La solution a d'abord été dégagée par le Conseil d'Etat dans le cadre des amendes administratives prononcées par l'OFII contre les employeurs d'étrangers sans titre. Depuis une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d’Etat exige en effet que :
« la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus » (CE, 30 décembre 2021, N° 437653, B).
En clair, avant de sanctionner une société d'une amende administrative, l'administration doit informer cette dernière de l'existence d'un procès-verbal constatant les faits repprochés et doit lui indiquer qu'elle a le droit d'avoir communication de ce procès-verbal.
Le procès-verbal constitue en effet la pièce maitresse de la procédure, celle sans laquelle l'administration ne pourrait rien faire dés lors que l'infraction est seule constatée par ce document faisant foi "jusqu'à preuve du contraire".
La rapporteure publique sous cette décision justifiait ce revirement de jurisprudence par le fait que "il est difficile à nos yeux de soutenir qu’une personne devant deviner d’elle-même, par ses propres recherches, qu’elle peut solliciter la communication de ces PV est « mise à même de le faire »"
Dans un important arrêt du 6 février 2024, la Cour Administrative d'Appel de Versailles a appliqué cette même jurisprudence dans un autre domaine, celui des sanctions de l'ARS vis-à-vis d'une société de transport sanitaire.
L'histoire est anecdotique, mais elle a permis pour la première fois à une juridiction administrative d'appliquer la jurisprudence du conseil d'Etat en dehors de son champ d'intervention intitial.
La Cour estime que :
"Si aucune disposition ne prévoit expressément que le procès-verbal constatant un manquement aux obligations de la section du code de la santé publique relative à l'agrément des transports sanitaires soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. En l'espèce, ni le courrier de convocation à la réunion du sous-comité des transports sanitaires, ni aucun autre document n'ont informé la société Ambulances ABM 95 de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction du 15 septembre 2017 sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés. Ce document ne figurait pas non plus dans le dossier administratif qu'elle avait été invitée à consulter sur place. Par suite, et nonobstant la circonstance que la société requérante n'a jamais expressément demandé la communication de ce procès-verbal, l'agence régionale de santé d'Ile-de-France a entaché la procédure d'un vice substantiel justifiant l'annulation de la décision attaquée" (CAA de Versailles, 6 février 2024, n°21VE01220, C+).
Ainsi, les personnes visées par une procédure de sanction administrative fondée sur un procès-verbal veilleront désormais à vérifier que le courrier de l'administration les informant de l'ouverture d'une procédure mentionne bien leur droit d'obtenir communication de ce procès-verbal !
Nicolas Taquet
Avocat au Barreau de Pau
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