Le Conseil d’État vient de rendre une décision très intéressante concernant la tarification d’un service public et sur l’existence d’une discrimination tarifaire entre les usagers.

L’affaire était relativement simple puisque des usagers contestaient la délibération par laquelle une intercommunalité a fixé le tarif de la redevance pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif et pour l'entretien des installations conventionnées.

La jurisprudence est désormais fixée depuis longtemps (CE, 21 novembre 1958, n°30693) et elle rappelle que le montant de la redevance payée pour service rendu doit trouver « sa contrepartie directe dans les prestations fournies par le service ou dans l’utilisation de l’ouvrage ».

Il doit donc exister une équivalence entre le montant de la redevance et le service rendu, sous peine de requalification de la redevance en imposition. Si la jurisprudence a assoupli ce principe d’équivalence, qui est désormais un contrôle de la disproportion (CE, 10 juin 1998, n°178812).

Dans la décision citée, le Conseil d’État prend soin de procéder au rappel élémentaire :

« Pour être légalement établie, une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Toutefois, si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Ainsi, le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. »

Puis, il est aussi rappelé qu’il est loisible, pour une personne publique de fixer des tarifs différents, en fonction des usagers. Cette discrimination doit néanmoins reposer sur des critères objectifs, un motif d’intérêt général ou du fait de la loi (CE, 10 mai 1974, n°88032).

La jurisprudence a ainsi validé l’existence de pratiques tarifaires discriminantes pour des motifs géographiques (CE, 18 mars 1994, n°140870) ou sociaux (CE, 10 février 1993, n°95863). En l’espèce, les requérants contestaient l’application d’une redevance plus élevée au motif que leur commune a été intégrée tardivement au sein de l’intercommunalité :

« 8. Pour juger que les différences de tarification ainsi instituées n'étaient pas contraires au principe d'égalité, la cour administrative d'appel de Douai a estimé qu'elles étaient d'une relative faiblesse et strictement proportionnées à l'écart historique de tarification entre, d'une part, les usagers résidant dans les sept communes dont l'intégration à la communauté d'agglomération était récente et, d'autre part, ceux résidant dans les autres communes de la communauté d'agglomération, et qu'elles assuraient ainsi le caractère progressif de l'harmonisation des tarifs pour l'ensemble des usagers. Toutefois, l'existence d'un écart historique de tarification ne constitue, en tant que telle, ni une différence de situation appréciable au regard des caractéristiques du service fourni, tenant par exemple à la reprise provisoire, pour les communes récemment intégrées, des contrats antérieurement conclus, ni une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service, tenant par exemple à la circonstance que l'ampleur de cet écart imposerait des mesures transitoires. Dès lors, au regard des seuls éléments qu'elle a relevés, la cour administrative d'appel de Douai a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, ses arrêts doivent être annulés. »

Ainsi, le Conseil d’État estime qu’une discrimination tarifaire fondée sur la date d’intégration d’une commune au sein d’un EPCI constitue une erreur manifeste d’appréciation et enfreint donc le principe d’égalité des usagers devant le SP.

L’arrêt de la CAA qui avait validé le raisonnement de l’EPCI est donc annulé et les parties sont renvoyées devant la CAA de Douai, autrement composée.