Une perquisition fiscale (à proprement parler : une visite domiciliaire) est une très mauvaise nouvelle. S’ils sont là, c’est que les fonctionnaires des impôts pensent que vous êtes un fraudeur, et espèrent en trouver la preuve pour vous faire condamner par un tribunal correctionnel, en vous infligeant en parallèle un important rappel d’impôt avec pénalités.

Vous défendre devra donc constituer votre nouvelle priorité.

Voici quelques explications à but didactique. Nous suivrons un plan simplement chronologique : avant la perquisition, les opérations de perquisition, après la perquisition.

 

1/ Avant la perquisition


Que ce soit au moyen de dénonciations (éventuellement contre rémunération avec le régime de l’aviseur fiscal), d’enquêtes diverses (le fisc examine par exemple les réseaux sociaux), d’un dossier pénal, ou encore d’articles de presse, l’administration fiscale traque la fraude fiscale. Elle recherche par exemple les activités occultes, les dissimulations de revenus, l’évasion fiscale via les sociétés étrangères (dites off-shore), ou encore les fausses expatriations.

Suite à son enquête, elle dispose parfois d’éléments la conduisant à soupçonner une fraude fiscale. C’est alors qu’elle peut être tentée de réaliser une perquisition pour trouver des éléments de preuve de cette fraude supposée, dans le but ultérieur d’obtenir une condamnation par le juge. Elle doit pour cela mettre en oeuvre l’article L16B du LPF qui régit le droit des perquisitions fiscales.

Selon l’expression de cet article, la perquisition peut être ordonnée par l’autorité judiciaire  (comprendre : un juge et non un fonctionnaire des impôts) saisie par l’administration fiscale, lorsque qu’elle « estime qu’il existe des présomptions » de fraude fiscale.

Je croyais pour ma part que l’innocence était toujours présumée. L’autorité judiciaire ou l’administration peuvent évidemment avoir des soupçons, mais je conçois mal qu’ils aient « des présomptions » de fraude. Ce glissement sémantique me gêne.

Concrètement, le contexte initial est celui où l’administration n’a encore réalisé aucun contrôle fiscal à proprement parler. Elle estime cependant avoir suffisamment d’éléments pour « présumer » l’existence d’une fraude fiscale, mais pas assez de véritables preuves.

L’administration fiscale rédige alors une requête qu’elle soumet à l’approbation du juge des libertés (JDL), lui demandant d’autoriser la perquisition, en montrant les éléments de preuves déjà réunis permettant la présomption de fraude. En réalité, on constate que l’administration fiscale pré-rédige également en totalité l’ordonnance d’autorisation que le JDL va rendre. Celui-ci n’a plus qu’à la signer. Le juge étant débordé par d’autres affaires, il va malheureusement, bien souvent, se limiter à survoler les documents complexes qui lui sont soumis.

Dans bien des cas, les affaires nécessitant plusieurs perquisitions simultanées, c’est plusieurs ordonnances qui seront délivrées pour une seule affaire. Ainsi, les ordonnances rendues sous la signature du juge seront des quasi copié-collé d’une requête de l’administration, parfois avec les fautes d’orthographe à l’identique, ce qui pourrait prêter à sourire si ce n’était pas si consternant au regard des droits des citoyens.

L’ordonnance (ou les ordonnances) autorise donc des fonctionnaires des impôts, nommément désignés, à se rendre en des lieux également désignés pour réaliser une visite et une saisie. Un Officier de Police Judiciaire (OPJ), c’est-à-dire un gendarme ou parfois un policier, est également désigné dans l’ordonnance. Il a en principe un rôle passif de surveillance du déroulement des opérations. Il est l’oeil et l’oreille du juge et vérifie essentiellement le respect des droits et libertés de chacun pendant la perquisition. Il doit particulièrement veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense. N’allez toutefois pas croire qu’il soit là pour vous défendre !

A ce stade, en dehors de l’administration fiscale, de l’OPJ et du juge, personne n’est prévenu des opérations qui se préparent. Le but est évidemment de surprendre l’occupant.

En général, la perquisition a lieu dans plusieurs endroits en même temps : au siège social d’une ou plusieurs sociétés, dans les succursales, au domicile du ou des dirigeants, dans leurs banques s’ils possèdent des coffres, dans leurs maisons secondaires, etc. L’opération mobilise donc souvent plusieurs dizaines de fonctionnaires des impôts, un OPJ pour chaque lieu perquisitionné, des véhicules, des ordinateurs, des imprimantes, etc.

