L’autre soir, je cessais la lecture de mes comptes Facebook, Instagram, Twitter et autre Linkedln pour regarder les chaînes infos. Et je me suis soudain posé cette question : la déontologie de la profession n’est-elle pas surannée ?

La profession d’avocat se trouve dans un maelstrom de courants : crises numérique, économique, sanitaire et en définitive crise de sens. Pour affronter la tempête, l’avocat doit s’adapter et cherche à se délester de ce qui l’empêche d’être performant. Cette mutation met ainsi la déontologie au cœur des débats.

Manifestement, la barrière de l’accès au professionnel du droit disparaît sous les coups de la surmédiatisation, de la transformation numérique et de la crise Covid. Désormais, le client ne pousse plus, timidement et uniquement sur rendez-vous, la porte capitonnée de l’avocat installé derrière son bureau napoléonien. Au contraire, il critique les affaires judiciaires aux informations ; il suit et interpelle les avocats sur les réseaux sociaux, se renseigne sur internet, sollicite une consultation en ligne ou en visio.

Une plus grande proximité ne peut qu’être bénéfique pour les avocats parfois trop éloignés du public mais en respectant quelle déontologie ? Doit-on ranger celle-ci dans le superflu à passer par-dessus bord pour ne pas couler ?

Cela peut être tentant quand la marchandisation du droit nous contraint à affronter d’autres concurrents non soumis à notre éthique ou à envisager de travailler avec des partenaires non réglementés. La déontologie devient-elle alors un frein ou une arme ? Sera-t-elle soluble dans cette nouvelle interprofessionnalité ?

De même, une réflexion déontologique commune a été entreprise sur les relations magistrats avocats tant les moyens de la Justice et les impératifs économiques ont causé de tensions et remises en cause de nos usages.

La déontologie est ce qui assure la qualité d’exercice, la confiance du public et en définitive la renommée d’une profession. Elle a donc en réalité une visée, au-delà de son aspect philosophique et moral, très pratique.

Si les nouveaux modes d’exercice et de communication doivent être accueillis comme une chance pour la profession, c’est à la condition qu’ils respectent les principes fondamentaux de notre déontologie : dignité, conscience, probité, humanité, indépendance, secret professionnel.

Avec l’unification dans le RIN de nos règles déontologiques par le CNB et le contrôle interne de notre discipline par nos ordres et conseils régionaux, l’identité et l’indépendance du Barreau sont fortes.

Affaiblissons le contrôle, estimons surannée notre déontologie et nous perdrons la confiance de notre clientèle avant de voir l’État reprendre, peu à peu, à notre place la maîtrise de notre gouvernance. Cela n’a-t-il pas déjà commencé ?

Nous devons donc nous imposer une déontologie omniprésente, condition nécessaire à notre mission et à notre indépendance.

Deonta : « les devoirs » ; logos : « la raison ». Sachons raison garder sur nos devoirs.

Sophie Challan-Belval, avocate au barreau de Rouen

Gaz. Pal. 24 nov. 2020, n° GPL391e8, p. 3