Le saviez-vous ?

En vertu du principe de non-ingérence, la banque ne doit pas s'immiscer dans les affaires de son client lorsque celui-ci possède une pleine capacité juridique.

Le dictionnaire Larousse définit l'ingérence comme le fait de « se mêler » des affaires d'autrui, « sans y être invité, sans y être autorisé ».

En droit commun, les vérifications auxquelles sont tenues les établissements financiers se limitent à l'apparence, le banquier étant notamment en droit de ne pas agir dès lors qu'il ne constate aucun élément contraire aux habitudes de son client.

Toutefois, ce principe ne fait pas obstacle à l'existence d'un devoir de vigilance, qui oblige le banquier à refuser d'exécuter ou de favoriser des opérations manifestement anormales.

1. Manquement au devoir de vigilance de la banque sur les comptes d'un majeur sous tutelle

La banque expose sans être contredite que M. S. était seulement titulaire d'une carte de retrait, de sorte que son tuteur pouvait disposer de cette carte sans autorisation du juge des tutelles.

Les premiers juges ont admis à juste titre le bien-fondé de cette explication de la banque, et ont encore considéré à raison que la remise de cette carte de retrait au tuteur n'était pas en elle-même critiquable.

Ils ont cependant considéré à juste titre que la banque n'avait pas respecté son devoir de vigilance qui l'oblige à réagir en présence de toute anomalie apparente dans le fonctionnement d'un compte bancaire.

La banque était tenue d'un devoir de vigilance renforcé s'agissant des comptes d'un incapable majeur.

Les comptes de M. S. avaient fonctionné pendant plus de dix ans avec des excédents qui allaient en augmentant, et avec des mouvements de faible importance.

En l'espèce la somme litigieuse de 28 700 euros a été retirée entre le 9 février 2010 et le 4 mai 2010.

L'inaction de la banque en présence de retraits d'une telle importance pendant une période aussi courte, caractérise sa faute.

La faute de la banque a entraîné une perte de chance pour M. S. d'éviter le dommage, qu'il convient de chiffrer aux trois quarts de la somme litigieuse soit 21 525 euros.

Sources : Cour d'appel, Chambéry, 17 mai 2016


2. Autre manquement de la banque à l'obligation de vigilance en présence d'un abus de faiblesse

La banque a failli à son obligation de vigilance en ne procédant à aucune diligence ou alerte appropriée en dépit des anomalies apparentes caractérisées en l'espèce par des débits particulièrement importants et répétés sur les comptes d'une cliente âgée, toujours accompagnée par son auxiliaire de vie, des signatures manifestement contrefaites à l'occasion des opérations bancaires réalisées, des chèques débités en période d'interdit bancaire, alors même que l'agence de Boulogne avait été prévenue par le gestionnaire des comptes de la cliente de l'anormalité de la situation et par le neveu de l'intéressée de la situation d'abus de faiblesse suspectée, du signalement judiciaire et de la mesure de protection judiciaire prononcée de ce fait.

La banque ne saurait utilement se prévaloir de la lettre par laquelle la titulaire des comptes s'étonne des 'complications ' qui lui sont faites dès lors que l'abus de faiblesse se caractérise précisément par l'adhésion de la victime aux faits commis à son préjudice.

Il en résulte que la responsabilité contractuelle de la banque est engagée en raison de la violation de ses obligations de vigilance et de conseil.

Sources : Cour d'appel, Versailles, 23 mars 2017


Claudia CANINI

Avocat au Barreau de TOULOUSE

Droit des majeurs protégés

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