L’opération a donc un coût important, et l’administration ne la met en oeuvre que si elle estime avoir les meilleures chances d’obtenir en bout de course une condamnation pour fraude fiscale ainsi qu’un rappel d’impôt important.

Il faut bien comprendre à ce stade que vous allez être pris par surprise, et que l’ensemble des intervenants (le JDL, les inspecteurs des impôts, les OPJ) présument que vous êtes un fraudeur qu’ils essaient de coincer.

Les convaincre du contraire ne sera pas une mince affaire.

 

2/ Le déroulement des opérations de perquisition


Les fonctionnaires vont généralement débarquer à votre domicile vers 7h du matin (pas avant 6h ni après 21h) et resteront tant que nécessaire pour tout fouiller. En pratique, l’opération dure souvent toute la journée. Ils seront couramment entre 6 et 8 personnes. A la même heure, d’autres fonctionnaires vont aussi débarquer dans votre résidence secondaire, dans votre entreprise, voire dans d’autres sociétés du groupe, ainsi que chez les autres personnes qu’ils estiment pouvoir être complices. Vous serez surpris, submergé par les informations, et désemparé.

 

Ils vont commencer par décliner leurs identités et le motif de leur visite, puis vous délivrer un exemplaire de l’ordonnance du juge qui autorise leurs opérations.

Comme vous ne pouvez pas être partout à la fois pour assister aux multiples perquisitions simultanées, l’OPJ va vous demander de désigner des représentants à chaque fois que nécessaire. En effet, les opérations de perquisition doivent se dérouler en présence constante de l’occupant ou de son représentant.

Dans cette situation, n’importe qui se retrouvera extrêmement choqué par cette intrusion et risquera de perdre son sang froid. Il convient évidemment de toujours rester poli. Vous ne devez en aucun cas tenter de vous opposer à l’opération.

C’est à ce moment là que je vous recommande fortement d’appeler votre avocat, si possible un spécialiste en droit fiscal, ou en droit pénal. Il saura prendre la mesure de la situation et vous conseiller utilement dans l’urgence. Peut-être décidera-t-il de venir au plus tôt vous assister ; dans certains cas, il pourra au contraire préférer les laisser agir sans contrôle externe, pour mieux exploiter ultérieurement leurs erreurs éventuelles.

Les opérations débutent alors réellement. Les fonctionnaires visitent l’ensemble des lieux concernés, généralement en vous demandant de bien vouloir les guider. La visite générale une fois effectuée, ils vont normalement procéder à une fouille complète, puis aux saisies.

Ils vont saisir l’ensemble des dossiers ou autres documents en papier. Leur nombre et leur quantité étant souvent importante, se met alors en place une organisation, les uns transportant les dossiers, les autres les compulsant rapidement avant de les répertorier, les numéroter, et les mettre en caisse.

Ils vont aussi saisir l’ensemble des données informatiques, c’est-à-dire en pratique faire des copies des disques durs ainsi que des boites mails.

L’ensemble de ces données ne seront exploitées qu’ultérieurement, bien après la perquisition.

En principe, ils doivent toutefois s’abstenir de saisir certains documents, particulièrement l’ensemble des correspondances avec les avocats.

Un autre élément concret est extrêmement important : il est possible que vous n’ayez aucune copie de certains documents qui vont être saisis. Si vous estimez qu’ils vous seront nécessaires dans les mois à venir, il faut alors exiger d’en obtenir photocopie immédiate.

Si certaines pièces posent une difficulté, notamment au regard des droits de la défense, elles peuvent être mises sous scellés. Vous pourrez alors assister ultérieurement à l’ouverture de ces scellés. C’est particulièrement le cas des données informatiques.

Après de nombreuses heures, arrive la fin de l’épreuve. Les fonctionnaires vont établir un procès-verbal retraçant le déroulement des opérations, et surtout la liste exhaustive des pièces saisies. Ils signent tous ce document et vous demandent d’en faire autant après relecture. Vous pouvez évidemment demander une modification ou un rajout si quelque chose vous semble devoir être noté.

Il faut ici souligner que le nombre de fonctionnaires oeuvrant simultanément pendant toute la journée vous a certainement empêché de contrôler leurs agissements. C’est par exemple ce type de remarque qui pourra utilement être rajoutée au procès-verbal, pour une éventuelle exploitation ultérieure.

