La gestion d’une SARL impose aux gérants une grande rigueur dans la prise de décisions. Parmi les obligations majeures figure la gestion des conventions réglementées, encadrée strictement par le Code de commerce. L’objectif est clair : éviter les conflits d’intérêts et garantir que les décisions prises servent bien l’intérêt social de l’entreprise.

 

Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. com., 18 décembre 2024, n° 22-21.487) apporte une clarification importante sur ce point. Il affirme que même lorsqu’une convention réglementée a été approuvée par l’assemblée générale des associés, la responsabilité du gérant peut être engagée pour faute de gestion.

 

Cette jurisprudence met en lumière une double responsabilité qui pèse sur le gérant :

 

  • La responsabilité liée aux conventions réglementées lorsqu’elles sont irrégulières ou dommageables pour la société (article L. 223-19 du Code de commerce).
  • La responsabilité pour faute de gestion, si l’acte de gestion du gérant cause un préjudice, indépendamment du fait que la convention ait été validée (article L. 223-22 du Code de commerce).

Cet article revient en détail sur les implications pratiques de cette décision et les précautions à prendre pour éviter tout contentieux.

 


1. Les conventions réglementées en SARL : un contrôle essentiel

1.1 Définition et cadre légal des conventions réglementées

Les conventions réglementées concernent les contrats passés entre une SARL et :

 

  • Son gérant.
  • Un associé majoritaire.
  • Une société dans laquelle le gérant détient des intérêts significatifs.

Le Code de commerce (article L. 223-19) impose une procédure stricte pour ces conventions, afin de garantir la transparence et la protection des intérêts de la société.

 

Avant toute conclusion d’une convention réglementée, il est impératif de :
Informer les associés des conditions du contrat.
Rédiger un rapport spécial détaillant les termes de la convention.
Soumettre la convention à un vote en assemblée générale.

 

Si la convention est refusée par l’assemblée, le gérant peut être contraint d’en assumer personnellement les conséquences.

 

1.2 Une protection insuffisante en cas de gestion abusive

Dans l’affaire examinée par la Cour de cassation, le gérant avait signé un contrat avec une société qu’il détenait à 99 %, à des conditions financièrement défavorables pour la SARL.

 

Les associés, considérant qu’il avait favorisé son propre intérêt au détriment de celui de la société, ont engagé une action en responsabilité.

 

La Cour d’appel leur a donné raison, et la Cour de cassation a confirmé la condamnation du gérant, en précisant que l’approbation de la convention ne le protégeait pas contre une action pour faute de gestion.

 


2. La faute de gestion, un fondement de responsabilité distinct

2.1 L’article L. 223-22 du Code de commerce et la responsabilité du gérant

Selon l’article L. 223-22 du Code de commerce, les gérants sont responsables individuellement ou solidairement envers la société et les tiers des :

 

  • Infractions aux lois applicables aux SARL.
  • Violations des statuts.
  • Fautes commises dans leur gestion.

Ainsi, même si une convention réglementée a été validée par l’assemblée générale, la gestion fautive du gérant peut être sanctionnée.

 

Dans l’arrêt du 18 décembre 2024, la convention avait bien été soumise et approuvée, mais elle causait un préjudice manifeste à la société. Le gérant a donc été tenu responsable de cette décision préjudiciable.

 

2.2 Une faute de gestion avérée même après approbation de l’assemblée

L’un des points essentiels confirmés par la Cour de cassation est que l’assemblée générale des associés ne peut pas "effacer" une faute de gestion.

 

L’article L. 223-22, alinéa 5 du Code de commerce précise en effet que les décisions des associés ne peuvent pas éteindre une action en responsabilité contre un gérant.

 

Cela signifie que :
Même avec un vote favorable, une convention peut donner lieu à une action en responsabilité si elle est préjudiciable à la SARL.
Le gérant reste tenu de respecter l’intérêt social, indépendamment du contrôle exercé par les associés.
Une décision conforme aux procédures internes ne garantit pas son immunité en cas de mauvaise gestion avérée.

 

Dans l’affaire jugée, l’acte du gérant était désavantageux pour la SARL, ce qui a suffi à engager sa responsabilité pour faute de gestion.

 


3. Quels enseignements pour les gérants de SARL ?

3.1 Une exigence accrue de prudence et de justification

Cette décision rappelle que les gérants de SARL doivent non seulement :
Respecter les procédures des conventions réglementées, en assurant un vote en assemblée.
S’assurer que chaque convention sert l’intérêt social, sous peine de mise en cause personnelle.
Éviter les conflits d’intérêts évidents, notamment lorsqu’ils détiennent des parts dans la société cocontractante.

 

En cas de doute, documenter chaque décision et solliciter un avis externe permet de prévenir les risques.

 

3.2 Des précautions à prendre pour limiter la responsabilité

Afin d’éviter tout contentieux, les gérants peuvent mettre en place :
Un audit interne régulier des conventions réglementées pour garantir leur conformité.
Une consultation juridique avant la signature des contrats sensibles.
Une justification économique et stratégique détaillée pour chaque convention.

 

3.3 Une application possible aux autres types de sociétés

Bien que cette affaire concerne une SARL, la solution retenue par la Cour de cassation peut également s’appliquer aux dirigeants de :

 

  • Sociétés anonymes (SA), soumises à un régime similaire sur les conventions réglementées (article L. 225-38 du Code de commerce).
  • Sociétés par actions simplifiées (SAS), où les dirigeants doivent agir dans l’intérêt social.
  • Sociétés civiles à activité économique, où la faute de gestion peut aussi être sanctionnée.

Conclusion : une responsabilité à double niveau pour le gérant de SARL

L’arrêt du 18 décembre 2024 illustre parfaitement le fait que la responsabilité du gérant peut être engagée simultanément sur deux plans :
Les conventions réglementées, lorsqu’elles ne respectent pas les règles de transparence et d’approbation.
La faute de gestion, lorsque la décision du gérant est contraire à l’intérêt social, même si elle a été validée par l’assemblée.

 

Les gérants doivent donc adopter une gestion prudente et rigoureuse, en justifiant l’intérêt économique de chaque convention et en veillant à la pérennité de la société.

 

Une gouvernance transparente et un accompagnement juridique adapté restent les meilleurs outils pour prévenir tout risque de mise en cause.

 

 

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