L’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 8 aout 2015 disposait :

« Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire : a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative… »

Ainsi, il suffisait que le permis de construire le bâtiment concerné soit annulé définitivement pour que la démolition puisse être demandée.

Toutefois pour l’obtenir, le tiers demandeur doit respecter les règles classiques de la responsabilité civile. Il doit en conséquence démontrer l’existence d’une faute, caractérisée par la violation de la règle d’urbanisme sanctionnée par l’annulation du permis de construire, d’un préjudice personnel ainsi que d’un lien de causalité entre celui-ci et la faute précitée.

 

Dans le but de faciliter les projets immobiliers, la loi n°2015-990 du 6 aout 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a restreint le champ d’application de l’article précité en limitant les possibilités de démolition à certaines zones particulières, devant être protégées (espace montagnard, espace littoral, parcs nationaux et réserves naturelles…). Depuis lors, cette liste a été modifiée à la marge, une dernière fois par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

A contrario, il n’est donc plus possible, en zone urbaine classique d’un PLU par exemple, de demander la démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé. L’indemnisation du tiers subissant un préjudice se limitera donc à l’allocation de dommages et intérêts.

 

Après avoir obtenu l’annulation de permis de construire une maison d’habitation, deux associations ont assigné en démolition les bénéficiaires des autorisations d'urbanisme annulées. Etant vraisemblablement gênées par la rédaction de l’article L. 480-13 ensuite de la réforme opérée par la loi « Macron », celles-ci ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Pour renvoyer cette question au Conseil Constitutionnel, la Cour de cassation retient dans son arrêt du 12 septembre 2017 :

« Que la question posée présente un caractère sérieux en ce que, en interdisant, en dehors des zones limitativement énumérées, l’action en démolition d’une construction, réalisée conformément à un permis de construire annulé, à l’origine d’un dommage causé aux tiers ou à l’environnement par la violation de la règle d’urbanisme sanctionnée, ces dispositions sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit à réparation des victimes d’actes fautifs et à leur droit à un recours juridictionnel effectif garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de méconnaître les droits et obligations qui résultent de l’article 4 de la Charte de l’environnement »

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/qpc_3396/1015_12_37581.html

 

Notons ici pour commencer que même si la loi « Macron » d’aout 2015 a été soumise au Conseil Constitutionnel par des députés et sénateurs, cette saisine n’a concerné que certains articles à l’exclusion de celui modifiant l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme (Voir en ce sens Décision n°2015-715 DC du 5 aout 2015). Ainsi une QPC pouvait valablement être formée.

Ensuite, les demandeurs ont eu la judicieuse idée d’ouvrir le débat sur la question environnementale en ne se limitant pas à l’aspect réparation d’un préjudice personnel. Cela s’explique notamment par l’objet des associations requérantes qui est justement la protection de l’environnement.

Toutefois, cette question environnementale semble avoir été prise en compte dès le stade du projet de loi « Macron », l’exposé des motifs indiquant (article 29 du projet de loi) :

« En recentrant la démolition sur les cas où elle est indispensable, notamment pour les constructions réalisées sans permis, mais aussi dans les zones protégées pour des raisons patrimoniales ou environnementales, l'article 29 permet au permis de construire de recouvrer son caractère exécutoire »

De même, l’étude d’impact du projet de loi confirme en son tome 2 que les exceptions à l’impossibilité de démolition ont notamment été dictées par l’aspect environnemental :

« Les zones exclues de ce nouveau dispositif bénéficient de protections fortes liées notamment aux risques, à l’environnement, au patrimoine, ou aux sites. Ces zones dans lesquelles il semble nécessaire de maintenir le droit actuel en matière de démolition… »

A ce titre, l’article L. 480-13 dans sa rédaction litigieuse permet bien les démolitions dans les zones présentant un intérêt environnemental…

 

La constitutionnalité de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi « Macron » devrait être tranchée d’ici quelques semaines, le Conseil ne disposant que de trois mois pour se prononcer à compter de la transmission de la question prioritaire par la Cour de Cassation ou le Conseil d’Etat.