Ce PV sera ensuite adressé au juge, à l’auteur présumé de fraude, et à l’occupant des lieux.

Les pièces saisies seront en principe restituées dans un délai de six mois.

 

3/ Après la perquisition


Si vous ne l’avez pas déjà fait, vous devez immédiatement prévenir votre avocat (de préférence un spécialiste en droit fiscal), et le rencontrer aussitôt. En effet, il va falloir très rapidement réfléchir et décider des recours possibles.

Vous pouvez choisir de ne pas contester la perquisition, et même de procéder rapidement et spontanément aux déclarations fiscales rectificatives que vous estimerez pertinentes.

Mais il est au contraire possible de contester :

- d’une part l’ordonnance d’autorisation de la perquisition rendue par le juge,
- et d’autre part le déroulement des opérations de perquisition et le PV y afférent.

La contestation peut être effectuée par le « présumé » fraudeur, par l’occupant, ou toute personne qui y aurait un intérêt quelconque.

Chacune de ces contestations s’effectue par la voie d’une déclaration d’appel devant le premier président de la Cour d’appel territorialement compétente. Cette déclaration d’appel doit être effectuée par courrier électronique ou postal en RAR au greffe de la Cour, dans un délai de 15 jours suivant le jour où l’ordonnance ou le PV vous a été notifiée (en principe, le jour de la perquisition).

A partir de ce moment, le dossier est disponible pour consultation auprès du greffe de la Cour. Il convient impérativement de s’y rendre, spécialement pour pour consulter l’ensemble des annexes qui étaient jointes à la requête que l’administration fiscale avait adressée au juge dans le but d’obtenir l’autorisation de perquisitionner. En effet, si l’examen minutieux de l’ordonnance et du PV sont nécessaires, l’ensemble des pièces annexes à l’ordonnance d’autorisation doivent être examinées à la loupe. Leur examen, ainsi qu’une enquête minutieuse, révèlent souvent que les pièces auront été incomprises, ou dénaturées, ou encore que l’administration n’aura retenu que des éléments à charge pour convaincre le juge, tout en lui dissimulant des pièces à décharge, qui auraient pu changer son opinion du tout au tout.

Votre contestation ne pourra prospérer qu’à condition d’être très sérieusement argumentée. Je rappelle qu’il s’agit malheureusement, dans la réalité, de renverser une véritable présomption de fraude.

Ce n’est qu’après ce délai de 15 jours au cours duquel vous aurez contesté l’ordonnance d’autorisation et/ou la perquisition, que vous serez convoqué pour ouverture des éventuelles scellés, puis pour la restitution des pièces saisies dans le délai de 6 mois.

Parallèlement, dans presque tous les cas, l’administration fiscale va alors diligenter plusieurs contrôles fiscaux : vérifications de comptabilités pour les entreprises, et vérifications de situation fiscale personnelle pour les particuliers.

Le contribuable étant encore une fois « présumé » fraudeur, ces vérifications fiscales et les procédures de rectification qui s’ensuivent, seront généralement réalisées à charge, et non avec la neutralité que les fonctionnaires doivent normalement respecter. Sachant que votre dossier sera très probablement transmis à un juge correctionnel en vue d’une condamnation pour fraude fiscale, le fonctionnaire des impôts n’écrira rien qui puisse servir votre défense.

Il sera donc fondamental de recourir à un avocat spécialiste en droit fiscal pour vous assister pendant la vérification, vous défendre lors de la procédure de rectification, puis vous représenter pendant le probable contentieux fiscal.

En plus du contentieux fiscal, il faudra également vous défendre devant le tribunal correctionnel. A cet égard, deux points doivent être soulignés :

- le contentieux fiscal étant plus long que le contentieux pénal, il n’est pas rare de voir des contribuables condamnés pour fraude fiscale par le tribunal correctionnel, mais ensuite déchargés de tout ou partie des rappels d’impôts par le juge de l’impôt ;

- les condamnations pour fraude fiscale des dirigeants de sociétés entraînent presque toujours le prononcé de la solidarité de ce dirigeant au paiement des droits fraudés par la société ; ceux-ci étant souvent bien plus importants que l’amende, on comprend que l’enjeu majeur du contentieux relève du juge de l’impôt et non du juge pénal.

Dominique LAURANT