article 132-70-1 du Code pénal.

Si le prévenu est non comparant, la juridiction de jugement ne peut refuser d’aménager la peine en se fondant sur sa seule absence. Elle doit rechercher, au vu des pièces de la procédure, si le principe d’un aménagement peut être ordonné.

Arrêt n°504 du 11 mai 2021 n°20-83.507 - Cour de cassation - Chambre criminelle 

Dans cet arrêt la Cour a eu à examiner la motivation de la peine d’emprisonnement qui avait été prononcée ainsi que l’absence d’aménagement de celle-ci.

Selon les dispositions combinées des articles 464-2, 485-1 de code de procédure pénale, 132-1 et 132-19 du code pénal, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, qu’en matière correctionnelle, « le juge qui prononce une peine d’emprisonnement ferme doit, quels que soient le quantum et la décision prise quant à son éventuel aménagement, motiver ce choix en faisant apparaître qu’il a tenu compte des faits de l’espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d’établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate. »

Sur ce premier point la Cour valide la décision de la Cour d'Appel après avoir rappelé que « ces dispositions sont applicables immédiatement au jugement des infractions commises avant leur entrée en vigueur, le 24 mars 2020, en application de l’article 112-2, 2°, du code pénal, s’agissant de dispositions relatives à la motivation des peines. »

Cependant la Cour censure l’arrêt de la Cour d'Appel concernant le refus de l’aménagement de la peine d’emprisonnement prononcée.

La censure (considérants 27 à 33 de l’arrêt) est motivée en ces termes :

« 28. La juridiction de jugement ne peut écarter l’aménagement que si elle constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou si elle relève une impossibilité matérielle de le faire.

29. Dans ce cas, elle doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l’espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

30. Elle doit en outre, si elle ne décerne aucun mandat de dépôt ou d’arrêt en application des articles 397-4, 465 et 465-1 du code de procédure pénale, délivrer un mandat de dépôt à effet différé.

31. L’arrêt attaqué, après avoir condamné le prévenu à une peine d’emprisonnement de dix-huit mois, ne se prononce pas sur son aménagement. »