L’unité de fret dans le transport maritime de marchandises

L’unité de fret est d’un enjeu très important en matière de transport de marchandises. Il constitue  la base de calcul du montant de l’indemnité en cas de dommage. En dehors de la CMR  ( article 23) qui ne prévoit le  calcul que d'après le poids et la valeur de la marchandise au lieu et à l'époque de la prise en charge, les autres textes qui régissent le transport des marchandises ajoute l’une unité de fret.

En droit interne, le contrat type  commission de transport et le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique  définissent cette unité de fret dans leur article 2.2.. Le premier utilise le terme «  colis » (bac, cage, caisse, cantine, carton, conteneur, enveloppe, fardeau, fût, paquet, palette cerclée ou filmée, sac, valise, etc.) et le second celui  d’« unité de chargement » (bac, cage, caisse, cantine, carton, conteneur autre que UTI, enveloppe, fardeau, fût, paquet, palette cerclée ou filmée par le donneur d'ordre, rolls, sac, valise, etc.).

Qu’en est-il dans le transport maritime ?

 

1- L’UNITÉ DE FRET DANS LA CONVENTION DE BRUXELLES DU 25 AOÛT 1924

Suivant l'article 4.5 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement :

«.a) A moins que la nature et la valeur des marchandises n’aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée dans le connaissement, le transporteur, comme le navire, ne seront en aucun cas responsable des pertes ou dommages des marchandises ou concernant celles-ci pour une somme supérieure à 666.67 unités de compte par colis ou unité, ou 2 unités de compte par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable ».

2- QU’EN EST-IL EN DROIT INTERNE ?

Contrairement au constat qu’on peut faire relativement à l’unité de fret définie par quelques textes portant sur les transports de marchandises, il n’y a pas d’exemple explicite d’unité de fret dans le transport maritime de marchandises. On  note néanmoins que la cour de cassation avait refusé de retenir le conteneur comme unité de fret au sujet d’un transport de marchandises groupées dans un conteneur dans une espèce qui avait reçu application du droit interne. La cour de cassation  ( Cass.com. 18 avril 1989, 87-14.850, P) avait considéré que le nombre de sacs utilisés pour transporter la marchandise étaient mentionné sur le connaissement  et que ces sacs constituaient des unités de fret. Cette solution avait été retenue malgré la présence d’une clause au connaissement qui définissait le conteneur comme unité de fret. Précisons que le droit interne avait déjà intégré à son corpus législatif les modifications apportées à la convention de Bruxelles par les protocoles de 1968 et 1979 portant sur les marchandises transportées groupées.

3- LE CAS DE L’UTILISATION D’UN CADRE, UNE PALLETTE OU UN ENGIN SIMILAIRE POUR GROUPER LES MARCHANDISES

Contrairement à ce qui a été jugé dans l’espèce du  18 avril 1989, 87-14.850, P une solution  différente a été donnée à propos d’une espèce  à laquelle était appliquée la convention de Bruxelles de 1924 dans sa version d’originaire. Dans cette espèce portant sur les épis de maïs transportés en vac dans un conteneur, la cour d’appel saisie avait considéré que les épis n’étant pas transportés dans des sacs, cartons ou caisses pouvant être individualisés, seul le conteneur pouvait être considéré comme l’unité de fret. La cour de cassation a cassé l’arrêt et invité la juridiction d’appel à rechercher l’unité de fret choisie par les parties dans le connaissement. Elle a implicitement  considéré que les épis de maïs ou le conteneur les transportant pouvaient être considérés comme des unités de fret si les parties s’en étaient référées dans le connaissement  (Cass. com., 23 mars 2022, n° 19-19.103 P). C’est l’interprétation a contrario de la précision ajoutée à la convention modifiée.

