La prison « désocialise, déresponsabilise, crée de multiples ruptures ou exacerbe celles qui existent déjà ». Quatre ans après avoir dressé ce constat, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a jugé nécessaire de se saisir de nouveau du sujet, sous un prisme différent : qu’est-ce que la société́, mais aussi les victimes et les prévenus attendent de la peine ? Dans un nouvel avis adopté le 13 septembre, il s’appuie sur une analyse approfondie des parcours de peine, et interroge la façon dont ont été conduites les politiques pénales jusqu’à présent. Enfin, il identifie des priorités dans la conception et l’application des peines pour leur donner du sens.

Jugeant que la prison ne doit plus être la peine de référence, le CESE présente 19 préconisations pour « donner à la justice les moyens d’agir vite et mieux, tout en lui permettant de prendre, selon la situation, le temps d’une évaluation pour une peine plus adaptée, mieux comprise, plus efficace pour réduire la récidive et favoriser la réinsertion ».

Pour le CESE, il importe ainsi de mettre fin à la « surenchère pénale », d’évaluer régulièrement les effets économiques et sociaux des politiques pénales conduites, et de réorienter les budgets de la Justice vers le fonctionnement des juridictions et vers l’information des magistrats sur la situation des personnes mises en cause. Il identifie trois priorités pour cela :

- la compréhension de la peine par les victimes, par les personnes condamnées, par la société. « Mal connus, la justice pénale et certains de ses principes (la présomption d’innocence, l’irresponsabilité pénale en cas de troubles mentaux, la prescription…) sont à l’origine de malentendus. Les victimes doivent être mieux accompagnées, le plus en amont possible et à chaque étape » ;

- la dignité de la peine, à travers notamment une limitation des recours à la détention provisoire, la création d’une peine de probation autonome (déconnectée de la prison), l’organisation d’une régulation carcérale « à la sortie ». « Une telle régulation n’empêche nullement de nouvelles condamnations : elle implique qu’au-delà d’un certain seuil d’occupation des établissements, une nouvelle entrée en prison impose l’identification, par les autorités judiciaires et les services pénitentiaires et de la réinsertion, de solutions pour libérer une place en détention » ;     

 - l’individualisation de la peine : « donner à la Justice les moyens de décider, en ayant accès à des informations concrètes, précises et plus complètes sur la situation de la personne, de la peine la plus efficace pour lutter contre la récidive et permettre la réinsertion ».

Le CESE préconise principalement de :

  • faire réaliser régulièrement, par le Parlement, une revue générale des délits et des peines, pour analyser leur utilité et leur réalité, pour réduire le nombre de délits sanctionnés par de courtes peines de prison et pour assurer une logique d’ensemble ;
  • définir une stratégie globale de réduction de la détention provisoire en plusieurs axes :- une contraventionnalisation de certains délits- une limitation de sa durée, dans le respect de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme- une motivation plus poussée de son utilisation qui indiquerait en quoi d’autres solutions ne seraient pas efficaces ;
  • mettre en œuvre une régulation carcérale en adoptant une convention qui prévoit, à partir d’un certain seuil d’occupation, l’identification de solutions de sortie (recensement des personnes susceptibles d’être libérées de façon anticipée : libération sous contrainte, réductions supplémentaires de peine, conversion du reliquat de peine…) associant les autorités judiciaires, pénitentiaires, d’insertion et de réinsertion, et dans le ressort de chaque tribunal judiciaire et dans le cadre d’un processus coordonné par les cours d’appel.(CESE, avis, 12 sept. 2023 (Avis)