Copropriété : à quelles sanctions le copropriétaire qui réalise des travaux sans solliciter l’autorisation de l’assemblée générale s’expose-t-il ?
Arrêt Cour de cassation 6 février 2025 Pourvoi n° 23-11.576
Faits :
Le syndicat des copropriétaires reproche à une copropriétaire d’avoir effectué des travaux dans son jardin, partie commune à jouissance privative, sans autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires alors que son lot ne disposait ni de loggia ni de terrasse ou socle en béton pouvant être fermée à la seule condition d’un agrément de l’architecte de l’immeuble.
Le syndicat des copropriétaires l’assigne aux fins de démolition du socle en béton et de la loggia construits dans le jardin dont elle a la jouissance privative et en remise en état.
Procédure :
En première instance, le syndicat des copropriétaires obtient gain de cause.
La copropriétaire est ainsi notamment condamnée à démolir le socle en béton et la loggia et à remettre les lieux dans leur état d’origine, dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la décision, avec une astreinte de 20 euros par jour de retard pendant six mois;
Cette dernière fait appel.
Le 17 janvier 2023, la cour d’appel de Versailles (RG 21/00492) infirme le jugement : les demandes de démolition et remise en état du syndicat des copropriétaires sont rejetées.
A l’appui de son pourvoi, le syndicat des copropriétaires a fait valoir le fait que la cour d’appel n’a pas respecté le principe de la contradiction en ayant relevé d’office un moyen sans avoir invité les parties à présenter leurs observations.
Quel moyen ?
- La cour d’appel avait retenu que la démolition de la loggia et de son socle en béton constituait une sanction disproportionnée du défaut d'autorisation par rapport à l'objectif poursuivi par cette dernière, qui tend au respect des droits des copropriétaires sur les parties communes concernées.
Analyse de la Cour de cassation :
La cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile qui impose au juge de faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Pourquoi ?
Parce que la cour d’appel a relevé d’office un moyen portant sur le caractère disproportionné de la mesure de démolition sollicitée par le syndicat des copropriétaires, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
L’intérêt de cet arrêt est surtout l’occasion de revenir sur les conséquences des travaux effectués irrégulièrement par un copropriétaire.
Rappelons que les parties communes à jouissance privative restent… des parties communes !
Une confusion est souvent opérée par les copropriétaires qui pensent à tort que les travaux sur une partie commune à jouissance privative ne nécessitent pas l’autorisation de l’assemblée générale et qu’ils peuvent alors réaliser n’importe quelle construction sur leur terrasse ou jardin puisqu’il s’agit d’une partie [commune à jouissance] privative.
Dans quel cas une autorisation de l’assemblée générale est nécessaire et à quelle majorité ?
La jurisprudence fait une distinction suivant la nature de la construction envisagée :
1. Si les travaux ne concernent que la construction existante, si les travaux ne consistent pas dans la réalisation de constructions nouvelles, si les travaux consistent en des constructions dites légères sans ancrage au sol facilement démontables…
- les travaux sont soumis à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire la majorité des voix de tous les copropriétaires de l'immeuble ;
2. Si les travaux portent sur une nouvelle construction, ancrée au sol, en dur…
- les travaux de la construction nouvelle sont soumis à la majorité de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965, dite de la double majorité car elle correspond à la majorité des copropriétaires de l'immeuble représentant au moins les 2/3 des voix des copropriétaires.
Si le copropriétaire réalise des travaux sans demander l’autorisation à l’assemblée générale, le syndicat des copropriétaires peut-il exiger la démolition et la remise en état ?
Principe : Oui
Exception : cela peut dépendre des situations…
En droit, cela s’appelle le principe de proportionnalité.
En pratique, pour accéder ou rejeter la demande de démolition, les juges doivent rechercher si les atteintes portées aux parties communes et aux parties privatives sont d’une gravité telle qu’elle justifie la démolition des travaux irréguliers (Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 septembre 2019, RG N°18-19.232)
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Nawal BELLATRECHE-TITOUCHE
Avocate spécialiste en droit immobilier
Formatrice en droit immobilier
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