Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation retient dorénavant que le juge ne méconnaît pas son office lorsqu’il renvoie les parties devant le notaire pour permettre l’instruction des contestations au stade de l’ouverture des opérations de partage (Cass. 1re civ., 27 mars 2024, n° 22-13.041, FS-B).

Une affaire dont elle a été saisie donne l’occasion au juge de cassation de faire volte face s'agissant du rôle du juge et du notaire dans la procédure de partage judiciaire, qui est mise en œuvre lorsque les héritiers ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le partage des biens de la succession. 

Il s'évince de l’article 4 du Code civil que le juge a le devoir de trancher lui-même les contestations soulevées par les parties et ne peut déléguer ses pouvoirs à un notaire liquidateur.

La première civile de la Cour de cassation a longtemps retenu qu’il était contraire à cet article pour un juge, lorsqu’il est saisi d’une demande d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, de renvoyer les parties devant le notaire liquidateur sans trancher les contestations (V. Cass. 1re civ., 2 avr. 1996, n° 94-14.310 et Cass. 1re civ., 21 juin 2023, n° 21-20.323).

Cependant, force est de constater que cette jurisprudence ne tient pas compte de la spécificité de la procédure de partage judiciaire complexe, qui comprend une phase où le notaire désigné par le tribunal convoque les parties et demande la production de tout document utile pour procéder aux comptes entre elles et à la liquidation de leurs droits.

Dans une telle procédure, c’est en principe par cette phase notariée que commencent les opérations de partage.

Les copartageants peuvent à tout moment abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable, si les conditions en sont réunies.

Le traitement anticipé par le juge des différends peut parfois favoriser le bon déroulement des opérations de partage, mais il peut également présenter des inconvénients.

Par exemple, une décision immédiate sur l’évaluation de biens objets du partage ou de créances calculées au profit subsistant sera dépourvue de l’autorité de la chose jugée si elle ne fixe pas la date de jouissance divise , qui doit être la plus proche possible du partage.

En cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif, le notaire est tenu d’en référer au juge commis, et c’est au tribunal qu’il revient de trancher les points de désaccord subsistants (CPC, art. 1373 et 1375).

L’ensemble de ces considérations ont convaincu la Cour de cassation qu’il devait désormais être retenu que le juge ne méconnaît pas son office lorsqu’il renvoie les parties devant le notaire pour permettre l’instruction des contestations au stade de l’ouverture des opérations de partage.

Ainsi, dorénavant, il doit être considéré que le juge n’outrepasse pas ses fonctions lorsqu’il décide, après avoir été saisi de demandes lors de l’ouverture des opérations de partage, de renvoyer les parties devant le notaire.

(Source : Lexis360 du 29/03/2024)