En effet, la suite de  l’article 4.5 toujours de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 précise que : « c) Lorsqu’un cadre, une palette ou tout engin similaire est utilisé pour grouper des marchandises, tout colis ou unité énuméré au connaissement comme étant inclus dans cet engin sera considéré comme un colis ou unité au sens de ce paragraphe.  En dehors du cas prévu ci-dessus, cet engin sera considéré comme colis ou unité. ». Cette précision est issue des protocoles des 23 février 1968 et 21 décembre 1979.

Les termes « cadre », « palette » ou « engin similaire » sont utilisés pour désigner le contenant des unités mentionnées au connaissement.

Le conteneur étant très utilisé dans le transport maritime de marchandises, il peut être ce cadre utilisé pour grouper des marchandises. Lorsque c’est le cas, il ne peut pas être l’unité de fret.

Toujours en application de la même convention mais dans sa version modifiée, la cour de cassation a retenu le nombre de cartons  marqués sur un connaissement au lieu du nombre de palettes utilisées pour les grouper dans un conteneur ( Cass. com. 24 mai 2023, 21-19.835, P). La cour ainsi réaffirmé que dans le cadre de marchandises groupées, l’unité de fret est celle utilisée pour les individualiser et qui est mentionnée au connaissement avant de les regrouper dans le conteneur. Il ressort donc de cet arrêt qu’en cas de transport groupé dans un conteneur, ce dernier n’est pas l’unité de fret.

4- L’UNITÉ DE FRET : LE CHOIX DES PARTIES 

L’espèce qui a donné lieu à l’arrêt du 23 mars 2022, n° 19-19.103 P évoqué ci-dessus est revenue devant la cour de cassation après un second pourvoi. En effet, la cour de cassation avait estimé que les mentions du connaissement devraient orienter la juridiction d’appel dans la détermination du choix des parties quant à l’unité de fret. Elle avait jugé qu’«  après avoir elle-même indiqué que la vente portait sur 56 000 épis de maïs pour un poids total de 19 040 kg, sans préciser, dès lors, si les parties au contrat de transport s'étaient ensuite référées, dans le connaissement, à une unité de fret et, dans l'affirmative, laquelle avait été choisie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». À la suite de cette décision, la cour de renvoi avait considéré qu’il ressortait du connaissement que les parties avaient choisi le conteneur comme unité de fret. Devant le refus de cette solution la cour de cassation  a de nouveau été saisie.

Se prononçant dans un arrêt rendu par la chambre commerciale le 21 mai 2025, 24-11.519 P, elle a jugé, toujours au visa de l’article 4.5 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 originaire que : «c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des mentions figurant au connaissement que la cour d'appel a estimé que les parties au contrat de transport, avaient, en l'espèce, désigné le conteneur comme unité de fret au sens du texte précité ». Elle maintient ainsi sa position déjà exprimée dans la même affaire dans son arrêt du  l’arrêt 23 mars 2022, n° 19-19.103 P. On se souvient d’ailleurs qu’elle avait réitéré cette solution dans un arrêt du 23 mai 2024, n° 22-23.381 P portant également sur un transport de marchandise en vrac dans un conteneur.

5- QUE FAUT-IL RETENIR ?

Pour récapitulatif, on notera que dans le cas d’un transport en vrac de marchandises dans un conteneur, l’unité de fret est choisie par les parties expressément et mentionnée sur le connaissement. À défaut, les juges du fond apprécient souverainement les mentions du connaissement pour déterminer l’unité que les parties ont retenue. Cette unité peut être le conteneur.

Dans le cas de marchandises groupées, le conteneur ne peut être l’unité de fret. Seules les unités qu’il groupe, unités décrites et énumérées sur le connaissement sont des unités de fret.

Il faut donc garder à l’esprit que la solution varie selon que l’espèce présente un cas de marchandises déjà individualisées avant d’être groupées ou qu’elle porte sur un transport en vrac dans un cadre, en l’occurrence le conteneur.

NB : Le cabinet BTT AVOCAT est compétent et disponible pour vous accompagner pour toutes les problématiques de droit des transports maritimes de marchandises.

L’autorité relative de la chose jugée comme obstacle à la caducité d’un contrat